Bonjour
Dans l’affaire « du Samu de Strasbourg », on ne les avait pas entendu. Les parents de Naomi Musenga viennent de tenir une conférence de presse. « Que justice soit faite, c’est cela notre première préoccupation pour cette enfant qui était aimée de tous », a déclaré son père Polycarpe Musenga. Ce dernier estime avoir été « baladé » en ce qui concerne les circonstances de la mort de sa fille, décédée à l’âge de 22 ans. Il a également remercié « la presse et les réseaux sociaux » sans lesquels « cette histoire » n’aurait pas été mise sur la place publique. On sait que l’affaire avait été révélée par un magazine local : Heb’di
L’écoute de la conversation entre Naomi Musenga et l’opératrice du Samu ? C’est « un enregistrement qui nous foudroie », a déclaré la mère de la jeune fille, Bablyne Musenga. Selon elle sa fille, jeune mère de famille, n’avait pas d’« antécédents médicaux ». « Pourquoi l’appel de ma fille n’a pas eu de réponse ? Pourquoi n’a-t-on pas répondu à son appel et pourquoi l’autopsie n’a-t-elle pas été faite à temps ? ». Le rapport d’autopsie précisait que celle-ci avait été effectuée 112 heures après le décès.
Plus de quatre mois après les faits l’affaire fait aujourd’hui l’objet de trois enquêtes, l’une interne au CHU de Strasbourg (conclusions attendues le 24 mai) une deuxième de l’IGAS et une troisième, préliminaire ouverte par la procureure de la République. Le tout sur fond d’indignation tweetée d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé.
« Manquement grave à la procédure »
Depuis la révélation de cette affaire Le Monde enquête de manière remarquable, prolongeant ainsi le travail d’Heb’di. Directeur général du CHU de Strasbourg depuis 2014, Christophe Gautier, a contacté le quotidien pour affirmer sa « démarche de recherche de la vérité » et sa « politique de transparence totale ». Il soutient avoir eu connaissance de « l’affaire Naomi » le 28 avril, au lendemain de la parution de l’enquête d’Heb’di. « On ne peut rien préjuger avant la fin de l’enquête, mais des premières auditions découlent une forte présomption de manquement grave à la procédure » confie-t-il. Et de démentir les informations syndicales selon lesquelles une surcharge de travail aurait influé sur le comportement de l’opératrice du Samu :
« Cette personne travaillait ce jour-là en horaires de douze heures, de 7 h 30 à 19 h 30. L’incident a eu lieu au début de son service, et elle venait par ailleurs de rentrer de quinze jours de congés annuels : la fatigue n’est donc pas en cause. »
Où l’on découvre progressivement qui était cette opératrice, l’une des trente-trois assistants de régulation médicale (ARM) que compte le Samu de Strasbourg. L’opératrice, à ce poste depuis moins d’une dizaine d’années, disposait, selon M. Gautier, d’une « solide expérience », renforcée par vingt ans de service en tant qu’ambulancière. D’autres informateurs assurent qu’elle rentrait d’une période de vacances. Pour l’heure elle est suspendue à titre conservatoire. Lors des auditions inhérentes à l’enquête, elle n’a pas contesté les faits. On la dit « très affectée ».
« SAMU rigole et raccroche »
L’enquête menée par le CHU devra expliquer pourquoi le comportement de cette opératrice n’a pas été signalé plus tôt à la direction. « Normalement, les équipes confrontées à un événement indésirable grave sont obligées de le signaler », assure Christophe Gautier. Où est, ici, la faille ? La Haute autorité de la santé (HAS) définit comme un « événement indésirable grave » tout événement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne, dont les conséquences sont « le décès, la mise en jeu du pronostic vital ou la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent ». Et Agnès Buzyn, affirmait sur France Info, le 10 avril, que « lorsqu’un événement indésirable grave aboutit au décès, on doit obligatoirement en référer à l’Agence régionale de santé [ARS] qui doit mener une enquête, voire le faire remonter au ministère ».
Or, contactée par Le Monde, l’ARS concernée affirmait, le 7 mai, ne pas être informée de l’affaire…. Et ce alors même que le procès-verbal d’admission à l’hôpital de Naomi Musenga (figurant en dernière page du rapport d’autopsie que Le Monde s’est procuré) rapporte bien le ton « moqueur » des propos échangés et laisse supposer que l’hôpital a pu avoir connaissance de ces détails dès le jour du décès de la jeune femme. « Samu rigole, lui dit d’appeler SOS Médecins et raccroche », lit-on sur le feuillet manuscrit qui vient conclure le rapport d’autopsie. Interrogé sur ce document, Christophe Gautier, dit ne jamais en avoir eu connaissance : « Vous me l’apprenez. Je n’ai jamais eu accès à ce dossier. » Comment est-ce possible ?
Thierry Hans, directeur de publication du magazine Heb’di, affirme quant à lui avoir contacté, à de nombreuses reprises, l’hôpital strasbourgeois avant la parution de son article explosif. « Cela m’étonne un peu, je ne peux pas le confirmer », avance M. Gautier. « J’ai appelé l’hôpital la veille de la parution de l’article, demandé le service de communication et eu au téléphone une personne qui n’était pas au courant de la situation. Elle a pris ça de haut, l’échange a duré trente secondes, et c’était fini », rapporte M. Hans.
Autant de zones d’ombres sur lesquelles la lumière reste à faire. Autant de dysfonctionnements qui restent à comprendre. Avant que la justice se prononce.
A demain
Le feuillet manuscrit qui conclu le rapport et qu on peut lire sur le site du monde est daté du 28/12/18. Donc 28 décembre 2018. Pourquoi 2018? On était encore en 2017. C est bizarre non?