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Février 1973 le Pr Jean-Louis Lortat-Jacob, alors président du Conseil de l’Ordre des médecins dénonçait ouvertement les médecins partisans du droit des femmes à avorter. Septembre 2018 : le même Conseil national de l’Ordre annonce, à l’occasion d’une audition à l’Assemblée nationale, qu’il ne voit aucun obstacle à l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. L’affaire est révélée aujourd’hui 19 septembre en exclusivité par La Croix (Loup Besmond de Senneville). « Une prise de position qui fera grand bruit » estime le quotidien catholique. Une prise de position aussitôt applaudie par la ministre Agnès Buzyn invitée matinale de RTL.
Que pense précisément l’Ordre ? « Nous considérons que cette demande est essentiellement sociétale », explique à La Croix le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du Conseil national de l’ordre des médecins. « Si la société veut une AMP élargie, nous estimons que c’est à elle de trancher. Sur ce sujet sensible, il n’est pas dans notre rôle de dire ce qui est bien ou ce qui est mal. L’Ordre des médecins n’est pas une instance moralisatrice. »
Rien ici, de révolutionnaire. L’argumentaire est plus problématique : Le Dr Faroudja estime que « le rôle des médecins est d’apaiser les souffrances, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Or, le désir d’enfant est une souffrance, et le médecin est là pour l’entendre. » Il balaie l’argument, utilisé par les opposants à l’extension de la PMA, selon lequel il s’agirait là d’ouvrir un « droit à l’enfant ». On devrait plutôt, selon lui, parler « du droit d’accéder à une technique médicale spécialisée ». On devrait aussi parler d’une mesure qui transforme un geste thérapeutique (contre l’infertilité d’un couple) en une pratique qui ne le sera plus. Mais l’Ordre, ici, reste coi.
« Tout cela n’est pas très sérieux, commente son confrère Bertrand Galichon, président du Centre catholique des médecins français (CCMF). Nous ne sommes pas là pour répondre à n’importe quelle demande. À partir du moment où on tient de tels propos, on met clairement en danger la clause de conscience. » Il voit dans cette prise de position une « remise en cause fondamentale de la place des soignants dans la société ». Avant d’interroger : « Allons-nous vers un horizon où les médecins seront simplement tenus de répondre aux demandes de la société sans pouvoir réfléchir sur leur fonction première? »
Ambiguïté
A dire vrai la position de l’Ordre n’est pas sans ambiguïté. « Clairement favorables à une évolution législative » selon La Croix les responsables nationaux de l’institution ordinale n’en soulignent pas moins les « conséquences » d’une extension de la PMA aux femmes seules ou aux couples de femmes homosexuelles. A commencer par la pénurie probable des spermatozoïdes de donneurs. « Comment fera-t-on?, s’interroge ainsi le Dr Faroudja. Il nous semble inacceptable de hiérarchiser les demandeurs. Couples homosexuels, hétérosexuels et femmes seules doivent être traités sur un pied d’égalité. »
Ce n’est pas tout, loin s’en faut. Le responsable de l’Ordre défend également « la liberté des médecins ». Faut-il prévoir une clause de conscience spécifique pour celles et ceux qui se refuseraient à pratiquer la « PMA pour toutes » ? Un sujet que vient d’aborder le Dr Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France lors d’une polémique sur l’ « IVG-homicide ».
« Le droit actuel, qui permet au médecin de refuser un acte médical pour des raisons personnelles à condition qu’il avertisse son patient et le dirige vers un autre praticien, est suffisant. Le refus doit être possible dans certaines circonstances, mais il ne doit jamais reposer sur la seule orientation sexuelle des patients, ce serait contraire aux règles de la déontologie », estime le Dr Faroudja.
La Croix observe que la position de l’Ordre se démarque de celle prise au printemps par l’Académie nationale de médecine. Dans sa contribution envoyée au Comité consultatif national d’éthique, celle-ci avait insisté sur « l’intérêt supérieur de l’enfant ». « L’assistance médicale à la procréation avec donneur prive volontairement l’enfant de la relation structurante avec deux adultes de sexe différent », pouvait-on y lire. Et La Croix de citer un sondage Exafield/Quotidien du Médecin réalisé en mai dernier : 44 % des médecins approuvaient l’extension de la PMA aux couples de femmes, 45 % s’y opposaient et 11 % ne se prononçaient pas. Et La Croix, enfin, de citer Raphaël Nogier, médecin lyonnais à l’origine d’une pétition signée par 1 700 de ses confrères pour s’opposer à l’extension de la PMA au nom de la défense du « rôle de la médecine ».
Nous parlions de 1973. Rappelons aussi qu’en mars 2013 le Dr Michel Legmann, alors président du Conseil de l’Ordre expliquait être d’accord avec les propos de son confrère François Olivennes, gynécologue-obstétricien exerçant dans le secteur privé. Ce dernier réclamait la possibilité légale, en France, pour les femmes homosexuelles d’avoir recours à l’1AD et de ne plus aller gare du Nord à Paris pour en bénéficier une heure trente plus tard à Bruxelles. « Nous ne devons pas nous retrouver dans la même hypocrisie que celle qui a entouré le contexte de la loi Veil sur l’IVG, tonne-t-il. Or nous en sommes-là ! Nous ne devons pas être en retard d’un train comme nous l’avons été avec l’IVG. »
A demain
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Une réflexion sur “« PMA pour toutes » : soudain le Conseil national de l’Ordre des médecins relança la polémique”