Bonjour
L’affaire commence à faire un peu de bruit dans les médias. On se demande pourquoi. Résumons : dans un entretien accordé à l’Express/L’Entreprise le chef du département des « services aux assurés » de l’assurance-maladie, Laurent Bailly, annonce une expérimentation hardie en direction de cinq grandes entreprises de plus de 200 salariés ayant des taux d’absentéisme atypique (à Amiens, Bourg en Bresse, Marseille, Grenoble et l’une sur la Côte d’opale). Il s’agit d’alerter ces entreprises sur leur score record, tout en les informant sur les motifs d’absences de leurs salariés. Objectif affiché : « challenger » ces entreprises « pour faire amorcer une réflexion sur ses conditions de travail, en vue de faire baisser le taux d’absentéisme », justifie ce responsable du « service aux assurés ».
Il précise que pour encourager cette « prise de conscience », la Sécu communique d’abord à l’entreprise concernée les coûts d’absence en convertissant « les absences en coût direct (valeur des salaires versés) et en coûts indirects ».
« En cas de contrôle de l’assuré, le motif de l’arrêt est codifié, nous disposons donc de l’information. En l’absence de contrôle, nous parvenons à reconstituer la pathologie à partir des consultations et des remboursements de médicaments. Par exemple, si le salarié a vu un psychiatre et pris des antidépresseurs, on peut en conclure qu’il a été arrêté pour dépression. Ce sont des algorithmes qui font le travail. ».
Questionnement déontologique ? « On s’assure qu’il n’est pas possible, même de manière indirecte, de tracer les personnes. Par ailleurs, nous nous focalisons uniquement sur les établissements de plus de deux cent salariés. Dans les plus petites sociétés, l’employeur pourrait trop facilement établir un lien évident avec tel ou tel collaborateur. » C’est heureux.
Lombalgies, troubles psychosociaux et musculo-squelettiques
Quelques confrères, médecins ou journalistes, en viennent à s’inquiéter, voire à s’indigner. Secret médical potentiellement violé ? Interrogée par Le Quotidien du Médecin l’assurance-maladie affirme bien évidemment respecter les lois sur le secret médical et la protection des données personnelles :
« Sur les entreprises visitées, il y a en moyenne 14 000 jours d’arrêt de travail. Nous ne leur donnons des données agrégées et anonymisées que pour trois types de pathologies, lombalgies, troubles musculo-squelettiques et troubles psychosociaux. Il n’y a aucune donnée, salarié par salarié. Il est impossible de tracer en raison de la taille de ces entreprises. L’intérêt est de donner ces informations en les comparant avec d’autres entreprises du même secteur et de même taille. L’objectif est de les inciter à agir en prévention sur l’organisation du travail par exemple. ».
S’inquiéter ? Vendredi 26 janvier, le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est exprimé, dit Le Monde, par la voix de son vice-président, Jacques Lucas : « Nous allons d’abord nous informer précisément et nous agirons ensuite le cas échéant, s’il existe un risque d’identification d’un salarié en particulier. Ce qui ne semble pas être le cas à la lecture intégrale de l’article. »
L’Ordre connaît bien le sujet : il vient de publier « un livre blanc et 33 propositions » pour soutenir le développement d’une société numérique au service des soignants et des patients. Ne manque qu’un chapitre : « au service de l’entreprise et de ses dirigeants ». On l’attend.
A demain
A reblogué ceci sur The Ad Spreadet a ajouté:
Big data et la santé au travail: Pourquoi refuser une information utile pour les entreprises en vue de mettre en place une politique de prévention des risques et maladies professionnels?
Saluons au contraire cette initiative en forme d’experimentation et évaluons l’apport en terme de pertinence de l’information et vėrifions la protection des données traitées pour assurer la confidentialité médicale.
En janvier 2016, l’état a autorisé l’accés aux bases de données de la sécurité sociale, ouvrant ainsi la possibilité de traitements informatiques en vue de statistiques; démarche validée par la CNIL qui en garentit la sécurité et l’anonymat.
Alors pourquoi nos amis médecins s’affolent ils alors que le conseil de l’odre reste confiant sur la démarche méthdologique?
N’est on pas une nouvelle fois en train de mettre le doigt sur l’incongruité de séparer la santé au travail de la santé publique. Rappelons qu’il appartient au médecin du travail de ptoposer aux entreprises des mesures de prévention contre les trois pathologies professionnelles: TMS, les lombalgies et les risques psycho-sociaux. La mise à disposition des résultats de cette étude leur fournira des éléments objectifs pour mesurer les risques et déclencher les actions préventives.
Mieux vaut prévenir que guérir….sans compter les économies de santé et la réduction des coûts pour l’entrepris en lien avec l’absenteisme.