Bonjour
Annoncé hier en « avant-première » par Le Figaro (Agnès Leclair), le voici exposé sur le site de La Croix (Loup Besmond de Senneville). Et le voici présenté par Le Monde (Solène Cordier). Et pour le vieux quotidien vespéral aucun doute : le rapport de de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique est « audacieux ». « Audace », vraiment ? Cette « qualité de l’âme, qui incite à accomplir des actions difficiles, à prendre des risques pour réussir une entreprise considérée comme impossible ».
Comme prévu les recommandations de cette mission d’information parlementaire embrasse des thèmes variés incluant la procréation médicalement assistée (PMA), l’auto-conservation ovocytaire, l’intelligence artificielle ou les recherches sur l’embryon humain. Et comme prévu le député Jean-Louis Touraine (anciennement socialiste, LRM, Rhône) n’a pas fait dans le détail – prenant le risque délibéré de relancer les polémiques et d’interdire « l’apaisement » souhaité par Emmanuel Macron avant de légiférer.
Le Pr Touraine prend soin de rappeler que la France fut ici « à l’avant-garde » en étant le premier pays à se doter, dès 1983, d’un Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Une initiative de François Mitterrand et qui permis la traduction de l’éthique dans le droit. Et le député Touraine de revendiquer « un groupe de propositions cohérentes et moins frileuses que par le passé », mais pour autant inscrites dans « l’esprit de la conception bioéthique à la française »- ce qui, sauf à tordre cet esprit, est hautement discutable.
Ainsi « l’extension à toutes les femmes des techniques de PMA ». « Au nom de l’égalité des droits, la mission d’information parlementaire souhaite notamment que toutes les femmes bénéficient des mêmes modalités de remboursement par la Sécurité sociale, résume Le Monde. Mais le rapporteur va plus loin. Il préconise plusieurs changements qui, s’ils étaient adoptés, auraient des conséquences pour l’ensemble des couples ayant recours à la PMA (…) Sur la question de l’accès aux origines, M. Touraine se dit favorable à ce que les enfants nés d’un don puissent, à leur majorité, accéder à des informations non-identifiantes (caractéristiques médicales) ainsi qu’à l’identité de leur géniteur. »
Filiations anticipées
On voit mal comment de telles dispositions s’inscrive dans « l’esprit de la conception bioéthique à la française » – une conception fondée sur l’inscription de la PMA dans le champ de la thérapeutique de la stérilité et sur le respect absolu de l’anonymat des donneurs – de sang comme de gamètes.
« Attentif à »l’intérêt supérieur de l’enfant », le rapporteur imagine en outre de modifier l’établissement du mode de filiation pour tous les enfants issus de PMA, en instaurant une »déclaration commune anticipée de filiation » des futurs parents, ajoute Le Monde. Cette mention figurerait sur l’acte de naissance intégral de l’enfant, lui permettant d’en avoir connaissance à sa majorité. Cette proposition, défendue notamment par la sociologue de la famille Irène Théry, impliquerait une modification du code civil. Elle aurait surtout comme effet de rompre avec le secret qui entoure souvent les naissances avec dons de gamètes dans les couples hétérosexuels. Une petite révolution. » Petite est ici de trop.
Jean-Louis Touraine entend encore « permettre la reconnaissance de la filiation à l’égard du parent d’intention pour les enfants issus d’une GPA pratiquée à l’étranger, dès lors qu’elle a été légalement établie à l’étranger ». L’objectif avancé est bien évidemment comme toujours celui de « conférer un statut à l’enfant ». Mais comment ne pas voir là le premier pas vers la dépénalisation d’une pratique jusqu’ici condamnée, précisément au nom de « la conception bioéthique à la française ».
Cultures d’embryons humains
Ce n’est pas tout. « Jean-Louis Touraine préconise la levée de l’interdiction de créer des embryons transgéniques ‘’afin de favoriser la recherche scientifique’’, ainsi que l’allongement de la durée de culture des embryons – aujourd’hui limitée à 7 jours –, à 14 jours, voire au-delà (…) » observe La Croix. Réfutant tout eugénisme, le rapport porte aussi la marque d’une volonté de repérer les maladies le plus tôt possible, par exemple en autorisant les médecins à détecter les trisomies sur les embryons avant qu’ils soient réimplantés dans l’utérus. Le député propose aussi de permettre à tous les couples de se soumettre à des tests génétiques avant de concevoir un enfant, afin de pouvoir détecter un certain nombre de maladies génétiques graves pouvant survenir « chez l’enfant ou l’adulte jeune.
« À la lecture de ce rapport, il est frappant de constater que la loi apparaît souvent, en creux, comme un empêchement au progrès technique, résume le quotidien catholique. Une orientation confirmée vers la fin du texte : ‘’Il faut prendre en compte l’accélération des avancées scientifiques et des technologies biomédicales, dans un contexte de mondialisation des enjeux de santé et de recherche, ainsi que les nouvelles demandes de la société induites par ces innovations’’. »
« Ceux qui ne veulent pas réviser la loi parce qu’ils ont peur des évolutions ne tiennent pas compte des évolutions scientifiques et techniques, a insisté Jean-Louis Touraine devant la presse. Il ne faut pas croire que ce que l’on dit maintenant va être gravé dans le marbre. Ce que nous avons retenu devra être revu dans le futur (…). Il nous faut toujours être dans le progrès contrôlé, prudent. »
Mais comment invoquer la prudence quand, précisément, on entend graver dans le marbre de la loi des dispositions opposées à ce qui, depuis plus d’un demi-siècle, fonde, définit et structure « la bioéthique à la française ».
A demain
@jynau
Une réflexion sur “Politique : le rapport du député Touraine annonce la fin de la « bioéthique à la française »”