Bonjour
Existe-t-il aujourd’hui dans la France jacobine des Gilets Jaunes d’autres solutions que d’en appeler à Emmanuel Macron ou de demander sa démission? En ce 20 janvier 2019, trois textes le concernent, disponibles par voie de presse. Deux dans Le Journal du Dimanche (Claude Got pour « laisser une chance aux 80 km/h » ; Philippe Val sur les risques encourus par sa personne 1) et une dans Le Monde : « ‘’La démission gouvernementale face à l’alcool est scandaleuse’’ Le plan national adopté fin 2018 conforte les pires craintes concernant la complaisance, si ce n’est la complicité, des pouvoirs publics et du lobby des alcooliers ».
Ainsi donc, ici, une nouvelle tribune solennelle cosignée, une nouvelle fois, par les mêmes spécialistes de la santé publique et de la lutte politique contre le vieux fléau de l’alcoolisme 1. Une tribune qui, cette fois, prend appui sur la publication en catimini, avec un an de retard, du « Plan national de mobilisation contre les addictions » 2018-2022 conforte les pires craintes sur l’inertie des pouvoirs publics en matière de consommation d’alcool.
« Au terme d’une analyse brillante et incontestable ce Plan s’arrête brutalement au seuil de l’action, perdant toute ambition de réussir. Il est plein de contradictions. Après avoir reconnu, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), que la fiscalité est un des moyens les plus efficaces pour freiner la consommation, il ne propose aucune mesure en ce sens. Malgré les engagements de la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn lors des débats au Parlement, les « prémix » à base de vin échappent même à toute mesure (…)
« Le plan s’alarme du marketing pour piéger les jeunes dans la consommation d’alcool mais se contente de cette inquiétude. S’il constate la pression publicitaire pour l’alcool sur tous les médias, il ne propose aucune mesure d’encadrement, même pas la limitation de l’affichage autour des écoles. Aucun calendrier, aucun objectif chiffré n’est fixé. »
Qui a caviardé le Plan national de mobilisation contre les addictions ?
En pratique les signataires observent qu’en dépit de l’engagement solennel pris le 6 septembre 2017 par Agnès Buzyn et Nicolas Prisse, président de la Mildeca de rendre « plus visible » (sic et re-sic) le pictogramme d’avertissement « femme enceinte » sur les bouteilles de boissons alcooliques la taille futur du pictogramme n’est toujours pas arbitrée …
« Il est vrai que le lobby de l’alcool considère qu’informer les femmes serait « anxiogène », sinon « mortifère ». Quel aveu et quel cynisme ! Ce mépris pour la prévention de la première cause évitable de handicap mental chez l’enfant est honteux et impardonnable, qu’il ait pu influencer les choix gouvernementaux est absolument scandaleux. »
Une nouvelle tribune solennelle avec cette révélation de taille : « Nous connaissons les raisons de cette ambiguïté et de cette inaction. Le plan de la Mildeca a été caviardé après avoir été pris en otage par le lobby alcoolier qui a imposé une ‘’contribution’’ uniquement destinée à préserver ses intérêts économiques au détriment de l’intérêt général. Sa demande a été entendue puisque aucune contrainte ne pèsera sur le secteur de l’alcool. » Aucun nom n’est toutefois donné pour nous dire qui anime ce « lobby alcoolier ».
On peut le dire autrement : pour le gouvernement d’Emmanuel Macron la responsabilité, ici, ne repose que sur les victimes et non sur l’industrie (producteurs, distributeurs, annonceurs) – industrie qui via la publicité n’a de cesse que de les pousser à consommer.
Palais de l’Elysée et crozes-hermitage
Une nouvelle tribune solennelle qui fait suite aux peu banales et désormais célèbres déclarations de Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation sur la différence fantasmée entre le vin et les autres alcools. Invité de BFM-TV et RMC mercredi 16 janvier, le ministre était interrogé sur la question de l’alcool en France :
« Le vin n’est pas un alcool comme un autre. (…) L’addiction à l’alcool est dramatique, et notamment dans la jeunesse, avec le phénomène du “binge drinking”. Mais je n’ai jamais vu un jeune qui sort de boîte de nuit et qui est saoul parce qu’il a bu du côtes-du-rhône, du crozes-hermitage, du bordeaux, jamais. Ils boivent des mélanges, de l’alcool fort. »
Où l’on retrouve les immortels clichés opposant, en lieu et place des alcoolémies, des ivresses, de leurs fréquences et des symptômes de la dépendance, des alcools qui seraient « forts » quand d’autres seraient « doux ».
« Refusant toute référence à un hygiénisme d’un autre temps, nous affirmons notre attachement aux institutions, concluent les auteurs de la tribune. Dans cet esprit, nous en appelons solennellement au président de la République afin qu’il cesse de sacrifier les intérêts supérieurs de la santé des Français au profit d’intérêts particuliers. »
Voilà donc qui est imprimé. Mais bien des raisons, trop nombreuses pour être ici exposées, font qu’il est hautement improbable que cet appel solennel franchisse un jour les murs du Palais de l’Elysée.
A demain
1 Philippe Val publie prochainement un livre « qui parle de sa vie » : « Tu finiras clochard comme ton Zola », Éditions de L’Observatoire, 864 pages, 24,90 euros.
2 Bernard Basset, médecin de santé publique, vice-président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa) ; Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et d’addictologie, université Paris-XI ; Gérard Dubois, professeur de santé publique, Académie nationale de médecine ; Claude Got, professeur honoraire, université René-Descartes ; Serge Hercberg, professeur de nutrition, université Paris-XIII ; Catherine Hill, épidémiologiste ; Albert Hirsch, professeur de pneumologie, université Paris-VII, administrateur de la Ligue nationale contre le cancer (LNCC) ; Mickael Naassila, professeur de physiologie, président de la Société française d’alcoologie (SFA) ; François Paille, professeur de thérapeutique et d’addictologie, président du Collège universitaire des enseignants en addictologie (Cunea) ; Michel Reynaud, professeur de psychiatrie et d’addictologie, université Paris-XI, président du Fonds actions addictions ; Nicolas Simon, professeur de médecine Aix-Marseille Université, président de l’Anpaa.