Razzia sur les coffee-shops : l’exécutif et la justice en marche dans les vapeurs du droit

Bonjour

« Paris : trois gérants de coffee-shops mis en examen ! ». Avant un « France-Agentine » rassérénant, l’affaire était en boucle sur les ondes. Coffee-shops ou l’émergence du néoparler, (ex-novlangue). « Les boutiques vendant du cannabis, qui connaissent un boom depuis quelques semaines, profitaient d’une zone grise du droit qui autorise les produits à base de cannabidol (CBD)  » rappelle l’AFP aux citoyens.

Que savoir de concret sur le sujet 1 ? Il faut ici revenir à la réponse de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) : une mise au point sur la législation concernant le cannabidiol  publiée le 11 juin. Elle nous dit que le CBD fait partie des composés actifs majeurs du cannabis, cette plante «autrement appelée chanvre», au même titre que le fameux delta-9-tétrahydrocannabinol (THC). Or tous les tétrahydrocannabinols sont des substances inscrites sur la liste des stupéfiants et leur utilisation est strictement encadrée.

«De nombreux produits présentés comme contenant du CBD sont récemment apparus sur le marché français. Il s’agit essentiellement d’e-liquides pour cigarettes électroniques, de produits cosmétiques ou de gélules. C’est pourquoi les autorités sanitaires souhaitent apporter une clarification sur la réglementation applicable à ces produits. […] Certaines publicités en faveur de produits contenant du CBD entretiennent une confusion entre le cannabis et le CBD et font ainsi la promotion du cannabis. Cette pratique est susceptible de constituer l’infraction pénale de provocation à l’usage de stupéfiant.»

En France, les variétés de chanvre autorisées à des fins industrielles et commerciales sont réglementées et inscrites dans le Code de la santé publique. L’utilisation et la commercialisation de fleurs, de feuilles de chanvre ou de produits obtenus à partir de ces parties de la plante, ne sont pas autorisées, quelle que soit la variété.

Provocations

Les e-liquides et autre produits à base de CBD sont interdits s’ils contiennent du THC, quelle que soit la quantité, et s’ils ne sont pas obtenus à partir de variétés et de parties de plantes autorisées.

La Mildeca en est-elle si certaine ? Certains soutiennent que les vendeurs n’ont pas à redouter l’arrivée de la maréchaussée. Dans un entretien accordé au Monde, Yann Bisiou, spécialiste du droit de la drogue à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, explique que la législation française n’a pas changé, et que la multiplication de boutiques vendant du «cannabis sans THC» est la conséquence d’un effet de mode et du développement d’une industrie et d’un commerce de produits à base de CBD dans plusieurs pays européens.

«L’arrivée de ces produits sur le marché français n’a pas été anticipée, alors que leur statut est juridiquement complexe, observe-t-il. Le CBD n’est pas classé comme stupéfiant, car ce n’en est pas un. S’il y avait une raison de le classer, cela aurait déjà été fait. Mais c’est un dérivé du cannabis et, à ce titre, il doit être soumis à autorisation, comme l’est le chanvre à destination de l’industrie textile ou du bâtiment. D’où l’ambiguïté de la situation actuelle: ni interdit ni autorisé. […] L’État pouvait organiser le commerce du CBD, mais ne l’a pas fait et cherche actuellement quelle réponse lui apporter. Les forces de l’ordre ne savent pas quelle attitude adopter et demandent à ce qu’on leur donne un cadre. Les douaniers seraient notamment très actifs pour faire interdire l’importation de CBD. »

Dans le même temps l’AFP précise que, « selon le parquet », un arrêté du 22 août 1990  ne permet la vente du CBD que sous la forme de « fibres [herbes]ou graines ». Les trois gérants de coffee-shops mis en examen pensaient pouvoir commercer à l’aise avant d’être mis en examen, le 29 juin, pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Ils font partie des quatre personnes arrêtées la veille dans le cadre de deux enquêtes préliminaires visant les chefs d’« importation, acquisition, transport, détention, offre ou cession de stupéfiants » et « provocation à l’usage de stupéfiants ».

Si l’on en croit le parquet (mais comment ne pas le croire ?) « des herbes présentant des taux de 0,26 % et 0,55 % de THC, au-dessus donc du maximum autorisé, du pollen de fleur compacté sous forme de barrettes, de la poudre de cannabis ou encore des huiles de cannabidols ont été saisis dans les deux boutiques parisiennes concernées par les informations judiciaires ».

Prescience

Le CBD se situe bel et bien dans une « zone grise », estime pour sa part le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions. « Ce n’est ni un stupéfiant, ni un médicament, explique-t-il au Quotidien du médecin. Je ne crois pas au libéralisme vertueux mais il faudrait trouver une équation qui permet de garder le CBD assez librement produit et distribué mais sans passer par les lourdes fourches caudines de la réglementation du médicament. On pourrait imaginer une troisième voie et le considérer comme un aliment afin qu’il puisse y avoir une régulation de la qualité. »

Et l’exécutif politique, que dit-il au citoyen ? Interrogée sur RTL, le 17 juin, sur l’existence de ces « coffee-shops » Agnès Buzyn avait estimé que « toute vente de cannabis à usage récréatif lorsqu’il contient du THC, quelle que soit la dose, est normalement condamnable »A la question « auront-ils fermé dans quelques mois ? », elle avait répondu : « Je pense qu’ils auront fermé. » Où l’on perçoit, désormais, la prescience de la ministre des Solidarités et de la santé.

A demain

1 « Existe-t-il vraiment un cannabis ‘’légal’’ en France ? » Slate.fr 15 juin 2018

 

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