Alcools et politique : quand l’Académie nationale de médecine étrille le pouvoir exécutif

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A Paris, entre Seine et Saint-Germain, la rue Bonaparte reverdit : avril, soudain, redonne des vigueurs à la vieille Académie nationale de médecine. Ainsi, aujourd’hui, ce communiqué de presse tonique, adresse en forme de manifeste – pour ne pas parler de contribution citoyenne au Grand Débat : « Alcool : l’Académie nationale de médecine appelle les pouvoirs publics à prendre des mesures plus fortes ».

 Où l’on revient sur les coupables incohérences du pouvoir exécutif français 1 face aux addictions en général, au vieux fléau de l’alcoolisme en particulier : pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, la consommation d’alcool ne baisse plus en France. « C’est une défaite majeure pour la santé publique car l’alcool en est un déterminant fondamental » résument les académiciens qui ne redoutent pas d’entrer dans l’arène :

« Des effets coronariens (et non pas cardiovasculaires) favorables de l’alcool (et non pas du seul vin) ont permis au lobby alcoolier d’instiller le doute sur les ravages de l’alcool. Ce sera plus difficile après la revue approfondie du Lancet sur les conséquences sanitaires de l’alcool.   Les analyses convergentes de l’Académie, l’OMS, l’INCA, la Cour des Comptes, la Haute Autorité de Santé, nombre d’associations et de spécialistes ont contribué à attirer l’attention de façon répétée sur la nécessité d’une action efficace contre l’alcoolisation dans un pays qui reste un des plus forts consommateurs d’alcool au monde. »

 Et les académiciens de se souvenir que nombre de modalités efficaces ont été proposées, toutes retoquées : bannir la publicité pour l’alcool suivant les principes initiaux de la loi Evin ; imposer des indications claires, lisibles et contrastées sur les contenants (de la quantité d’alcool en grammes, du nombre de calories – les boissons alcooliques en sont exemptées alors que l’alcool d’un verre apporte à lui seul environ 70 calories ; taxer les boissons alcooliques au gramme d’alcool : établir un prix minimum de vente par gramme d’alcool (comme en Ecosse).

Palais de l’Elysée

Sans oublier le célèbre « pictogramme alcool femme enceinte ou qui désire l’être ». « L’avertissement sanitaire destiné aux femmes enceintes est obligatoire sur les étiquettes des boissons alcooliques depuis 2006, rappelle la rue Bonaparte. Cependant, trop petit, difficile à trouver et à comprendre sans explications préalables, il ne remplit guère la fonction qui lui était destinée. Malgré l’enjeu de prévenir la première cause de retard mental évitable du nouveau-né et de l’enfant, les discussions pour l’agrandir et le contraster s’enlisent depuis des années face à l’opposition farouche du lobby alcoolier. »

Et les académiciens français de cibler « le lobby de l’alcool », ce lobby multiforme qui a l’oreille des politiques, puissance présente à tous les étages de la République, jusqu’au sein du Palais de l’Elysée :

« De plus, que dire de la reconnaissance de la filière viticole comme un acteur crédible de la prévention ? De la diffusion de dépliants scolaires pour les 3-6 ans sur la vigne sans parler d’alcool ni de ses effets ? De l’acharnement à favoriser la consommation de vin des femmes (So Femmes & Vin ) ? D’interventions ministérielles répétées donnant au vin un rôle particulier alors qu’il représente la moitié de l’alcool consommé ? De l’extension du fonds tabac abondé par une taxe sur le tabac à l’ensemble des addictions sans la moindre participation de la filière alcool ? De la proposition parlementaire de rétablir la consommation d’alcool dans les stades ? »

La rue Bonaparte  résume : « L’action publique est entravée par le lobby de l’alcool qui obtient régulièrement un affaiblissement des mesures existantes ». Et étrille : « malgré une analyse correcte de la situation et des mesures potentiellement efficaces, ni le Plan National de Mobilisation contre les Addictions, ni le Plan National de Santé Publique ne proposent en ce domaine les mesures à la dimension du problème ». En d’autres termes tout est en place pour que l’on en reste à 41000 décès prématurés chaque année, que 50% des élèves de 6ème expérimentent l’alcool, que 20% des élèves de terminale soient des consommateurs réguliers, et que le coût social annuel reste affiché à 120 milliards d’euros par an.

Et l’Académie de citer le député (Républicains opportunistes) Joseph Reinach : « l’alcoolisme est l’un des problèmes qui mettent aux prises contre l’intérêt général le plus grand nombre d’intérêts particuliers ». On l’a oublié : Joseph Reinach (1856-1921) était, aussi ,journaliste.

A demain

@jynau

1 « Comment faire pour parvenir à boire moins et mieux en France ? » Slate.fr 26 mars 2019

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