Bonjour
C’est une longue dépêche de l’Agence France Presse. Elle coïncide avec l’annonce du nouveau nom donné par la SNCF à ses prestigieux TGV : un invraisemblable « inOui » faux palindrome et ridicule véritable 1. La dépêche, elle, ne prête pas à sourire.
L’AFP rappelle qu’en avril, la CGT-cheminots posait la question : « Y a-t-il un syndrome SNCF ? » comparable à la souffrance des salariés de France Télécom et la série de suicides de 2008-2009. Le premier syndicat de la SNCF y voit des « ressemblances frappantes ». Si toutes ne font pas le parallèle, les quatre organisations représentatives (CGT, Unsa, SUD, CFDT) ont demandé ensemble mi-avril une « table ronde sur les risques psychosociaux ».
Stabilité de l’anxiété
Quels sont les symptômes ? Un malaise diffus et des arrêts maladie qui ont augmenté de 8 % entre 2008 et 2015, quand les effectifs diminuaient de 6 %. Un premier trimestre 2017 marqué « par un nombre exceptionnel de drames », accidents graves du travail ou suicides, soulignent les syndicats. Au moins six suicides pouvant avoir un lien avec le travail ont été recensés sur les trois premiers mois par SUD-Rail, dont celui d’un de ses délégués à Saint-Lazare. Un chiffre contesté par l’entreprise qui assure à l’AFP que la situation « ne s’aggrave pas » ; elle souligne qu’un seul suicide a été reconnu comme accident du travail par la Sécurité sociale en 2016.
Que dit la médecine ? On cite ici le Pr Michel Lejoyeux (AP-HP), spécialiste de psychiatrie et responsable, à la SNCF, de la « cellule psychopathologique ». Tous les deux ans elle « sonde l’état mental des cheminots ». Selon le Pr Lejoyeux le dernier baromètre (renseigné anonymement en 2015 par 2 000 agents à l’issue de leur visite médicale) montre « une stabilité du taux d’anxiété et de dépression » et « un niveau comparable » aux autres entreprises. Il n’observe « pas d’épidémie d’anxiété à la SNCF au sens de maladie anxieuse, mais il est tout à fait possible que les salariés se sentent plus malheureux, mon tamis ne permet pas de le mesurer ». Le Pr Lejoyeux changera-t-il de tamis ? Pour l’heure il estime que l’entreprise est à la pointe en matière de prévention des risques psychosociaux (RPS).
« Recréer de l’humain »
Que dit la direction ? Elle parle d’« un dispositif de prévention des risques psychosociaux conséquent, sans doute le plus abouti en France » : plus de 125 médecins du travail, une trentaine de psychiatres, des psychologues répondant au téléphone jour et nuit, et 10 000 managers formés. Néanmoins, la direction a proposé aux syndicats de discuter des risques psychosociaux (RPS) le 1er juin lors du prochain comité national d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CNHSCT).
Que disent les leaders syndicaux ? Ils pointent « beaucoup d’incertitudes, de mécontentements, de colère, de la démotivation, voire une réelle détresse ». Les cheminots se demandent si « demain, ils vont changer de métier » ou devront « aller travailler dans une filiale », explique Cédric Robert (CGT). Ils estiment également que le mal-être ambiant résulte d’une « dégradation des conditions de travail », conséquence de la suppression de 100 000 postes depuis le début des années 1980 et des « réorganisations incessantes » pour gagner en productivité. Près de 27 000 salariés ont vécu un changement d’organisation du travail en 2015. Ce qui n’est pas sans rappeler l’affaire de la « vague de suicides » de France-Telecom de janvier 2008 à mars 2010 … avant de devenir Orange.
L’affaire sera, le 1er juin, au cœur du prochain comité national d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la SNCF. La nouvelle organisation voulue par la direction a un objectif affiché : « recréer de l’humain ». Invraisemblable, la formule résume tout.
A demain
1 « inouï » [inwi] est présent dans la langue française depuis la fin du XVIIème. Le mot est issu de ouï, part. passé de ouïr : « qui n’a pas été entendu, sans exemple, inouï ». Plus rare : « Inouïsme », subst. masc.,rare. Caractère de ce qui est inouï ; étrangeté.