Bonjour
Voilà un parfait exemple de conflit d’intérêts dans le champ de la réduction (politique) des risques. Un cas d’école. La démonstration éclairante, en l’occurrence, des divergences entre Emmanuel Macron président de la République et son Premier ministre Edouard Philippe. On en rirait si le sujet n’était dramatique.
« Il n’y a jamais eu aussi peu de morts sur les routes françaises. » L’Agence France Presse rapporte que le Premier ministre a, ce lundi 28 janvier, annoncé une baisse « historique » du nombre de tués sur les routes en 2018. Edouard Philippe s’est rendu à Coubert (Seine-et-Marne). Il a précisé que 3 259 personnes étaient mortes sur les routes de la France métropolitaine en 2018, soit 189 de moins qu’en 2017. Ce chiffre était de 16 545 en 1972, pic « historique » suivi d’une lente décroissance, passant sous la barre des 10 000 en 1991 puis des 5000 en 2006.
Edouard Philippe s’est dit « fier de ces chiffres historiques » – la France restait sur trois années successives de hausse entre 2014 et 2016 (phénomène inédit depuis 1972) puis une quasi-stagnation en 2017 avec 3 448 morts. Et le Premier ministre d’ajouter que 116 vies ont été statistiquement « épargnées » sur les routes secondaires où la circulation automobile a été limitées à 80 km/h. On sait que c’est Edouard Philippe qui s’est presonnelement engagé en faveur de cette décision politique de réduction des risques/vitesse 1.
Le dogme de l’intelligence
Plus précisément c’est dans cette même petite commune de Coubert que, le 11 décembre 2017, il s’était dit favorable « à titre personnel » à l’abaissement de 90 km/h à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur certaines routes nationales et départementales. Un mois plus tard, il annonçait que cette mesure entrerait en vigueur au 1er juillet 2018 sur 400 000 kilomètres concernés (routes secondaires à double sens sans séparateur central) déclenchant alors une fronde d’automobilistes et de motards. Sans oublier les indignations politiciennes d’élus et de ministres tels que Gérard Collomb ou Jacques Mézard.
Puis la grogne contestataire redoubla d’intensité en fin d’année avec le mouvement des Gilets Jaunes et la dégradation/destruction sauvage de 60% desradars routiers (source : ministère de l’Intérieur). Six mois après l’entrée en vigueur de la mesure Edouard Philippe peut-il publiquement se réjouir/féliciter de ces résultats « historiques » ? Ce serait compter sans la contestation de ces chiffres par les plus radicalisés sur le sujet. « La mortalité routière était déjà largement orientée à la baisse une année avant l’entrée en vigueur des 80 km/h. (…) La mise en œuvre de cette nouvelle limitation n’a eu aucun impact sur la réduction du nombre de morts sur nos routes », soutient ainsi l’association 40 millions d’automobilistes.
Que va faire, dès lors, le pouvoir exécutif ? On sait qu’Emmanuel Macron n’a jamais apporté de soutien à la mesure, laissant sans gloire son Premier ministre la défendre. Avant d’amorcer « un premier pas en arrière » le 15 janvier dernier en ouvrant la porte à des aménagements au niveau local. « Il faut ensemble que l’on trouve une manière plus intelligente de le mettre en œuvre. Il n’y a pas de dogme », a-t-il lancé aux six cents maires rassemblés dans l’Eure pour le Grand Débat National. Un dossier qui, selon lui, « fait partie du débat ».
Le citoyen devrait-il désormais toujours se méfier quand on lui annonce qu’il faut trouver des manière plus « intelligentes » d’avancer ? En l’espèce il s’agirait, malheureusement, de rétrograder.
A demain
@jynau
1 On notera aussi que parmi tous les médias généralistes français Le Monde est l’un des rares à avoir pleinement soutenu cette mesure, poursuivant en cela un combat mené depuis plus d’un quart de siècle au nom de la réduction des risques et de la santé publique.
« Nous l’avons écrit ici même il y a un an et n’avons pas changé d’avis : l’abaissement de 90 km/h à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires de France et de Navarre est une mesure de bon sens et de salubrité publique. Elle prolonge et complète toute une panoplie de décisions – ceinture obligatoire pour les automobilistes et casque pour les motards, contrôle d’alcoolémie, permis à points, radars automatiques – qui ont permis en quarante ans de réduire de 16 000 à quelque 3 500 le nombre des tués chaque année sur les routes. Et il est incontestable que la vitesse est l’une des causes principales de cet absurde fléau : au-delà des drames humains qu’il provoque (aux morts s’ajoutent dix fois plus de blessés), le coût financier de l’insécurité routière s’élève à environ 50 milliards d’euros par an (…) » Le Monde. Editorial du 18 janvier 2019
Bonjour,
Votre tribune est un des derniers mails médicaux que je lis encore avec intérêt
Je ne suis personnellement ni pour ni contre le « 80 » car j’estime que toutes les réactions sont viscérales et non raisonnées et surtout peu ou pas basées sur des informations précises.
