Bonjour
Dix ans après les faits. C’est une décision du tribunal administratif de Montreuil en daté du 29 janvier. Il reconnaît la responsabilité de l’Etat dans l’exercice de sa mission de contrôle de police sanitaire des activités de la société PIP (Poly Implant Prothèse).
On se souvient de cette peu banale et tentaculaire affaire qui porte le nom d’une entreprise fondée à la Seyne-sur-Mer en 1991 par Jean-Claude Mas ; entreprise qui fabriquait depuis les années 2000 des prothèses mammaires. La société (liquidée en 2010) et son fondateur furent au cœur d’un scandale de santé publique après la découverte en 2010 de l’origine frauduleuse et dangereuse des produits utilisés.
« Près d’un million de prothèses contenant un gel destiné à l’industrie électronique ont été écoulées entre 2001 et 2010, sans aucune précaution sanitaire, par la société de Jean-Claude Mas, condamné à quatre ans de prison pour fraude aggravée et pour escroquerie à l’égard du certificateur allemand TÜV, rappelle Le Quotidien du Médecin (Elsa Bellanger). Au total, 400 000 femmes seraient concernées dans le monde. En France, sur les 30 000 victimes recensées, 18 000 ont subi une explantation de leurs prothèses. »
Saisi par une victime qui s’était faite implanter en 2005 des prothèses de la marque PIP, le tribunal administratif s’est prononcé sur la responsabilité de l’Etat dans les années qui ont précédé la suspension de la mise sur le marché de ces prothèses ; suspension correspondant à une décision du 29 mars 2010 du directeur général de l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé – devenue ANSM en 2012 après diverses controverses) .
Carence fautive
Pour les années antérieures à 2009, le tribunal juge qu’au regard des informations dont disposait l’AFSSAPS, l’instruction ne permet pas d’établir l’existence d’une faute qui serait liée tant au retard à déceler la dangerosité des implants PIP et à en suspendre leur commercialisation qu’à l’absence d’investigations complémentaires à celles réalisées par l’organisme certificateur, qui n’avait pas fait de « remontées ».
En revanche, le tribunal retient que les données de vigilance pour l’année 2008, « qui ont fait apparaître une augmentation significative des incidents », auraient pu être traitées utilement à compter du mois d’avril 2009, date à laquelle ces incidents ont été portés à sa connaissance. « Or l’AFSSAPS ne peut être regardée comme ayant pris les mesures de contrôle et d’investigations complémentaires nécessaires pour analyser ces incidents qu’à partir du 18 décembre 2009, date à laquelle l’agence a débuté ses investigations auprès de la société » écrit le tribunal administratif. Il précise que ni l’absence de certaines données de commercialisation, ni le retard pris par la société PIP dans la transmission des informations commerciales, ni l’absence de remontées de la part de l’organisme certificateur pas plus que la dissimulation intentionnelle du produit par les dirigeants de la société PIP, « ne sont suffisantes pour exonérer l’Etat de sa responsabilité en l’espèce ».
Le tribunal juge ainsi que » la responsabilité pour carence fautive de l’Etat est engagée entre avril 2009 et le 18 décembre de cette même année ». Il est fort peu vraisemblable que le directeur de l’AFSSAPS de l’époque commente cette décision de justice. On peut en revanche espérer que la direction générale actuelle de l’ANSM en prenne toute la graine nécessaire, ne serait-ce que pour ses missions de police sanitaire.
A demain
@jynau