Bonjour
Reprenons. Hier Le Monde faisait état de l’existence d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) – document qu’il « s’était procuré ». Un rapport laissant entendre qu’« entre 1 666 et 4 000 » contaminations par le VIH auraient été évitées si l’Agence nationale de sécurité du médicament avait autorisé plus vite, en prévention, un médicament commercialisé sous le nom de Truvada® .
Le Monde rappelait que ce rapport résultait de la mission mandatée le 15 mars 2017 par Marisol Touraine, alors la ministre de la Santé – une mission qui fut confiée à deux inspecteurs de la prestigieuse institutions – deux « historiques » (MM. Gilles Duhamel et Aquilino Morelle) dont on aurait pu, dans un autre monde, imaginer qu’ils se seraient déportés. Ce qu’ils n’ont pas fait.
Hier ce document n’était pas disponible. L’IGAS nous apprend qu’il est aujourd’hui en ligne : « Evaluation de la recommandation temporaire d’utilisation de TRUVADA ® dans la prophylaxie pré-exposition de l’infection par le VIH : un enseignement pour la santé publique ».
Contaminations évitables
Ce document est accompagné d’un « communiqué de presse » qui soulève quelques graves questions inédites. Que s’est-il passé entre janvier 2016 et mars 2017 sur le front de la prévention de la contamination par le VIH ? A priori rien de scandaleux :
« La mission montre que la mise en œuvre de cette RTU s’est déroulée de façon satisfaisante : en particulier, l’élaboration du protocole, les modalités de suivi médical des personnes et la collecte des données ont été convenablement menées ; en termes financiers, la prise en charge à 100 % de la PrEP, jugée nécessaire, a été mise en place. »
C’est en amont, sur le processus de décision lui-même, que la « mission est plus critique ». Elle souligne la longueur de durée d’instruction de la RTU du TRUVADA® . Selon la mission, « ce délai a entraîné des contaminations qui auraient pu être évitées ». On lira, dans ce communiqué, les recommandations formulées par les auteurs du rapport.
Mais ce même communiqué comporte aussi le passage suivant – un cas sans doute unique au sein d’une maison aussi hermétique que celle de l’IGAS :
« En dépit du caractère très documenté et circonstancié de ce rapport, le ton virulent parfois employé par ses auteurs, ainsi que certains propos excessifs, sont regrettables. L’IGAS en tant qu’institution reste cependant fortement attachée à la transparence de ses travaux ainsi qu’à l’indépendance de ses inspecteurs, gage de l’objectivité et de l’impartialité nécessaires à la conduite des missions d’inspection.
« Ceci ne doit pas affecter la prise en considération des analyses et conclusions du rapport concernant la politique de prévention des transmissions du VIH, l’éventuel élargissement de la PrEP à d’autres populations et le devenir de la procédure de RTU. »
Excès, virulence et regrets
On cherchera donc la « virulence » et les « excès » que la direction de l’IGAS reproche à MM Duhamel et Morelle. Sans doute est-ce en partie dans la liste des éléments qui, « aux yeux de la mission, sont intervenus dans la lenteur de la décision publique » :
« 1 la vision erronée, mais érigée en véritable dogme, selon laquelle le « tout préservatif » devait se suffire à lui-même en matière de prévention ;
2 l’influence excessive des associations de lutte contre le VIH sur la décision publique, ayant abouti à une forme de « cogestion » du système de santé VIH en France ;
3 la sous-estimation collective, conséquence de l’efficacité des ARV et du passage de l’infection par le VIH du statut de maladie mortelle à celui de maladie « chronique », de la gravité persistante de toute contamination par le VIH ;
4 la véritable « dictature » des essais randomisés contrôlés en double aveugle sur le raisonnement médical, et partant, sur les décisions et les stratégies de santé publique, et cela au mépris de données observationnelles pourtant solidement établies ;
5 l’insuffisante prise en compte des données cliniques existantes par les médecins du secteur, principalement dans l’attente des résultats de l’essai IPERGAY mené par l’Agence nationale de recherche sur le SIDA et les hépatites (ANRS) ;
6 la faiblesse persistante de la santé publique en France, et singulièrement celle de l’administration sanitaire. »
On notera aussi, in fine, ce terrible réquisitoire rédigé par de bons connaisseurs du ministère :
« A cet égard, le contraste entre la réaction remarquable -rapide et pragmatique- qui fut celle de la DGS en 1995-1996 en matière de PEP et son manque d’anticipation action dans le cas de la PrEP est navrant. La DGS n’a pas correctement anticipé les évolutions en termes de prévention de l’infection par le VIH que la chimio-prophylaxie allait susciter. »
« Ce constat est d’autant plus regrettable qu’en l’occurrence, avec le dossier PrEP, elle n’avait pas à traiter la procédure administrative de la RTU –relevant de l’ANSM- et aurait pu, par conséquent, se concentrer sur la stratégie sanitaire, qui représente précisément l’essentiel de sa mission. En réalité, la DGS se trouvait dans l’impossibilité de le faire parce qu’elle connaît toujours, en dépit des réformes successives qui l’ont concernée depuis plus de 20 ans, un déficit –quantitatif et qualitatifde compétences et d’expertises qui continue à la pénaliser. Les cinq anciens directeurs généraux de la Santé que la mission a pu rencontrer ont souscrit de manière univoque à ce constat.
Cette faiblesse explique que, dans le domaine de la politique de prévention et de lutte contre le VIH/SIDA, elle ait, progressivement, renoncé à cette mission et ait adopté une attitude suiviste, en particulier par rapport à une institution puissante, elle, et dotée des moyens intellectuels et humains de sa mission : l’ANRS. »
Pour le dire autrement le feu est bel et bien déclaré au sein du ministère des Solidarités et de la Santé. On attend le nom du chef des pompiers.
A demain
Je ne comprends pas grand chose à cette affaire et qui a fait quoi ou pas fait quoi et pourquoi.
Cela me fait penser à l' »hôpital » que l’on tient pour responsable de la mort pour une maladresse au bloc opératoire, d’un accidenté de la route percuté par une conducteur ivre en contresens sur l’autoroute .
Les patients qui ont des conduites à risque ont des conduites… à risque et pas à l' »insu de leur plein gré ». Dans conduite à risque il y a le mot « risque » un risque facultatif.
Dans les 2 cas la cause initiale n’est ni l’erreur médicale, ni le retard à l’AMM.
Les 2 cas n’ont rien à voir mais il ne faut pas oublier la cause initiale ce serait une faiblesse de raisonnement.
Après, il y a des causes causalement secondaires.
Vous le dites en intertitre d’ailleurs. « Contaminations évitables ». Il y a du multifactoriel ici mais un antefactoriel indiscutable. Ne parle-t-on pas de « responsabiliser » les citoyens, les patients ?