Bonjour
Reconnaissons que l’exercice n’était pas simple. Les ministres de la Santé ne s’exprime pas, en général, sur la psychiatrie et sur les malades qu’elle prend en charge. Trop complexe, trop de chapelles, peu de gratifications politiques en retour. Hormis quelques cris médiatiques, la psychiatrie est une spécialité parfois en déshérence et qui souffre en dehors de la sphère politique.
Ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn a voulu courageusement relever le gant. Elle présente ce 26 janvier, un plan de « douze mesures d’urgence » en faveur de la psychiatrie. Et dans un entretien au Monde, corrigé jusqu’à la dernière seconde, elle livre son constat et formule quelques idées. Sans chiffrer. Florilège.
« Plus d’addictions »
« La psychiatrie est une discipline qui s’est paupérisée et sur laquelle il n’y a pas eu un vrai investissement depuis des années. Pourtant les besoins sont en constante augmentation, parce que la société est de plus en plus dure, qu’il y a plus d’addictions, moins d’accompagnement des familles…
« Le pire et le meilleur »
« On peut dénoncer des conditions de travail parfois très dures, ainsi que des conditions d’hospitalisation parfois dégradées, mais il faut être attentif à ne pas généraliser les situations dramatiques que l’on peut observer dans certains endroits. Ce serait dévaloriser le travail formidable qui est fait dans beaucoup d’établissements de santé mentale. En psychiatrie, il y a le pire et le meilleur. »
« Déstigmatiser »
« Il me semble important de donner un signal de prise en compte de cette souffrance générale, des professionnels et des malades. Ce faisant, je veux parvenir à déstigmatiser ces derniers, et rendre leur dignité à ceux qui sont pris en charge dans des conditions déplorables. Le regard de la société sur ce secteur doit changer. »
« Différentes chapelles »
« Il faut que les psychiatres de secteur, les généralistes et les acteurs du médico-social se parlent et mettent en place des filières de prise en charge. Les différentes chapelles de professionnels de santé mentale doivent aussi un peu baisser la garde, car nous avons besoin de tout le monde pour assurer les soins sur le territoire. »
Le cercle vicieux de la pédopsychiatrie
« La démographie est en chute libre dans cette spécialité. Les professionnels sont débordés, et les universitaires ne peuvent plus faire d’enseignement et de recherche tellement il y a de patients à prendre en charge. C’est un cercle vicieux, plus personne ne veut s’investir. Il y a des régions entières où il n’y a pas de formation. Je souhaite donc qu’il y ait au moins un poste de professeur de pédopsychiatrie par faculté de médecine. C’est un premier pas indispensable pour retrouver l’attractivité.»
L’alpha et l’oméga
Le Monde demande à la ministre si le « manque de moyens financiers mis en avant par les soignants » est « une réalité ». « Dans beaucoup d’endroits, les psychiatres tirent la sonnette d’alarme sur les moyens parce que leur activité est la variable d’ajustement du budget du reste de l’hôpital, répond Agnès Buzyn. Vu la faiblesse et la souffrance du secteur psychiatrique, je souhaite que les moyens de cette discipline soient préservés. »
Loin d’imaginer une augmentation des moyens on en restera donc, au mieux, à un statu quo. « Annoncer des moyens supplémentaires n’est pas toujours l’alpha et l’oméga en matière de bonnes pratiques, rétorque la ministre. C’est même parfois la solution de facilité. »
Où l’on retrouve désormais, chez Agnès Buzyn, la pleine maîtrise de la rhétorique politicienne. Celle, par exemple, qui lui permet de dire qu’en matière vaccinale il faut contraindre pour convaincre. Et que dans une « psychiatrie paupérisée », où « les besoins sont en augmentation », les soignants devront faire mieux sans avoir plus.
A demain