Bonjour
Ce sont des effets certains de la « pression médiatique ». Hier une surenchère de Santé publique France (SpF) découvrant, subitement « onze nouveaux cas ». Ce matin, sur RTL, le Dr François Bourdillon, directeur général de l’agence SpF. Il annonce qu’une « enquête sur toute la France est en cours » pour recenser au mieux les cas des bébés nés sans mains, bras ou avant-bras. Résultats attendus « dans à peu près dans trois mois ».
Au même instant, interrogée sur les causes possibles de ces malformations, Agnès Buzyn précisait sur RMC/BFMTV qu’elle les ignorait. « Je veux savoir, je pense que toute la France veut savoir, a déclaré la ministre des Solidarités et de la Santé. Nous ne voulons fermer aucune piste. C’est possiblement une piste environnementale, c’est peut-être ce qu’elles [les femmes enceintes] ont mangé, c’est peut-être ce qu’elles ont respiré. »
Et Mme Buzyn de rappeler qu’une enquête conjointe avait été demandée à SpF et à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Objectif : « explorer ces cas, de retourner voir les mères, les familles, essayer de comprendre quel point commun il peut y avoir entre ces familles. La complexité est de retourner dans l’histoire de ces familles, sur des cas qui datent d’il y a parfois plus de dix ans ».
Il faut encore compter aujourd’hui avec les longues explications compliquées, au 13h de France Inter, du Dr Elisabeth Gnansia, généticienne et présidente du conseil scientifique du Registre des malformations congénitales en Rhône-Alpes (Remera). Entre 2009 et 2014, ce registre avait enregistré sept cas d’agénésie transverse des membres supérieurs (ATMS) avant d’en signaler un huitième, le 29 octobre – un enfant né en 2012 dans un hôpital d’un département voisin, mais issu d’une famille résidant dans la même zone de 17 km de rayon que les sept autres.
Relations notoirement tendues
Ainsi donc à ces huit cas, SpF en ajoute d’autres – tout en dénonçant publiquement et sans nuances les pratiques infra-scientifiques du Remera. Or voici, paradoxalement, que la pertinence de ce relevé de cas anciens est contestée par Emmanuelle Amar, la directrice générale du Remera, à l’origine de l’alerte, lancée en 2016. « Ces sept cas présentés comme nouveaux ne conduisent qu’à diluer inutilement le problème, vient-elle de déclarer au Monde. Les données du PMSI sont destinées à la facturation des actes, trop imprécises pour qu’on puisse en tirer quoi que ce soit d’utile et il est très probable que l’on ne retrouvera jamais ces cas. En outre, sept cas sur l’ensemble du département de l’Ain en 10 ans, cela entre dans la moyenne de ce que l’on attend et ne semble pas constituer un excès statistique. »
C’est peu dire que les relations sont notoirement tendues entre les responsables du Remera et SpF – qui compte (encore) au nombre des financeurs du registre. Et nombre de médias soutiennent, ici, le Remera contre Santé publique France soupçonnée de vouloir cacher la réalité. Une réalité d’ores et déjà connue de nombre de responsables écologistes qui, sans l’ombre d’une preuve, accusent les « pesticides ».
Un groupe composé de diverses personnalités 1 vient ainsi d’écrire à Agnès Buzyn. Extraits :
« Madame la Ministre,
Depuis plusieurs semaines les 7 cas d’enfants nés sans bras ou sans mains dans l’Ain entre 2009 et 2014 et l’alerte donné par l’épidémiologiste du REMERA (registre des malformations en Rhône Alpes) restent sans explication et montre les carences de notre démocratie sanitaire et de notre système de surveillance (…)
Nous nous félicitons que votre gouvernement ait pris ses distances avec les insatisfaisantes conclusions du 4 octobre de Santé Publique France et que vous trouviez ‘’insupportable que ces cas groupés soient restés sans explications ».
Sous la pression médiatique et celle des politiques et des familles de victimes, votre gouvernement nous a donné partiellement raison en demandant notamment une étude à l’Anses comme nous l’exigions pour examiner les hypothèses environnementales (pesticides, autres facteurs de pollution environnementale). Nous souhaitons que cette étude soit réalisée par des équipes scientifiques indépendantes et qui n’ont pas été parties prenantes des positions de Santé publique France et de l’INSERM justifiant l’arrêt des investigations sur les causes de ces malformations.
Reste maintenant à renforcer la surveillance des malformations sur l’ensemble du territoire (seul 1/5eme du territoire est aujourd’hui couvert) en soutenant des structures et les registres régionaux (…) Il est temps d’en finir avec le défaut d’information et de transparence sur les données de santé et l’usage qui en est fait par les autorités publiques. C’est cela qui explique la multiplication des scandales sanitaires, la faillite de notre système de surveillance et les critiques répétées et légitimes sur la démocratie sanitaire. Il est temps également de renforcer l’évaluation de l’impact sanitaire des produits chimiques et des pollutions de toute nature et d’améliorer la protection des femmes enceintes et des enfants. (…) »
A demain
@jynau
1 Delphine BATHO (ancienne ministre de l’écologie, députée, GE), André CICOLELLA (Chimiste, toxicologue, lanceur d’alerte, président du Réseau Environnement Santé), Philippe EVEN (Professeur de médecine, pneumologue, ancien président de l’Institut Necker), Caroline FIAT (députée, LFI), Romain GHERARDI (Neuropathologiste, Hôpital Henri Mondor, Créteil), Corinne LEPAGE (ancienne Ministre de l’Environnement, présidente de Justice Pesticides), Michèle RIVASI (députée européenne EELV, biologiste agrégée et normalienne, spécialiste des questions de santé publique et de santé environnementale) et Sophie TAILLE-POLIAN (sénatrice, Génération-s)