Bonjour
C’est une fable moderne. Un « particulier » avait demandé au Conseil d’État d’annuler la décision du 24 juillet 2017 du directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Ce dernier avait modifié la recommandation temporaire d’utilisation du baclofène dans la prise en charge des patients alcoolo-dépendants : il avait osé abaisser la posologie maximale de 300 milligrammes à 80 milligrammes par jour. Une décision dramatique aux yeux de nombreux patients alcooliques et de nombre de prescripteurs.
Nous sommes le 23 mai 2018. Et le Conseil d’État vient de rejetter la demande de ce « particulier ». Il précise toutefois que la décision de l’ANSM n’interdit pas aux médecins de prescrire le baclofène à un dosage plus élevé « pour ceux de leurs patients pour lesquels il jugerait le bénéfice supérieur aux risques ». De même les pharmaciens d’officine sont tenus de délivrer ce traitement dans les termes définis par les prescripteurs.
Comme toujours le Conseil d’État, dans son infinie sagesse, ne voit la réalité que régie par la loi. Il seplait ainsi à rappeller qu’une RTU (recommandation temporaire d’utilisation) peut être adoptée par l’ANSM, « pour sécuriser un usage d’un médicament ‘’hors AMM’’ lorsqu’il est possible de présumer que le rapport entre le bénéfice attendu et les effets indésirables encourus est favorable ».
Pieds dans le plat
Puis le Conseil d’Etat met les pieds dans le plat du litige. En ces termes :
« Le Conseil d’Etat relève que s’il existe des études montrant l’intérêt du recours au baclofène pour réduire la consommation d’alcool de patients ayant une consommation à haut risque (telle l’étude dite Bacloville de 2016), ce recours peut toutefois être associé à des effets indésirables graves (…) Le Conseil d’État juge qu’en l’espèce, eu égard à l’objet d’une RTU le directeur général de l’ANSM n’a pas entaché son appréciation d’une erreur manifeste en estimant qu’existait, en l’état des connaissances scientifiques et des informations disponibles, une suspicion de risque pour la santé publique (…)
« Enfin, le Conseil d’État précise que cette décision de modification de la posologie maximale de la recommandation temporaire d’utilisation a été prise dans l’attente de l’aboutissement de l’instruction de la demande d’autorisation de mise sur le marché présentée pour une spécialité à base de baclofène dans le traitement de la dépendance à l’alcool (…) »
Etat de droit
Pour le « particulier » et ses partisans la sanction est rude. « C’est donc l’immunité administrative totale de l’ANSM qui vient d’être proclamée » disent-ils.
« Qu’une administration, quelle qu’elle soit, puisse – par la force d’un article intégré en silence par décret – balayer d’un revers de main l’ensemble des données scientifiques, des avis des experts, des témoignages des patients et des professionnels de santé et choisir l’étude administrative qui l’arrange pour décider d’interdire, dans les faits, un traitement qui a changé la vie de dizaines de milliers de patients, sans même avoir à rendre de compte devant la justice administrative qui ne peut exercer qu’un contrôle restreint ne constitue pas juste une atteinte aux droits fondamentaux des patients à été soignés, pas juste une régression dans la solidarité nationale à l’égard des plus faibles. C’est une atteinte aux fondements même de l’Etat de droit. »
C’est pourquoi, selon eux, la Cour européenne des droits de l’homme et la justice pénale seront prochainement être saisies. C’est ici un combat français dont on ne voit pas la fin. C’est une fable moderne.
A demain
Les décisions sont malheureusement prises par des personnes qui ne connaissent strictement rien à la maladie alcoolique et qui considèrent que soigner les malades relève d’un simple confort, tout à fait superflu, alors qu’il s’agit d’un problème de vie ou de mort.
L’ANSM fait preuve dans cette affaire de beaucoup de mauvaise foi et de malhonnêteté intellectuelle. La dose limite de 80mg semble avoir été sciemment choisie pour que pratiquement plus personne ne guérisse. Même le pharmacien chez lequel se fournit ma sœur tous les mois était de cet avis. Il a toujours considéré que cette décision était totalement inappropriée, au regard de la situation des malades, et n’a par conséquent jamais fait la moindre difficulté pour délivrer les quantités prescrites par le médecin.
Je sais que beaucoup d’autres malades n’ont pas forcément la chance de tomber sur des personnes éclairées sur le sujet et impliquées, et que la décision de l’ANSM a été une catastrophe pour beaucoup. Les malades alcooliques étant largement stigmatisés, ils ne peuvent pas compter sur un large soutien de l’opinion publique, comme ce serait le cas pour toute autre maladie, si l’on décidait, pour des raisons fallacieuses, de priver les malades du seul traitement réellement efficace qui existe actuellement.