Bonjour
Est-ce une simple conseillère affûtée ou le lobby alcoolier qui fait une entrée en majesté à l’Elysée ? Sommes-nous confronté à un conflit majeur d’intérêts face auquel la ministre de la Santé (et des Solidarités) apparaît comme désarmée ? Toujours est-il qu’Audrey Bourolleau, 37 ans, a été nommée, lundi 22 mai, « conseillère agriculture, pêche, forêt et développement rural » auprès du président de la République. Mme Bourolleau était il y a peu encore déléguée générale de « Vin et société ». C’est là un organisme particulièrement actif chargé de défendre les intérêts de la filière viticole française et dont nous avons été souvent amené à parler sur ce blog. Le Monde fait observer que cette nomination a été saluée par un communiqué de « Vin et société » :
« Audrey Bourolleau avait rejoint Vin & Société en tant que Déléguée Générale en novembre 2012. Sa mission était de mettre en œuvre les actions sociétales et politiques de la filière viticole. Audrey Bourolleau a conçu et mis en œuvre le volet consommation responsable, éducation et œnotourisme de Vin & Société. Elle a en particulier lancé le portail de la prévention en ligne, piloté la 1ère campagne d’information sur les repères de consommation en décembre 2015 (…) Audrey s’était mise en disponibilité le temps de la campagne présidentielle durant laquelle elle était référente agricole pour le mouvement En Marche !. Elle a choisi de quitter ses fonctions le 2 mai dernier. »
Heineken
Diplômée de l’ESC de La Rochelle, Mme Bourolleau ne s’est pas passionnée que pour le vin. Le Monde rapporte qu’elle a (jusqu’ici) fait l’essentiel de sa carrière dans le monde du vin et de la bière 1. D’abord chez Baron Philippe de Rothschild France Distribution, puis chez Heineken, avant de prendre la direction de l’Union des Côtes de Bordeaux.
« L’un de ses principaux faits d’arme a été d’obtenir, lors de l’examen de la loi santé en 2015, le détricotage de la loi Evin qui encadre la publicité sur les boissons alcoolisées en France depuis 1991, ajoute le quotidien vespéral. Les parlementaires avaient fortement assoupli les conditions dans lesquelles il était possible de faire la promotion du vin en dépit de l’opposition de la ministre de la santé Marisol Touraine. Une mesure qui avait reçu la bénédiction du chef de l’Etat François Hollande et de son ministre de l’économie, Emmanuel Macron.»
On se souvient peut-être des critiques d’une particulière virulence exprimées (dans L’Humanité) par l’actuelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn – alors présidente de l’Institut national du cancer. Une vive polémique avait aussi opposé la Haute Autorité de Santé (qu’allait présider Mme Buzyn) à l’association « Vin et Société ».
Grain de raison
Audrey Bourolleau avait par ailleurs magistralement piloté une campagne de communication fin 2015 qui avait elle aussi suscité de très vives polémiques. Sous le slogan « Aimer le vin, c’est aussi avoir un grain de raison », cette opération se proposait de donner aux Français les « repères de consommation » de vin, baptisés « 2.3.4.0 ». Soit deux verres maximum par jour pour une femme, trois verres pour un homme, quatre en une seule occasion et 0 un jour par semaine. Des repères aujourd’hui revus à la baisse par les autorités sanitaires sur lesquelles la ministre de la Santé a la tutelle. Puis, l’été dernier, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie avait accusé « Vin et société » de mensonges.
Est-ce une simple conseillère dynamique, compétente et affûtée ou le lobby alcoolier qui fait une entrée en majesté à l’Elysée ?
A demain
1 Même s’il existe certaines alliances entre les deux, il conviendrait de ne pas confondre systématiquement lobby viticole et lobby alcoolier