Conflits d’intérêts et cholestérol : des experts de la HAS visés par une action anticorruption

Bonjour

Vrai scandale emblématique ou simple reliquat d’une époque en voie d’extinction ? Pour l’heure c’est une première révélée par L’Express (François Koch) et confirmée par Le Monde (Laura Motet et Pascale Santi). Le 3 octobre 2018, l’association Anticor a déposé plainte au tribunal de grande instance de Bobigny pour prise illégale d’intérêt contre un groupe d’experts travaillant au service la Haute autorité de santé (HAS).

Anticor (« contre la corruption, pour l’éthique en politique ») accuse ces experts d’avoir, en élaborant une recommandation publiée en 2017 sur les dyslipidémies, d’accroître incité à la prescription de certains médicaments alors même que des liens financiers les unissent à des entreprises qui les fabriquent. Une affaire qui, de manière indirecte, concerne Agnès Buzyn, ancienne présidente de la HAS 1.

Comment comprendre quand on sait que la prestigieuse  HAS,  autorité publique indépendante, doit précisément veiller à ce que l’on ne puisse pas mettre en doute ni l’intégrité ni l’impartialité de ses experts ? Comment accepter que six des neuf experts du « groupe dyslipidémies » de la HAS aient pu avoir « des liens d’intérêt directs ou indirects majeurs avec les laboratoires intéressés par la recommandation » – comme on peut le lire dans la plainte d’Anticor que L’Express a pu consulter ? Et ce d’autant que la HAS s’est dotée, depuis juillet 2016, d’un déontologue « chargé de veiller au respect des obligations de déclaration des liens d’intérêts et de prévention des conflits d’intérêts » : le magistrat Daniel Ludet.

Sont particulièrement visés aujourd’hui deux des six experts du groupe. D’abord le Pr Bruno Vergès, spécialiste d’endocrinologie (CHU de Dijon), a perçu 65.088 euros d’avantages et 36.940 euros de rémunérations, de 2013 à 2017 (notamment de MSD, Pfizer, Astrazeneca, Novartis, Sanofi Aventis et Amgen). Ensuite le Pr Jean-Michel Lecerf (Institut Pasteur de Lille) a reçu 25.268 euros de rémunérations notamment de MSD et de Sanofi-Aventis/Regeneron.

Fourmilière

La plainte d’Anticor se fonde sur l’expertise et l’action de l’association pour une formation et une information médicale indépendante, (Formindep). Cette dernière a écrit le 1er juin 2018 au Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, pour dénoncer les situation de conflits d’intérêts de ces experts. Dans son courrier, le Formindep demandait à la fois le retrait de la « fiche mémo » mais aussi que les infractions soient signalées à la justice. Dans sa réponse du 29 juin, la présidente de la HAS oppose un double refus au Formindep : « Les liens d’intérêts des membres du groupe de travail ont, avant le démarrage des travaux de celui-ci, été analysés et gérés conformément aux règles et procédures en vigueur »

Une affirmation contestée par le Formindep qui a déposé . une requête de la décision de la HAS auprès de la section du contentieux du Conseil d’Etat. « La HAS prétend que les règles sur les conflits d’intérêts ont été respectées alors qu’elle se base sur des déclarations mensongères de certains experts » affirme Jean-Sébastien Borde, vice-président du Formindep. Cette accusation est fondée sur la comparaison entre, d’une part, les déclarations publiques d’intérêts déposées à la HAS et, d’autre part, les informations publiées par les laboratoires sur la base transparence.sante.gouv.fr, les divulgations de dons diffusées par la HAS, les déclarations d’intérêts des experts mentionnées à la fin de leurs publications scientifiques et le registre européen des essais cliniques.

Contactés par L’Express, le Pr Jean-Michel Lecerf reconnaît que ses « déclarations d’intérêts à la HAS ne sont pas toujours à jour ». Contacté par Le Monde il déclare : « C’est vraiment invraisemblable d’être épinglé pour un travail bénévole effectué pour la HAS ».

