Bonjour
30 janvier 2018 : premier appel unitaire, national et massif à la grève dans les 7 300 EHPAD publics et privés de France. Un mouvement qui voit des soignants user de mots sans précédent : « Il n’y a plus de dignité pour les résidents » ; « on les traite comme des animaux » ; « nous sommes devenus une chaîne de rendements » ; « je suis dans une usine d’abattage qui broie l’humanité des vies qu’elle abrite, en pyjama ou en blouse blanche ». Tous les témoignages convergent : malaise, mal-être, maltraitance institutionnelle.
Et après ? L’intersyndicale réclame l’abrogation des dispositions législatives relatives à la réforme de la tarification des EHPAD, en application depuis 2017. L’exécutif ne peut dire qu’il est surpris. De nombreux médias rappellent l’existence du rapport rendu par la députée Monique Iborra, élue de Haute-Garonne qui qualifiait de « kafkaïen » le nouveau système tarifaire des EHPAD. Or Monique Iborra n’est pas une extrémiste. Sage-femme de formation et ancienne directrice de maternité elle est aujourd’hui membre, après un long passé socialiste, de la puissante majorité présidentielle (LREM).
On lira ici la communication de Mme Iborra au terme de sa mission sur les EHPAD : « Madame la Présidente, Mes chers Collègues, Le 3 août, vous m’avez confié une mission dite « flash » sur la situation et la problématique des EHPAD (…) ». Extraits :
« Cette évolution a été traduite par les pouvoirs publics en un encadrement plus technocratique qu’efficace et un foisonnement des normes qui pèsent aujourd’hui sur les établissements, sans cependant leur donner les moyens de l’évolution nécessaire pour répondre aux besoins des personnes accueillies.
« L’organisation du travail est en tension et peut être la source de dégradation importante des conditions d’exercice des métiers de soignants. Dans certains EHPAD, on parle de « maltraitance institutionnelle ». Une médicalisation des établissements nécessaire qui reste insuffisante. Des recrutements difficiles à opérer.
« Une tarification de type ‘’kafkaïen’’ »
Levée de boucliers de l’ensemble des acteurs
La députée LREM soulignait déjà que l’application du décret du 21 décembre 2016 était « contestée ».
« Alors que la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement se voulait a priori équitable pour le citoyen en permettant de rapprocher tous les EHPAD d’une norme de financement (…) le décret du 21 décembre 2016 a défini des équations tarifaires extrêmement complexes qui, malgré des mécanismes de convergence progressive, conduisent à accentuer des inégalités territoriales d’un département à l’autre. (…) Ce décret suscite aujourd’hui une levée de boucliers de l’ensemble des acteurs du secteur public auditionnés. »
« D’après ce qui m’a été indiqué, certains départements (une dizaine, semble-t-il) ont purement et simplement décidé de ne pas appliquer la réforme tarifaire, tandis que d’autres ont choisi de l’appliquer moyennant d’importants correctifs, étant précisé que l’Assemblée des départements de France, tout comme l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), demandent que soit pris le temps nécessaire pour remédier aux difficultés identifiées. »
Ainsi donc en septembre la révolte grondait déjà et le gouvernement n’a pas voulu l’entendre. Trois mois plus tard la grève est là. « Autre demande des personnels : l’amélioration des rémunérations des aides-soignantes, payées 1 485 euros brut par mois, et l’application du principe d’un salarié pour un résident, observe Le Quotidien du Médecin. Car le manque de moyens humains impacte directement les conditions de travail des aides-soignants, force vive des EHPAD. À cause de cette carence en personnels, le taux d’accident du travail est deux fois plus élevé que la moyenne nationale dans le secteur. »
Au terme de sa « mission flash » la députée LREM écrit « Accompagner dignement la fin de vie est un souhait qui devrait faire l’unanimité dans la société ». Cela pourrait, aussi, être un bel objectif politique.
A demain