Viandes, poissons : allez-vous jurer ne plus jamais manger, le lundi, de «choses ayant eu vie»?

Bonjour

Aux frontières de l’étrange. C’est une exhortation sans religion à un nouveau carême : une tribune 1 publiée au lendemain des bombances des réveillons 2018-2019. A lire dans Le Monde ; un engagement citoyen et publicitaire qui ne mange guère de pain : « parce qu’elles le font déjà ou qu’elles l’envisagent, 500 personnalités, parmi lesquelles Isabelle Autissier, Juliette Binoche, Luc Ferry, Isabelle Adjani, Matthieu Ricard, s’engagent dans un appel des 500 publié dans « Le Monde », à remplacer chaque lundi la viande et le poisson à partir de 2019 ». Extrait :

« Il existe aujourd’hui des raisons impératives de diminuer collectivement notre consommation de chair animale en France. Nous pensons que chaque personne peut faire un pas significatif dans ce sens pour l’un ou l’autre des motifs suivants : la sauvegarde de la planète, la santé des personnes, le respect de la vie animale. Nous nous engageons à titre personnel à remplacer la viande et le poisson chaque lundi (ou à aller plus loin dans ce sens). »

Il faut lire et relire cette tribune  pour saisir les limites de l’entreprise.  Les arguments qui « semblent décisifs » aux signataires constituent un ensemble bien complexe jouant à la fois sur la raison, sur les peurs et les émotions. Le respect de l’environnement et des animaux, avec une place toute particulière réservée à la « santé »:

« La santé humaine est la deuxième raison objective de limiter la consommation de chair animale. L’intérêt que les êtres humains ont développé pour la viande ne présente plus aujourd’hui les mêmes bénéfices que durant d’autres périodes de l’évolution humaine. Selon les autorités scientifiques, la viande n’est absolument pas indispensable à l’équilibre alimentaire : dans tous les pays développés, elle peut être remplacée par des végétaux, lesquels fournissent des protéines et des nutriments que l’organisme peut assimiler. Manger moins de viande serait même favorable à la santé en contribuant à atténuer le risque de maladies cardiovasculaires, de diabète et d’obésité.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a établi que la viande rouge transformée était en effet une cause certaine de cancer, tandis que la viande rouge non transformée en était une cause probable. Aujourd’hui, les Français consommant près de 100 g de viande chaque jour augmentent de 30 % leur probabilité de développer un cancer en comparaison à ceux qui se limitent à 40 g en moyenne.

Plus globalement, si l’humanité optait pour une alimentation entièrement à base de végétaux, le taux de mortalité humaine chuterait entre 6 % et 10 %. Enfin, les risques sanitaires liés à l’élevage industriel sont un autre préjudice majeur : les fermes industrielles qui regroupent des milliers d’animaux dans des espaces très confinés facilitent la propagation d’épidémies et de souches bactériennes dont certaines sont résistantes aux antibiotiques. »

Au final un discours à la fois séduisant et militant. Un appel à la raison qui perd de sa puissance en usant du fouet de la contrition et de la peur de la maladie. Une incitation au végétalisme intégral qui se bornerait au trois repas du lundi sur les vingt-et-un de la semaine. Etrange tribune qui réunit ces « 500 personnalités ». Comment l’interpréter ? On peut, après Le Monde, retrouver le lumineux Jean de La Fontaine :

