Bonjour
Signes. Diagnostic. Traitement. On en revient toujours là. A fortiori avec Big Data. Dernier exemple en date : dans les colonnes virtuelles de The Lancet Public Health 1. Une étude de l’Inserm menée en collaboration avec des chercheurs canadiens. Elle parvient à la conclusion qu’une consommation excessive d’alcool est associée à un triplement du risque de démences en général – et à un doublement de celui de développer la maladie d’Alzheimer.
C’est un travail remarquable : mené au-delà du chevet des malades ; « à partir des données exhaustives des hospitalisations en France entre 2008-2013 ». Big Data auscultant « l’association entre alcoolisme et démences ». Et ce monstre chiffré oubliant dans le même temps que d’autres que lui travaillèrent, jadis, le sujet. Pour l’heure cela donne, signé Inserm :
« La liste des troubles associés à l’alcool s’allonge encore. Après les problèmes hépatiques, cardiovasculaires et les cancers, les démences font maintenant partie du lot. Une consommation excessive d’alcool correspondant à six verres ou plus par jour pour les hommes et quatre pour les femmes s’est en effet trouvée associée à un triplement du risque de démences. Celles-ci incluent les démences précoces enregistrées avant 65 ans et directement attribuables à l’alcool de type syndrome de korsakoff (sic), les démences vasculaires résultant par exemple d’accidents vasculaires cérébraux et enfin, les démences neurodégénératives de type Alzheimer. »
Nous sommes ici dans un champ voisin du macronisme : Quelques études suggèrent un effet protecteur d’une consommation faible à modérée d’alcool sur la fonction cognitive mais en même temps peu de données permettent de travailler sur des consommations élevées. Confidence du service de presse de l’Inserm :
« Les personnes alcooliques refusent en effet, dans la plupart des cas, de participer à des cohortes de recherche médicale. Pour contourner ce problème, les chercheurs ont utilisé les informations issues du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information qui renseigne toutes les causes d’hospitalisation. A partir de cette base, ils ont identifié 31,6 millions d’adultes hospitalisés entre 2008 et 2013 dont 1,3 million étaient affectés de démences et 950 000 présentaient une consommation excessive d’alcool (dont 85% une dépendance). Après exclusion des cas de démences attribuables à une pathologie bien identifiée, les chercheurs ont retrouvé une consommation excessive d’alcool dans 57% des démences précoces et 8% de celles survenues après 65 ans. Alors que pour l’ensemble des adultes hospitalisés, les taux d’alcoolisme étaient évalués à 6,2% chez les hommes et 1,5% chez les femmes. »
Table rase de notre passé
Signes. Diagnostic. Traitement. Pourquoi l’Inserm oublie-t-il le passé qui justifie sa présence ? Pourquoi ignorer les innombrables travaux menés sur le sujet ? On les retrouvera notamment ici : « Complications neurologiques de l’alcoolisme – Neurological complications of alcohol abuse » – dans La Lettre du Neurologue et sous la signature du Dr Thomas de Broucker (service de neurologie, hôpital Delafontaine, Saint-Denis) :
« Les complications neurologiques de l’alcoolisme chronique touchent le SNC et le système nerveux périphérique. Il s’agit des grands syndromes encé- phalopathiques que sont l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke, l’encéphalopathie pellagreuse, le syndrome de Korsakoff, le syndrome de démyélinisation osmotique et le syndrome de Marchiafava-Bignami. L’ataxie cérébelleuse qui complique les intoxications aiguës peut devenir chronique et progressive en rapport avec une atrophie vermienne. »
Gayet-Wernicke, Korsakoff, Marchiafava-Bignami. Big Data.
A demain
1 « Contribution of alcohol use disorders to the burden of dementia in France 2008–13: a nationwide retrospective cohort study ». Michaël Schwarzinger, Prof Bruce G Pollock, Omer S M Hasan, Carole Dufouil, Prof Jürgen Rehm, for the QalyDays Study Group
Si l’INSERM découvre enfin, ce tout le monde savait depuis des années, à savoir que l’intoxication massive d’alcool provoque des dégâts extrêmement graves et irréversibles sur le cerveau, on vient de faire un grand pas. Espérons qu’une certaine agence de santé va prendre connaissance de cette étude, et qu’on cessera de nous répéter à l’envie, qu’il n’y a aucune urgence à soigner les malades alcooliques. Si seulement cela pouvait faire réfléchir ceux qui privent actuellement les malades d’un traitement efficace.