Baclofène-80 mg : les doléances des patients au directeur de l’Agence du médicament

Bonjour

Ce fut un médicament, puis un médicament détourné, puis un livre à succès, puis des polémiques en cascades et autant d’atermoiements. Cela pourrait devenir une série. Avec, en toile de fond, les délices de l’alcool et les ravages de l’alcoolisme. Et une puissance publique comme incapable de prendre la mesure du phénomène. Ainsi peut-on résumer la saga du baclofène.

On connaît le dernier rebondissement en date : la décision unilatérale de la direction générale de l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) de limiter à 80 mg la dose quotidienne de baclofène dans les indications de la maladie alcoolique. Incompréhension majeure et nouvelles polémiques. On connaît aussi la suite : la supplique de plusieurs spécialistes hospitalo-universitaires  à cette même direction générale. Aujourd’hui ce sont les patients qui prennent la parole – ou du moins l’une des associations (« Aubes ») qui les représente depuis longtemps ; entre la supplique et les doléances :

« Ainsi, tout ce que nous avons fait depuis 8 ans n’aura servi à rien et nous en sommes revenus à une situation pire qu’au départ. Car limiter officiellement à 80 mg par jour, un traitement qui n’est efficace, pour la majorité des patients, qu’à un dosage supérieur, c’est comme l’interdire. Une seule étude, parmi toutes celles qui font la preuve de son efficacité, étude contestée dans sa méthodologie par tous les spécialistes de la prescription de baclofène dans le cadre de l’alcoolodépendance, aura suffi pour faire chuter tout notre investissement infatigable depuis tant d’année auprès des malades alcooliques ? (…) Dangereux le traitement, dit-on ? Jusqu’à preuve du contraire il faudra qu’on nous démontre en quoi il est plus dangereux que la maladie. (…)

Dogme et volonté

« Les chiffres sont les mêmes depuis toujours. Avec le dogme intangible de l’abstinence volontaire. Comme si ce n’était qu’une question de volonté. 80 % à 90 % des alcooliques qui suivent un traitement « conventionnel » rechutent, c’est l’Inserm qui le dit. Ceux qui s’en sortent, c’est au prix d’une souffrance morale et physique inimaginable, de chaque instant. Cures, postcures, groupes de parole où on passe sa vie à parler de l’alcool qu’on ne boit plus et à battre sa coulpe pour ne pas replonger, voilà ce qui est bon pour l’alcoolique. Que les meilleurs gagnent et que les autres crèvent. Pour un alcoolique, s’abstenir est souvent aussi inimaginable qu’arrêter de respirer. C’est la raison pour laquelle beaucoup ne cherchent même pas à se soigner. C’est seulement depuis l’arrivée du baclofène qu’on en voit de plus en plus sortir du déni et entamer un processus de soin (…) Un traitement difficile à prescrire et à suivre, avec parfois des effets indésirables importants, mais qui, bien pris et supporté, permet de réduire ou supprimer le « craving », cet irrépressible besoin de boire, pour plus de 56 % des malades. »

La suite du texte de l’association Aubes ne surprendra pas celles et ceux qui connaissent le dossier et les allégations de conflits d’intérêts. « Nous n’accepterons pas ce qui s’apparente à de la non-assistance à personnes en danger. Faudra-t-il que ces patients en détresse aillent se fournir là où le baclofène est en vente libre, sur internet ou en Espagne ? Qu’ils recourent à nouveau à une automédication dangereuse, comme au tout début de l’aventure ? Qu’il y ait des accidents de sevrages, des rechutes avec plaintes de patients et de médecins, pour que l’ANSM revienne sur sa position disproportionnée ? »

Le directeur général de l’Ansm répondra-t-il à la supplique de ses confrères hospitalo-universitaires ? Aux doléances de ces malades de l’addiction alcoolique ? Gardera-t-il le silence ? Un silence que certains tiendront pour assez peu compatible avec ce que l’on appelait, encore hier, la démocratie sanitaire.

A demain

5 réflexions sur “Baclofène-80 mg : les doléances des patients au directeur de l’Agence du médicament

  1. Avec les deux courriers que notre association lui a envoyé, ce ferait donc quatre appels qui resteraient sans réponse.
    Un peu beaucoup quand même pour un sujet aussi sensible et qui touche autant de monde …
    Il serait opportun que le Dr Martin sorte rapidement du silence.

    • J’ai envoyé un courrier au directeur de l’ANSM directement à son adresse e-mail (pas trop difficile à deviner). J’ai reçu une réponse automatique. Il est en congé jusqu’au 21 août. Même chose pour la direction produits section neurologie, psychiatrie … Ces Messieurs de l’ANSM lâchent une bombe fin juillet, mettant en péril les malades à une période où il est très difficile de se retourner en cas de problème grave, et ils partent tranquillement en vacances, sans assumer les conséquences de leurs actes. On appréciera.

      Je m’occupe d’une personne qui prend 300mg de baclofène par jour et qui va bien. Elle allait par contre très mal avant de prendre du baclofène. Je suis donc très concernée par ce problème de restriction de dose.

  2. Que représentent ces deux associations activistes sinon sans doute leurs seuls 2 ou 3 animateurs ? Des forums rachitiques et des affiliés au compte goutte, voilà leurs « divisions ».
    On comprendrait aisément que l’Ansm ne tienne guère compte de leurs remarques.

    Je les avais découvert lors d’une de leur lettre ouverte, il y a un an, avec deux pontes de la prescription. C’était juste après les publications de Bacloville et Alpadir.

    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1563982-baclofene-deux-etudes-tres-positives-et-deux-etudes-concues-pour-echouer.html.

    La publication de 4 études créait un momentum riche de promesses: dépassionner le débat, faire une paix des braves entre contradicteurs et repartir sur une approche pragmatique.

    Madame Imbert et les autres signataires en ont décidé autrement: continuer une lutte à mort pour imposer leur dogme.

    Cette carte blanche a de nouveau électrisé le débat et les débats qui en ont suivi, en commentaires, montré sous un jour cru les pratiques limites de ces forums de ces associations.

    Elles recueillent maintenant la tempête du vent qu’ils ont semé en ce mois de septembre 2016. Et elles sont aujourd’hui complètement démonétisées, campées sur leur dogme.

    C’est bien triste.

    • Il est clair qu’avec une moyenne de 1 500 visiteurs et 2 gigas de données transférées par jour, notre forum est particulièrement rachitique.

      Il est 3 fois plus actif que le forum historique Atoute, sort dans les premiers résultats sur la requête « forum alcoolisme », chaque enquête nous permet de recueillir le témoignage de plusieurs centaines de personnes, mais nous sommes, à vos yeux, peu représentatifs de ce que veulent les personnes souffrant d’addiction … Il faudrait peut être chausser vos lunettes !

      Qu’est ce pour vous une approche pragmatique ?

      Sans doute une approche dans laquelle les malades attendraient gentiment que « ceux qui savent » décident s’ils ont le droit de vivre ou de mourir.
      En fermant les yeux sur le fait que l’argent dirige largement la société, y compris dans le domaine de la santé.
      Allons donc, nous ne sommes pas des pigeons prêts à se laisser plumer sans réagir.

      Nous n’imposons aucun dogme, nous demandons simplement à ce que ceux qui désirent être traités par le baclofène puissent l’être dans des conditions normales et à dose efficace.

      Autoriser le baclofène à 80mg/j est une belle hypocrisie, cette dose n’est efficace que pour 15% des patients

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