Tout le monde agite des chiffres et des statistiques pour en faire des arguments pour ou contre.
Tous les chiffres dont j’ai eu connaissance n’ont, à mon avis rien à voir dans ce débat.
Où trouve-t-on les chiffres des morts et blessés graves dont les responsables sont ventilés en catégories simples:
-motocyclistes, catégorie très pourvoyeuse d’accidents corporels graves ( voir à Garches…)
-grands excès de vitesse (rien à « cirer » d’une limitation).
-conduite en état d’ivresse,
-drogues et psychotropes,
-et, enfin conducteurs qui, au moment de l’accident, respectaient la vitesse limite autorisée à savoir 90 km/h et n’entraient dans aucune des catégories précédentes.
Si je connaissais ces chiffres j’aurais une opinion sue ce débat.
En effet, si les conducteurs respectant 90 km/h sont nettement responsables d’une part d’accidents, il faut impérativement passer à 80 km/h.
Je serais pour, à fond, comme j’ai été inlassablement un avocat pour le port de la ceinture, ayant professionnellement pu constater à longueur de temps les dégâts causés par son absence de port et, a contrario la raréfaction des lésions après son port obligatoire.
Sinon, ce serait une mesure inutile et donc son impopularité serait méritée.
Si vous avez accès aux chiffres que je réclame, vous devriez les publier dans une prochaine tribune pour permettre à ce débat de sortir de l’affectif.
Confraternellement,
G.A.
Merci
Je ne dispose malheureusement pas de cet ensemble de données
Confraternellement
J.-Y. N.
Dommage parce qu’on parle plutôt dans le vide sans ces éléments.
Quelqu’un doit pourtant avoir ces informations, La gendarmerie met toujours une vitesse estimée dans ses constats et à partir des chiffres bruts, on doit pouvoir extraire bien des info.
Cordialement,
G.A.
On peut m’expliquer le raisonnement qui fait dire :
– que c’est inadmissible de nous forcer à conduire à 80 au lieu de 90 ,
– ce qui nous fait économiser environ 0,6-1 L de carburant / 100 km parcourus
– alors qu’on se plaint de la hausse du coût de l’essence
Il est vrai que c’est affreux, ce temps perdu , effectivement, une minute chaque 10 kilomètres.
Note : la distance d’arret en freinage d’urgence passe environ de 81 mètres à 64, dont 3 mètres du seul fait du temps de réaction.
Comme quoi, y’a pas que le 1er ministre pour sortir des chiffres arrangeants !
0.6 L/100 km : à condition de rouler pendant 1 h à vitesse constante dans les 2 hypothèses… Ce qui est très loin des trajets réels de la plupart des automobilistes… pour lesquels l’économie sera beaucoup plus faible.
Pour le temps, même remarque sur l’évaluation, mais là la réalité ira « dans l’autre sens » puisque le temps « perdu » sera encore plus faible.
Pour les distances de freinage, là c’est plus complexe, vous appliquez la formule « chiffre des dizaines au carré », laquelle est très conservatrice. Mais admettons…
Par contre pour le temps de réaction, c’est beaucoup plus. On compte généralement environ 2 s pour ce délai, soit 25 m à 90 et 22 m à 80.
Mais bon, l’argument de base est forcément juste : la preuve il suffirait de limiter la vitesse à 0 km/h pour totalement supprimer les victimes d’accidents routiers.
Algo,
Un suppôt du centralisme, délégué à la sécurité routière, un petit bonhomme du nom de Emmanuel Barbe, dit des choses intéressantes ce jour dans l’émission C’est à vous.
Notamment que la perte de temps iée au passage à la limitation à 80 aurait été mesurée grace aux données de google maps, a ne seconde par kilomètre parcouru. De mémoire.
https://www.france.tv/france-5/c-a-vous/c-a-vous-saison-10/872039-c-a-vous.html
il apparait à 26′ 40″.
D’autre part que l’on enregistre une augmentation des vitesses et il en déduit une augmetation des morts après la destruction de 60 % du parc de radars.
Faut que je le ré-écoute pour être sûr.
Oui, 1 s par km, c’est réaliste, on peut le voir dans les liens (plutôt intéressants) sur cette page : http://www.securite-routiere.gouv.fr/la-securite-routiere/l-observatoire-national-interministeriel-de-la-securite-routiere