Jean Cormier (1943 -2018) : il incarna, durant un demi-siècle, un journalisme de fraternité

Bonjour

C’était un cri doublé d’un sourire malicieux. Un amoureux de l’humanité et des mots tricotés. Un homme parfois désespéré mais ne cessant de distribuer autour de lui des raison d’espérer. Et un journaliste dont on gardera la mémoire. Les hasards et la fatalité le firent embrasser cette profession  – et il officia durant un demi-siècle. Un demi-siècle d’une pratique qui a progressivement, dans le même temps, changé de visage. Aucune nostalgie, mais bien une vérité : Jean Cormier fut un journaliste comme nous n’en verrons plus.

Aujourd’hui, au lendemain de sa mort,  le souvenir d’un confrère au-delà de l’atypique, un camarade humanisant un milieu professionnel qui n’est pas, parfois, sans sauvagerie. Un journaliste sportif d’exception œuvrant au bien commun, celui des sports et celui des journalistes.

Se souvenir de Jean Cormier (« La Corme ») c’est, d’abord, se souvenir de l’amour qu’il portait à sa mère, basque, (« Cette dame qui aimait tans la fête (…) ma passé comme un ballon doré cette passion de l’autre qui anime et adoucit mon temps terrestre » – Alcool de nuit, avec Antoine BlondinRoger Bastide, 1988, Rocher). C’est aussi la résurgence de mille et une situations comiques, troublantes, surréalistes. Des centaines de matchs de rugby, des dizaines de Tour de France, des chapelets de Jeux Olympiques. Des nuits sans fin, des ivresses avec et sans alcools. Des amis d’un jour et d’une vie. Un Gargantua de la seconde moitié du XXème siècle.

Il faut, pour bien comprendre, lire les nécrologies qui lui sont consacrées Celle du Parisien (Olivier François), quotidien où il rayonna durant un demi-siècle : « Jean Cormier s’est éteint ». Celle de L’Equipe (Pierre-Michel Bonnot) : « Mort de Jean Cormier, un guerrier de la nuit ». Celle du Monde (Philippe Ridet) : « Le journaliste Jean Cormier est mort ».

Des sportifs pleurent leur chroniqueur

Bonnot rapporte plusieurs inédits où « La Corme » entra par effraction dans l’histoire, comme dans le village olympique assiégé de Munich (1972) ou sur le planchot final du Tournoi des Cinq Nations de 1982. « Par soif du scoop ? Même pas, écrit Bonnot. Juste par curiosité journalistique, car Jean Cormier était soucieux de l’autre avant d’être journaliste, chaleureux et attentif avant d’être obnubilé par la prospérité de sa signature et surtout infiniment ouvert sur le vaste monde où la fraternité du rugby lui tint souvent lieu de passeport. » Comment mieux dire ?

Biographe absolu de Che Guevara (y compris du Che médecin) Basque devenu citoyen de l’Amérique du Sud, citoyen pour l’éternité son jardin de Saint-Germain-des-Prés Jean Cormier ne cessa d’être, plus que simple passeur, catalyseur de rencontres, ambassadeur en fraternité. Pour notre part il nous fit entrer, journaliste-médecin du Monde, dans le cercle fermé du rugby. Nous fit quelques confidences, nous invita à partager, avec Blondin et Bastide les repas hebdomadaires de la rue Lobineau. Nous laissa mettre sur pied, en 1987, la superbe équipe pluri-médiatique « Théophraste Renaudot » du premier « Marathon des Leveurs de coudes » germanopratin. Tous ne pouvaient pas suivre, mais tous se souviennent.

« Ça, un journaliste ? On vous voit venir avec votre petit manuel de déontologie sous le bras, écrit Ridet. Et bien oui, c’était un journaliste, comme il n’y en aura plus. Serge Blanco : « C’était un ami, un complice. » Reverrons-nous des sportifs pleurer leur chroniqueur ? Un souvenir personnel : parfois, il faisait de l’auto-stop à la sortie du Parisien, avenue Michelet, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), pour se faire voiturer jusqu’à la station de métro Porte de Clignancourt. Il charriait toujours une énorme besace. Je le prenais à bord de ma 4L Safari. J’avais l’impression qu’il débordait de l’habitacle. Arrivé à destination, il disparaissait comme un courant d’air. Ça laissait un vide. »

Le vide est bel est bien là. Avec gros nuage de tristesse sous lequel on perçoit son sourire. Et son cri.

A demain

@jynau

Une messe en hommage à Jean Cormier sera dite vendredi 21 décembre à 12 h 30 à l’église Saint-Sulpice, à Paris.

 

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