Bonjour
« Notre système arrive à bout / On nous fait faire des journées d’fous / Faut du rendement et puis c’est tout / » chantent de belles infirmières urgentistes sur les remparts de l’hôpital de Saint-Malo.
Dans la plaine, en écho, une pétition originale qui ne cesse de prendre de l’ampleur sur la Toile – « Non à l’abattage en médecine générale » 1.
« Voilà qui pourrait raviver une polémique qu’on croyait éteinte » prévient Le Quotidien du Médecin (Martin Dumas Primbault). Lancée il y a moins de trois semaines cette pétition avait, le jeudi 7 mars, franchi la barre des 10 000 signataires. Un score plus qu’honorable pour cette initiative du Dr Jean-Baptiste Blanc, inspirée de la colère des syndicats de médecins libéraux contre le modèle d’activité « productiviste » proposé il y a peu par l’Assurance-maladie.
Médecins « assistés »
Aux origines de la polémique, rappelle Le Quotidien, une réunion de négociations avec la CNAM qui a tourné court après que Nicolas Revel a estimé qu’un médecin pouvait passer de trois ou quatre à six consultations par heure avec un « assistant médical ». «Furieux, les syndicats ont bruyamment quitté la table des négociations.
Plusieurs syndicats de médecins se réjouissent du succès de la pétition – à commencer par le Syndicat national des jeunes médecins généralistes. L’UFML-Syndicat y voit un signe de « l’exaspération d’une profession qui fait face chaque jour à une augmentation de la demande en soin tout en maintenant les exigences nécessaires d’une médecine de qualité ».
« S’opposant aux fantasmes stakhanovistes du projet de loi santé 2022, la pétition lancée par 100 médecins généralistes en faveur d’une médecine générale de qualité a recueilli en deux semaines plus de 10 000 signatures de milliers de professionnels de santé de tous horizons et de milliers de patients », se félicite aujourd’hui le Dr Blanc. Ce dernier demande à Agnès Buzyn ministre des Solidarités et de la Santé de « prendre en compte et d’introduire (les) propositions dans ses projets » et envisage une rencontre. « C’est avec plaisir que nous lui en ferons part si elle accepte de nous recevoir », conclut-il.
Nicolas Revel futur ministre de la Santé
Sans doute le Dr Blanc ignore-t-il qu’Agnès Buzyn n’est plus véritablement ministre. Du moins si l’on en croit L’Opinion (Nathalie Segaunes) de ce 7 mars :
« C’est un match quasiment plié d’avance. A se demander pourquoi Nathalie Loiseau s’évertue encore à faire campagne. Emmanuel Macron devrait désigner Agnès Buzyn pour conduire la liste macroniste aux élections européennes, en dépit de l’énergie déployée par la ministre chargée des Affaires européennes ces dernières semaines. ‘’Il n’y a d’ailleurs pas de match, rectifie, amusé, un dirigeant du parti : c’est l’arbitre qui décidera laquelle des deux marquera les buts’’. Et la décision de ‘’l’arbitre’’ ne fait plus guère de doute. ‘’Buzyn est celle qui en a le plus envie’’, répète l’entourage du Président, en guise d’explication définitive.
Une envie très récente toutefois. Lorsqu’elle arrive au ministère des Solidarités et de la Santé, en mai 2017, cette professeure d’hématologie, issue de la crème du sérail médical, qui a accumulé les responsabilités au sein des institutions publiques (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, Commissariat à l’énergie atomique, Institut national du cancer, Haute Autorité de Santé), répète qu’elle n’est pas là pour commencer une carrière politique. »
Hasard, stakhanovisme ou fatalité c’est Nicolas Revel, un ancien de l’Elysée, qui est donné gagnant pour lui succéder.
A demain
@jynau
1 Voici le texte de cette pétition :
« Pour lutter contre la pénurie de médecins en exercice, le plan “Ma Santé 2022” envisage de financer des assistants médicaux pour les médecins généralistes qui s’engagent à recevoir 6 patients à l’heure. Soit moins de 10 minutes par consultation. Nous, médecins généralistes, refusons d’être les boucs émissaires des politiques de santé délétères mises en place depuis des années et ayant abouti à la désertification médicale.
Nous, médecins généralistes, demandons à pouvoir recevoir, écouter, informer et soigner les patients qui nous accordent leur confiance, avec le temps nécessaire pour chacune et pour chacun.
Nous médecins généralistes, refusons de sacrifier la qualité de la consultation en recevant, dans le même temps de travail, deux fois plus de patients. Pratiquer une médecine de premier recours de qualité est notre objectif. Nous savons qu’il est favorable pour la santé publique, de nombreuses études l’ont démontré.
Par cette tribune, nous tenons à faire savoir à notre Ministre et à nos concitoyens que nous refusons de brader leur santé sur l’autel de la productivité. Au-delà des grands projets imaginés sans la moindre connaissance du terrain, un certain nombre de pistes simples pourraient à très brève échéance permettre de retrouver du temps pour soigner. (…)
Nous perdons tous les jours notre temps et notre énergie dans un nombre considérables de consultations inutiles. Faîtes disparaître ces obligations absurdes. Et nous serons disponibles, dès demain, pour recevoir plus de patients … qui ont besoin de nous. Cette pétition est soutenue par 100 médecins généralistes, installés, remplaçants ou internes en médecine générale ainsi que par des patientes, des infirmières et des syndicats de médecins. Nous appelons tous.tes les professionnels.elles de santé et tous.tes les citoyens.ennes concernés.es à la signer pour soutenir l’exercice d’une médecine générale de qualité.
Lire aussi le très bon article de Vanessa Boy-Landry dans Paris Match »