Que dira Agnès Buzyn aux médecins dénonçant les malades mentaux laissés sans soins ?

Bonjour

Les temps changent. Après Libération voici que Le Parisien se porte lui aussi au chevet de la psychiatrie, grande malade depuis longtemps oubliée sur un brancard dans l’immense salle des urgence nationale 1. Cela donne « Des psychiatres s’alarment : pourquoi tant de ‘’fous’’ dans nos rues ? » (Elsa Mari).

Où l’on apprend qu’une centaine de psychiatres viennent de signer une lettre mandée à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Parmi eux le Pr Antoine Pelissolo, chef du service de psychiatrie de l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne). Il s’en explique dans Le Parisien, précisant que chacun peut désormais voir de plus en plus de personnes atteintes de troubles psychiques « dans les rues » :

« Tout le monde peut le remarquer. Ce n’est un mystère pour personne. Il y a des lieux plus propices, comme le métro, où l’on croise beaucoup de gens qui semblent perdus sans savoir exactement si c’est la conséquence de troubles psychiques, de l’alcool ou de drogues. Certes, il n’existe pas de statistiques pour dire s’il y en a plus qu’avant, mais ce n’est pas normal d’en voir autant. (…) Parler seul dans la rue est le reflet d’une souffrance psychique réelle. Ce n’est pas bon signe. Cela signifie que cette personne n’est pas soignée correctement ou qu’elle ne l’est pas du tout. Avec des traitements, on n’est pas censé avoir ce genre d’hallucinations. »

 « Il y a une réalité, aujourd’hui en France, les malades psychiatriques ne sont pas suffisamment pris en charge. A l’hôpital ou en ville, la demande de consultations augmente car on identifie mieux certains troubles et des pathologies comme les dépressions et l’autisme sont aussi en hausse. Or, ces patients ne sont pas assez vite examinés à cause des délais d’attente. En trente ans, le nombre de lits dans les hôpitaux a aussi été divisé par deux alors que la population augmente. »

L’éponge lancée au malade en train de se noyer

On se souvient qu’au départ l’idée était vertueuse : permettre à ces personnes d’avoir une vie normale, de les soigner en ambulatoire, faire qu’elles dorment chez elles et consultent à l’hôpital en journée. « Mais il n’y a pas eu assez de moyens pour compenser la fermeture des lits, trop importante pour faire des économies, accuse le Pr Pelissolo. Par exemple, rares sont les soignants qui se déplacent à domicile quand un malade est en crise, il n’y a pas assez d’assistance. »

« Mon service est, comme les autres, en grande difficulté. On a 100 places d’hospitalisation pour, en moyenne, 110 patients. Résultat, on doit aménager des chambres à trois au lieu de deux, sans armoire, ni table de chevet. On a donc tendance à garder moins longtemps les malades qui auraient, pourtant, besoin de rester chez nous. Certains, toujours en crise, continuent d’errer dans les rues, et mêmes sur les routes, d’autres, des sans-abri, n’ont simplement pas de domicile. C’est inadmissible. Jamais vous ne verrez ça ailleurs, jamais on ne laisserait un patient, opéré à cœur ouvert, quitter l’hôpital le lendemain de son intervention. »

Un nombre croissant de soignants sont épuisés, résignés. Les arrêts maladie se multiplient et quand il reste suffisamment d’énergie on a recours à la grève et aux médias.

La lettre mandée à Agnès Buzyn a été signée par plus de 100 psychiatres dont beaucoup de chefs de service. Ils évoquent le problème des budgets, censés être réservés à la psychiatrie mais trop souvent utilisés souvent pour d’autres soins. Ils réclament que les Agences Régionales de Santé vérifient ainsi les comptes des hôpitaux et leur demandent comment ils dépensent cette enveloppe. La ministre des Solidarités et de la Santé a récemment annoncé une rallonge de 50 millions d’euros. « Cinquante millions d’euros pour un système en perdition, pfff… c’est jeter une éponge à une personne en train de se noyer » commente l’un de nos fidèles correspondants.

Qui sait où sont les maîtres-nageurs sauveteurs ?

A demain

@jynau

1 On estime entre 4,7 et 6,7 millions le nombre de personnes souffrant de dépression en France (7 à 10 % de la population) ; entre 800 000 et 3,7 millions celui des personnes atteintes de troubles bipolaires (1,2 à 5,5 %) et à 670 000 celui des personnes schizophrènes (1 %). On recense d’autre part chaque année plus de 10 000 suicides et 220 000 tentatives. Données tirées du remarquable « Psychiatrie : l’état d’urgence » de Marion Leboyer et Pierre-Michel Llorca, éditions Fayard.

 

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