Pour expliquer cette augmentation de la consommation de tabac parmi les catégories sociales les plus défavorisées, les services de la ministre avancent : « l’utilisation de la cigarette pour gérer le stress, la difficulté à se projeter dans l’avenir, la méfiance à l’égard des messages de prévention, le déni du risque, une dépendance nicotinique plus importante, une norme sociale en faveur du tabagisme ou des événements difficiles pendant l’enfance ».Bonjour
C’est un communiqué de presse daté du 31 mai. Une journée qui, comme chacun ne le sait pas, voit des institutions célébrer la « Journée mondiale sans tabac ». Et ce « dans le but de souligner les risques pour la santé liés au tabagisme et de plaider en faveur de politiques publiques efficaces pour réduire la consommation de tabac ».
C’est communiqué de la MILDECA 1. On attend du lénifiant et on ne se trompe pas. On nous rappelle que le tabagisme reste la première cause de mortalité prématurée évitable (73 000 cas annuels au bas mot en France). On nous annonce que le Ministère des Solidarités et de la Santé et Santé publique France « lancent une campagne de sensibilisation nationale pour inciter les fumeurs à faire une tentative d’arrêt ». Et que cette campagne « a pour objectif de lutter contre les idées reçues en rappelant que fumer n’est jamais sans risque, et en incitant les fumeurs à se faire aider ». On cite évidemment « Tabac Info Service » et on fait, comme toujours, l’impasse officielle sur la cigarette électronique.
Pauvres esclaves
Puis on cite l’enquête publiée dans le dernier BEH qui établit, chiffres à l’appui l’incurie des pouvoirs publics face à ce fléau majeur : « La France est la championne d’Europe toute catégorie des esclaves du tabac ». C’est alors que l’on peut lire ceci :
« Réalisée auprès de plus de 15 000 personnes en France métropolitaines âgées de 15 à 75 ans, l’enquête Baromètre Santé 2016, réalisée par Santé Publique France, a permis de confirmer une proportion de fumeurs quotidiens toujours élevée (28,7 %). Néanmoins, les résultats démontrent qu’entre 2010 et 2016, la fréquence du tabagisme quotidien a diminué parmi les hommes de 25 à 34 ans passant de 47,9% à 41,4% et également parmi les femmes de 15 à 24 ans dont le taux s’élève désormais à 25,2% au lieu de 30%. »
Ce « néanmoins » est terrible quand on regarde le phénomène dans sa globalité. Il l’est d’autant plus que les auteurs du communiqué font l’impasse sur l’autre réalité statistique révélée par cette enquête : de 2010 à 2016 la prévalence du tabagisme quotidien a, en France, augmenté de 35,2% à 37,5% parmi les personnes aux revenus de la tranche la plus basse, alors qu’elle a diminué de 23,5 à 20,9% parmi les personnes aux revenus de la tranche la plus haute.
Double peine
La MILDECA ne dit donc rien des raisons qui peuvent expliquer cette augmentation de la consommation de tabac parmi les catégories sociales les plus défavorisées : « l’utilisation de la cigarette pour gérer le stress, la difficulté à se projeter dans l’avenir, la méfiance à l’égard des messages de prévention, le déni du risque, une dépendance nicotinique plus importante, une norme sociale en faveur du tabagisme ou des événements difficiles pendant l’enfance ».
Ce n’est pas tout : « les écarts selon le niveau de diplôme suivent une tendance similaire, témoignant ainsi d’une augmentation des inégalités sociales en matière de tabagisme » soulignent encore les auteurs de l’enquête. Une version nouvelle, en somme, de la double peine à laquelle la MILDECA, institution placée à droite du Premier ministre, ne s’intéresse pas. Pourquoi ?
A demain
1 La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), placée auprès du Premier ministre, anime et coordonne l’action du gouvernement en matière de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Elle élabore à ce titre la stratégie gouvernementale en la matière dans les domaines suivants : recherche et observation ; prévention ; santé et insertion ; application de la loi ; lutte contre les trafics ; coopération internationale. Elle a aussi pour mission d’accompagner les partenaires publics, institutionnels et associatifs de la politique publique dans la mise en œuvre des orientations, en leur apportant un soutien méthodologique ou financier.