Bonjour
Pierre Médevielle, 59 ans est depuis cinq ans sénateur (centriste) de la Haute-Garonne. Cet ancien maire de la commune de Boulogne-sur-Gesse, vice-président du groupe d’études Chasse et pêche est également vice-président (avec le célèbre mathématicien Cédric Villani) de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Pierre Médevielle fut aussi pharmacien d’officine.
Depuis quelques heures l’homme a atteint la célébrité médiatique nationale. Tout simplement en violant l’embargo qui protégeait le rapport (rendu public le 16 mai) de l’OPECST – rapport qui traite, notamment, du célèbre glyphosate. Tout est écrit dans l’entretien que l’ancien pharmacien a accordé à La Dépêche (Lionel Laparade). Extrait :
« Dans notre rapport, nous avons relevé des points d’amélioration. [concernant le glyphosate] En Europe, l’évaluation, c’est un peu la foire d’empoigne. Si l’on veut progresser, il va falloir uniformiser les pratiques d’évaluation des dangers et du risque des substances. L’Agence européenne des produits chimiques et l’Agence européenne de sécurité alimentaire évaluent le danger des substances, or il y a une différence fondamentale entre le danger et le risque. Sur le glyphosate, on a fait des études de danger, point final. Alors certes, 117 autorisations de mises sur le marché de produits contenant du glyphosate ont été supprimées par l’ANSES. Mais c’était à une époque où la molécule était associée des co-constituants, la talowamine par exemple, extrêmement toxique en milieu aquatique.
« Je veux aussi souligner que l’on épand de moins en moins de glyphosate et que l’herbicide reste une charge pour l’agriculteur : croyez-vous qu’il peut aujourd’hui se permettre le luxe du gaspillage ? Je voudrais que l’on puisse débattre sereinement et que chacun retrouve ses esprits… Évitons d’interdire des substances avant de disposer d’éléments scientifiques. Et quand les preuves sont là, comme pour les néonicotinoïdes, agissons. C’est ce que nous avons fait avec Chantal Jouanno en réclamant leur interdiction. »
Ne pas se hâter d’interdire le glyphosate ?
« Je serai parmi les premiers à réclamer son interdiction dès que les preuves scientifiques de sa nocivité seront apportées. Or, à la question : Le glyphosate est-il cancérogène, la réponse est non ! Il est moins cancérogène que la charcuterie ou la viande rouge qui ne sont pas interdites. »
Sur quelles bases affirmer cela ?
« Sur la base d’études scientifiques ! Des études menées à l’Agence européenne de sécurité alimentaire de Parme, à Bruxelles, à l’ANSES, agence la plus performante en Europe et probablement au monde. Nous avons aussi en France un excellent système de pharmacovigilance mais que voulez-vous, nous vivons aujourd’hui dans un monde où tout est remis en cause, sans preuve, où un lanceur d’alerte peut, sur de simples allégations, jeter le discrédit sur toute la communauté scientifique…
« Nous prenons nos responsabilités. Ce rapport, nous le rendons à quatre parlementaires, sous l’égide de l’OPECST dont les membres sont tous des scientifiques. Je ne vois aucune raison pour laquelle nous prendrions notre part de l’hystérie collective suscitée par une molécule dont on affirme qu’elle est cancérogène alors qu’en réalité, elle ne l’est pas. Ou alors on devient tous fous… »
Colossale énormité
Comme prévu ces propos ont déclenché une vive polémique 1. « Pour le sénateur il n’existerait aucune étude scientifique montrant que le glyphosate est cancérogène ! C’est faire fi de la revue complète réalisée par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) en 2015. C’est faire également fi des études commanditées par l’industrie elle-même et qui montrent aussi le potentiel cancérogène du glyphosate, soutient Générations Futures. Le sénateur nous ressort le vieil argument utilisé par l’industrie selon lequel le glyphosate serait moins cancérogène que la viande. Totalement à côté de la plaque cet argument fait allusion au classement cancérogène de la viande rouge par le CIRC. Il vise à brouiller les cartes. » François Veillerette, le co-fondateur et porte-parole de l’ONG Générations Futures, interrogé sur France Info, a dénoncé une « contre-vérité, d’une énormité colossale au niveau scientifique ».
Propagande
José Bové a immédiatement dénoncé une « propagande »: « Cela fait partie des éléments de langage sortis régulièrement pour essayer de discréditer tous les rapports scientifiques. Ce n’est pas la première fois que cet office du Parlement défend des positions qui vont à l’encontre des faits scientifiques avérés » .
Quant au mathématicien macronien Cédric Villani, interrogé sur France Info, il s’est dit désolé de tels propos : « Je regrette que le sénateur Médevielle, en s’exprimant prématurément et sous une forme qui ne reflète pas le rapport, ait contribué à ajouter de l’huile sur le feu ».
Où l’on voit que manier la science la plus dure n’interdit pas d’user des vieilles métaphores. Et qu’il est toujours aussi compliqué de séparer le gentil bon grain écologique de la méchante ivraie politique.
A demain
@jynau
1 Gérard Longuet, président et Cédric Villani, premier vice-président ont apporté les précisions suivantes dans l’après-midi du 13 mai: « (….) Contrairement à ce qui a pu être indiqué, le rapport de l’OPECST ne se prononce pas sur la toxicité à long terme du glyphosate, qui doit être réexaminée par plusieurs agences d’évaluation européennes dans le cadre du processus de ré-autorisation du glyphosate à l’horizon 2022. Si la question du glyphosate est abordée dans le rapport, c’est pour mettre en perspective les différences d’appréciations entre le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et les agences d’évaluation, notamment l’EFSA, afin d’éclairer le public sur le contenu et la portée de ces divergences apparentes entre experts, mais pas de rouvrir le débat sur l’interdiction du glyphosate, qui a été tranché par le Gouvernement.
Les données scientifiques actuelles ne montrent globalement aucun lien clair entre l exposition au glyphosate et le risque de cancer chez l homme. Ces donnés sont à l origine de la position officielle des agences de régulations sanitaires européennes (notamment l ANSES pour la France) et américaines, à l exception du CIRC dont le rapport date de 2015 et qui ne prend pas en compte les études les plus récentes (notamment les résultats négatifs de la grande étude de cohorte menée aux USA et publiées dans JNCI en 2018). Difficile de comprendre le sens de cet article ou les commentaires d’ONG partisanes servent de support à une pseudo vérité sur le glyphosate. La « colossale énormité » est de parler scientifique SANS les scientifiques en noyant la réalité dans des considérations politiques finalement sans intérêt. On a connu des billets plus pertinents!
PY S, Directeur de Recherche Émérite a l Inserm
Merci Scarabin!
Qu’on interdise le glyphosate pour des raisons politiques, OK. Qu’on nie les données scientifiques, ça m’ulcère. Surtout de la part de médecins!