« Un Loup rempli d’humanité
(S’il en est de tels dans le monde)
Fit un jour sur sa cruauté,
Quoiqu’il ne l’exerçât que par nécessité,
Une réflexion profonde.
Je suis haï, dit-il, et de qui ? De chacun.
Le Loup est l’ennemi commun :
Chiens, chasseurs, villageois, s’assemblent pour sa perte.
Jupiter est là-haut étourdi de leurs cris ;
C’est par là que de loups l’Angleterre est déserte :
On y mit notre tête à prix.
Il n’est hobereau qui ne fasse
Contre nous tels bans publier ;
Il n’est marmot osant crier
Que du Loup aussitôt sa mère ne menace.
Le tout pour un Âne rogneux,
Pour un Mouton pourri, pour quelque Chien hargneux,
Dont j’aurai passé mon envie.
Et bien, ne mangeons plus de chose ayant eu vie ;
Paissons l’herbe, broutons ; mourons de faim plutôt.
Est-ce une chose si cruelle ?
Vaut-il mieux s’attirer la haine universelle ?
Disant ces mots il vit des Bergers pour leur rôt
Mangeants un agneau cuit en broche.
Oh, oh, dit-il, je me reproche
Le sang de cette gent. Voilà ses Gardiens
S’en repaissants eux et leurs Chiens ;
Et moi, Loup, j’en ferai scrupule ?
Non, par tous les Dieux. Non. Je serais ridicule.
Thibaut l’Agnelet passera
Sans qu’à la broche je le mette ;
Et non seulement lui, mais la mère qu’il tette,
Et le père qui l’engendra.
Ce Loup avait raison. Est-il dit qu’on nous voie
Faire festin de toute proie,
Manger les animaux, et nous les réduirons
Aux mets de l’âge d’or autant que nous pourrons ?
Ils n’auront ni croc ni marmite ?
Bergers, bergers, le loup n’a tort
Que quand il n’est pas le plus fort :
Voulez-vous qu’il vive en ermite ? »

A demain

@jynau

 1 Premiers signataires : Isabelle Adjani, actrice ; Christophe André, psychiatre ; Yann Arthus-Bertrand, photographe ; Isabelle Autissier, navigatrice et présidente du WWF France ; Aurélien Barrau, astrophysicien (Institut universitaire de France) ; Stéphane Bern, journaliste ; Juliette Binoche, actrice ; Allain Bougrain-Dubourg, journaliste ; Eymeric Caron, journaliste ; Jean Paul Curtay, médecin nutritionniste (académie des sciences de New York) ; Boris Cyrulnik, neuropsychiatre ; Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France ; Luc Ferry, ancien ministre ; Flavie Flament, animatrice ; Cécile de France, actrice ; Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 ; Jean François Julliard, directeur général de Greenpeace France ; Lolita Lempicka, créatrice de mode ; Frédéric Lopez, animateur ; François Mariotti, nutritionniste (INRA-AgroParisTech) ; Eric Piolle, maire de Grenoble ; Matthieu Ricard, moine bouddhiste ; Liv Sansoz, triple championne du monde d’escalade ; Jean-Louis Servan-Schreiber, patron de presse ; Matthieu Vidard, journaliste ; Cédric Villani, mathématicien et député ; Delphine Wespiser, Miss France 2012. La liste complète

3 réflexions sur “Viandes, poissons : allez-vous jurer ne plus jamais manger, le lundi, de «choses ayant eu vie»?

  1. Les végétaux ont aussi une vie, très discrète, avec une sensibilité imperceptible à la plupart des êtres humains ! leur piètre vitesse d’évolution ne leur laisse aucune chance, en plus ils sont muets ! quelle aubaine ! à table ! la soupe est prête !

  2. Encore une tribune de crétins qui font mine d’oublier en cette période de protestation que pour de nombreux français (qui ne passent pas à la télé et n’écrive pas dans les journaux) manger de la viande ou du poisson c’est pas toutes les semaines.

    C’en devient déprimant.

    Personne pour relever que la pauvreté tue, personne pour faire des tribunes pour dénoncer la différence d’espérance de vie entre un cadre sup et un ouvrier. Ce sont les informations sélectives.

    Personne pour affirmer qu’il faut tuer tous les lions… car les gazelles elles paient cher.

  3. De quel droit ces nouveaux prêtres dictent-ils de nouveaux interdits? de quelles révélations sont-ils dépositaires, pour se croire obligés de regarder dans notre assiette? non, nous ne pourrons pas supporter toutes les injonctions de « bons penseurs », parce qu’un peu célèbres et bien nourris (je veux dire sans limitation de budget) ajouter leurs oukases aux déjà pléthoriques prescriptions hygiénistes! quel culot! allez plutôt tremper votre stylo dans le lait de coco…à moins que ce végétal ne récolte aussi la disgrâce fatale, puisqu’exploité par des autochtones miséreux.

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