Bonjour
Le temps passe bien vite dans le champ politique. « Agnès Buzyn la ministre qui veut se lâcher » titrait, le 11 février dernier, Le Journal du Dimanche. C’était alors l’envol programmé vers Strasbourg, Bruxelles, l’Union européenne. Six semaines plus tard la ministre plus attachée que jamais à ses dossiers – et défend jour et nuit devant l’Assemblée nationale un projet de loi auquel elle donnera peut-être un jour son nom : la loi « relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ».
Et voici Agnès Buzyn cible d’une tribune publiée dans Le Journal du Dimanche (24 mars).
Une tribune qui voit une nouvelle fois en quelques jours la gauche presque réunie dans l’Hémicycle : cinquante-sept députés dont André Chassaigne, Jean-Luc Mélenchon et Valérie Rabault – sans oublier François Ruffin 1. Et ces députés plus ou moins insoumis d’user de la vieille métaphore du « pied de nez » :
« « La loi santé est un pied de nez fait aux Français qui défendent leurs services publics et qui s’inquiètent face à la désertification médicale croissante. Le Parlement a examiné cette semaine le texte présenté par Agnès Buzyn en Conseil des ministres le 13 février dernier. Cette loi, qui compte 7 ordonnances pour 23 articles, prétend supprimer le numerus clausus et redéfinir la carte hospitalière française conformément au souhait du président de la République de ‘’réformer structurellement le système de santé français’’. »
Les cinq petits doigts de la main qui gigotent
Si les signataires partagent le constat (« il faut adapter notre système de santé aux évolutions de notre société ») ils sont en désaccord profond sur les choix du gouvernement en la matière. Ils estiment que face à la désertification médicale, « tout n’a pas été essayé » (ils plaident pour un « conventionnement sélectif » des médecins) et que la refonte de la carte hospitalière ne peut se faire par ordonnance.
« Nous n’avons manifestement pas la même vision de ce que doit être le service public de la santé. En effet, sur ce sujet sensible, le gouvernement compte légiférer par ordonnances et demander au Parlement un blanc-seing pour éviter le débat d’idées, la confrontation projet contre projet (…) Il s’agit de savoir quels territoires verront leurs hôpitaux déclassés, leurs maternités déménagées, leurs services d’urgences fermés, leurs plateaux techniques abandonnés. Ce sujet ne peut échapper aux représentants du peuple, et plus largement aux citoyens eux-mêmes. »
Ainsi donc, pour des députés « viscéralement attachés à nos territoires et à une certaine idée du service public » il faudrait voir dans ce projet de loi un pied de nez fait à certains Français. Où l’on en revient à la signification véritable de cette expression. Geste de moquerie, sans doute, consistant à mettre son pouce sur son nez, la main tendue vers le haut, tout en agitant les doigts. Mais aussi geste prisé par les jeunes enfants – ce qui peut donner cette lecture pédo-psychiatrique (Paule Aimard, Les bébés de l’humour):
« Ce geste de moquerie, qui a une certaine drôlerie en soi, avec les cinq petits doigts de la main qui gigotent en prolongeant l’appendice nasal, est un affront à l’autorité, affront qui n’est pas envoyé de face, ouvertement, mais souvent en douce, dans le dos. Comme tirer la langue, un geste du plus faible qui ne peut ni lutter physiquement, ni envoyer ce qu’il pense à la figure du plus fort. Il y a du David et Goliath dans le pied de nez ».
Où l’on voit, avec David et Goliath, que les signataires commettent sans doute, ici, un parfait contresens – sinon un lapsus. Il est vrai que tout passe si vite, dans les champs mêlés de la métaphore et du politique.
A demain
@jynau
1 Premiers signataires : Joël Aviragnet, député de Haute-Garonne, Pierre Dharréville, député des Bouches-du-Rhône, Caroline Fiat, députée de Meurthe-et-Moselle, responsables pour les groupes Socialistes et apparentés, Gauche démocrate et républicaine (GDR) et La France insoumise (LFI) sur le projet de loi santé ; André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme, Jean-Luc Mélenchon, député des Bouches-du-Rhône, et Valérie Rabault, députée de Tarn-et-Garonne, présidents des groupes GDR, LFI et Socialistes et apparentés.
Cosignataires : Clémentine Autain, Ericka Bareigts, Marie-Noëlle Battistel, Ugo Bernalicis, Gisèle Biémouret, Christophe Bouillon, Jean-Louis Bricout, Alain Bruneel, Marie-George Buffet, Luc Carvounas, Éric Coquerel, Alexis Corbière, Alain David, Jean-Paul Dufrègne, Laurence Dumont, Elsa Faucillon, Olivier Faure, Guillaume Garot, David Habib, Christian Hutin, Régis Juanico, Sébastien Jumel, Marietta Karamanli, Bastien Lachaud, Jérôme Lambert, Michel Larive, Jean-Paul Lecoq, Serge Letchimy, Josette Manin, Danièle Obono, Mathilde Panot, George Pau-Langevin, Stéphane Peu, Christine Pires Beaune, Dominique Potier, Loïc Prud’homme, Joaquim Pueyo, Adrien Quatennens, Jean-Hugues Ratenon, Muriel Ressiguier, Fabien Roussel, Sabine Rubin, François Ruffin, Hervé Saulignac, Bénédicte Taurine, Sylvie Tolmont, Cécile Untermaier, Hélène Vainqueur-Christophe, Boris Vallaud, Michèle Victory, Hubert Wulfranc.