Contacté par L’Express le Pr Bruno Vergès assure que « la HAS a donné son accord à sa participation après avoir analysé les conflits d’intérêts ». « Je ne suis à la solde de personne, ajoute-t-il. Si l’on se prive de l’avis des experts qui font des recherches cliniques avec les laboratoires, on se limitera à celui de ceux qui ne connaissent rien à rien. » Mais 65 088 euros d’avantages et 36 940 euros de rémunérations et honoraires, de 2013 à 2017 ? « Ces avantages correspondent à des inscriptions offertes à des congrès, a-t-il expliqué au Monde. Ils n’influencent pas nos recommandations. Pour les écrire, nous nous appuyons sur des éléments de preuve indiscutables. Nous ne citons d’ailleurs aucun produit précis. »

Vrai scandale emblématique ou simple reliquat d’une époque en voie d’extinction ? « Notre plainte porte sur une recommandation [précise], mais le phénomène est systémique, explique au Monde Elise Van Beneden, secrétaire générale adjointe d’AnticorPour nous, il s’agit d’un coup de pied dans la fourmilière et d’un avertissement à l’ensemble du secteur médical, de la HAS à l’Agence nationale de sécurité du médicament, mais aussi aux expertises effectuées en amont. » Les fourmis apprécieront.

A demain

1 La « décision n°2017.0020/DC/SBPP du 22 février 2017 du collège de la Haute Autorité de santé portant adoption de la fiche mémo intitulée « ‘’Principales dyslipidémies : stratégies de prise en charge’’ », a été signée par Agnès Buzyn le 22 février 2017. L’actuelle ministre des Solidarités et de la santé était alors présidente de la Haute Autorité de Santé.

 

Une réflexion sur “Conflits d’intérêts et cholestérol : des experts de la HAS visés par une action anticorruption

  1.  » Pr Jean-Michel Lecerf …. : « C’est vraiment invraisemblable d’être épinglé pour un travail bénévole effectué pour la HAS ».
     » …le Pr Bruno Vergès « Je ne suis à la solde de personne, ajoute-t-il. Si l’on se prive de l’avis des experts qui font des recherches cliniques avec les laboratoires, on se limitera à celui de ceux qui ne connaissent rien à rien. » Mais 65 088 euros d’avantages et 36 940 euros de rémunérations et honoraires, de 2013 à 2017 ? « Ces avantages correspondent à des inscriptions offertes à des congrès, a-t-il expliqué au Monde. Ils n’influencent pas nos recommandations….. »

    Est-ce de l’anosognosie ? Qui le dira ?
    De la dissonance cognitive ?

    Ce qui n’empêche pas que ces personnes croient honnêtement à ce qu’elles disent.

    Pourquoi à leur avis les études randomisées sont elles faites en double aveugle ?
    Pourquoi les expériences de laboratoires vien faites comportent – elles des « témoins » rendus indiscernables des sujets afin d’éliminer toute influence de ce que l’observateur a dans la t^te comme biais ou infilence ?

    Ce n’est pas très gentil ni honnête ni vrai ni démontré que de dire « Si l’on se prive de l’avis des experts qui font des recherches cliniques avec les laboratoires, on se limitera à celui de ceux qui ne connaissent rien à rien.  »

    Soit des conflits soit des tocards donc ?

    Ill se trouve que pour analyser des publications l’essentiel est d’avoir de bons experts en méthodologie scientifique , en plus de moins essentiels experts du domaine .

    Voyez par exemple :
    Ensuring the integrity of clinical practice guidelines: a tool for protecting patients.
    https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24046286

    Les auteurs (dont encore JP Ioannidis) y plaident documents à l’appui:
    « Content experts not only dominate most guideline panels, but also take authorship and dictate the conduct, conclusions, and interpretation of systematic reviews, which in turn provide the
    rationale for the subsequent guideline recommendations. Content experts or topic specialists are especially likely to have a financial or professional conflict of interest or both, increasing
    the risk of bias (4-27).

    « We believe guideline panels must primarily comprise experts at reviewing scientific evidence (35). In current practice, such scientists are either not involved at all in guideline creation, or work in an advisory or consultant capacity to content experts.
    These roles should be inverted. The first task of any guideline panel is to review the evidence to decide if there is an uncontested “best” answer … »

    Ils en disent beaucoupl plus dans cet article. Ils connaissent le sujet de l’Evidence Based Medicine ; ou ce qu’il en reste après son piratage : PMID: 26934549. , DOI: 0.1016/j.jclinepi.2016.02.012

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