Bonjour
2018. Les rois Argent et Commerce étendent leurs empires. Les télécrans nous apprennent, à l’instant, que l’Institut national français de la statistique et des études économiques (Insee) avait (pour la première fois) intégré le trafic des drogues illicites dans le calcul du produit intérieur brut (PIB). Traduction : le trafic de drogue en France génère une activité évaluée à près de 2,7 milliards d’euros par an – soit un peu plus de 0,1 point de PIB. Précision statistique : sur ces 2,7 milliards, 1 milliard d’euros sont générés par le trafic de cannabis et 800 millions d’euros par le trafic de cocaïne. C’est du moins ce que révèle l’Insee « dans une note inédite » (sic).
Applaudir ou s’indigner ? Privilégier le marché au mépris de la santé publique ? Faut-il voir ici le nouveau symptôme d’une prochaine légalisation-taxation-étatique de toutes les substances addictives modifiant les états de la conscience humaine ?
« Après plusieurs années de débat, l’Institut national de statistiques avait annoncé à la fin de janvier qu’il intégrerait à partir de la fin du mois de mai la consommation de stupéfiants et les activités liées à cette consommation dans le PIB français, rappelle l’Agence France Presse. Selon l’Insee, qui s’appuie sur les données de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, elles-mêmes basées sur des enquêtes auprès des ménages, la consommation de drogue en France pèse 3,1 milliards d’euros par an. Mais près de 400 millions d’euros doivent être retirés de ces 3,1 milliards, correspondant au poids des importations – qui doivent être comptabilisées dans le PIB des pays concernés et non dans le PIB français. (re-sic). »
Attention. « Ce chiffre de 2,7 milliards avancé par l’Insee est une évaluation, précise Ronan Mahieux, responsable du département des comptes nationaux de l’Insee. Il y a un risque de sous-estimation, car il est possible que les ménages n’aient pas confiance dans les enquêteurs qui les contactent. » Pourquoi une telle méfiance ? Relire, ici, « 1984 » (Gallimard, dans la nouvelle-limpide traduction de Josée Kamoun)
Décompter la vraie vie
En 2013, l’équivalent européen de l’Insee, Eurostat, avait demandé aux Etats membres de l’Union européenne d’intégrer le trafic de drogue et la prostitution dans leurs statistiques nationales. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit « de transactions commerciales librement consenties ». (sic). Mais aussi dans un souci d’égalité : harmoniser les données fournies par les pays européens, ces activités étant considérées comme légales dans certains Etats (ce qui gonfle leur PIB) et illégales dans d’autres. La demande d’Eurostat fut, ici ou là, suivie d’effet avec comme conséquence des révisions à la hausse du PIB – parfois notables notamment en Italie et en Espagne.
Jusqu’où aller dans ces décomptes de la vraie vie ? L’Insee précise avoir refusé de comptabiliser la prostitution dans le PIB, contrairement à d’autres pays européens :
« La prostitution exercée dans la rue [re-re-sic] est notoirement le fait de personnes généralement en situation irrégulière, souvent mineures et sous la coupe de réseaux clandestins qui les ont acheminées en France. ces situations s’apparentent davantage à une forme d’esclavage sexuel qu’à l’exercice librement consenti d’une activité professionnelle. »
Où l’on se prend, comme dans « 1984 », à espérer. Ainsi donc l’éthique, cette morale en marche, pourrait parfois ne pas être pas radicalement incompatible avec l’infinie brutalité de la mécanique économique.
A demain
Une réflexion sur “Cocaïne, prostitution et cannabis: solutions pratiques pour booster le PIB français”