Bonjour
Faut-il vraiment parler de « dénormalisation » du tabac chez les adolescents français ? Difficile quans on observe les attroupements devant les collèges et lycées ; et quand les statistiques font état d’un consommateur sur trois avant la majorité. Il faut pourtant compter avec les résultats de l’étude que vient de publier l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Selon Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT et auteure de l’étude menée entre 2014 et 2017 on observerait un « dénormalisation massive du tabac » chez les collégiens et lycéens. Ces derniers ne feraient plus de la cigarette « un passage obligé» de la sociabilité ; un phénomène qui se serait accéléré avec la hausse des prix depuis le début des années 2000.
Conséquence ou pas de cette « dénormalisation » du tabac, la « normalisation » du cannabis. Jugée « meilleure au goût » que le tabac, moins « dangereuse » et « plus saine », l’herbe de cannabis a désormais une image positive et « dédramatisée » auprès des adolescents. « L’initiation au cannabis est vécue comme une expérience positive, contrairement à la première cigarette », a expliqué à l’AFP Mme Obradovic. Cette génération d’adolescents, qui a grandi avec l’interdiction de la vente de cigarettes aux mineurs et de sa consommation dans les lieux publics, associe au tabac une image «résolument négative» liée à «la mort et la souffrance». L’AFP qui détaille ce travail dans une longue dépêche reprise par de nombreux médias généralistes – et par le site des buralistes.
Gouvernement muet
« Le cannabis, ‘’moins cher et presque aussi facile à trouver en pratique’’ selon les jeunes interrogés, est perçu comme «un produit naturel, bio, moins chimique » sous forme d’herbe, laquelle est ‘’plus rassurante en terme de composition’’ que la résine, qualifiée de ‘’pneu’’ ou de ‘’dégueulasse’’, poursuit l’auteure.
L’étude, qui souligne ‘’l’omniprésence’’de l’alcool, du tabac et du cannabis dans l’entourage des jeunes, s’est également penchée sur le facteur religieux, notamment chez les jeunes musulmans, face à la multiplication des incitations à consommer ces substances psychoactives. »
«Pour certains, ces incitations sont trop fortes et ils développent des stratégies de dédoublement ou de minimisation pour garder à leurs yeux une image de respectabilité. Ils sont dans un vrai conflit intérieur», observe Ivana Obradovic. La chercheuse note encore que les jeunes sont « demandeurs de repères et de techniques d’autorégulation ». Aussi suggère-t-elle qu’une politique de prévention leur fournisse « des outils pratiques , des seuils », à partir desquels ils pourront déterminer si leur consommation est « normale ou excessive ».
Ivana Obradovic n’est pas seule à s’exprimer publiquement sur le sujet. « La dégradation de l’image [du tabac] pour les jeunes générations montre que l’action publique peut fonctionner et gagner la bataille de l’image, a déclaré à l’AFP Nicolas Prisse, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). Il faut maintenant avoir la même ambition et nous mobiliser pour mieux protéger les jeunes générations de l’alcool et du cannabis .» Comment ? M. Prisse ne l’a pas dit. Et le gouvernement reste toujours aussi muet sur le sujet. De même que le président. En 2014, selon l’OFDT, 48% des jeunes de 17 ans avaient déjà expérimenté le cannabis et 9 % étaient, déjà, des consommateurs réguliers. Faut-il voir là le prix à payer pour un tabac dénormalisé ? Et si oui, que faire ?
A demain