Bonjour
C’est une étrange veillée d’armes. Ainsi donc un médecin vient d’annoncer, par courrier, à des parents que la mort de leur fils était programmée « dans la semaine du 20 mai ». Le Dr Vincent Sanchez (CHU du Reims) est certes dans son droit.Il est aussi soutenu par ceux qui, ouvertement ou pas, militent pour une forme ou une autre en faveur du « droit de mourir dans la dignité ».
« Non sans courage, le Dr Vincent Sanchez et son équipe ont décidé d’assumer leurs responsabilités, peut-on lire aujourd’hui dans Libération (Eric Favereau). Car Vincent Lambert est nourri et hydraté artificiellement, ce qui relève d’un traitement. Et selon la loi, quand le patient n’est plus en état de prendre une décision, c’est au médecin, après une procédure collégiale, qui peut décider de l’arrêt des traitements. »
On peut voir là un glissement militant de la situation. Pourquoi qualifier d’ « artificielles » la nutrition et l’hydratation d’un patient qui a conservé son réflexe de déglutition ? Pourquoi sinon pour qualifier de « traitement » ce qui relève de l’ordre des soins ? Et ensuite pour justifier une décision collégiale qui s’inscrit dans le cadre de l’acharnement thérapeutique et d’une obstination qui a franchi les frontières de la raison ?
C’est précisément ce glissement sémantique qui avait constitué le fondement de la première décision du Conseil d’Etat dans cette affaire 1. Puis qui justifie aujourd’hui la réponse d’Agnès Buzyn au Comité international de protection des droits des personnes handicapées de l’ONU. Ce dernier vient de demander à la France de suspendre toute décision mortelle concernant Vincent Lambert, dans l’attente d’une instruction sur le fond. Et la ministre des Solidarités et de la Santé de déclarer que cette demande n’était en rien contraignante.
« Cette prise de position a été importante, estime Libération. Certes, la ministre de la Santé ne peut intervenir dans la liberté du choix d’une décision médicale, mais le fait qu’elle donne implicitement son feu vert change la donne. D’autant qu’au cours de cette longue histoire, la direction du CHU de Reims s’est montrée à plusieurs reprises réticente quant à un arrêt des soins, voire peu soutenante vis-à-vis de l’équipe. Ce n’est plus le cas. »
Où l’on voit que des paroles ministérielles pourraient bien, in fine, peser sur la mise en œuvre d’une décision médicale terminale. Troublante veillée d’armes.
A demain
@jynau
1 Sur ce thème : « Nourrir un malade en état végétatif est désormais un «traitement»: il pourra être ‘’arrêté’’» Slate.fr, 17 février 2014
Vincent Lambert a inspiré la loi Fin de vie de 2016
et pourrait enfin avoir le droit d’en bénéficier
Toute personne peut bénéficier de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (Loi Claeys-Leonetti). Toute personne sauf, jusqu’à présent, celle dont la situation a largement inspiré cette loi : Vincent Lambert.
Toute personne peut refuser l’acharnement thérapeutique, sauf une seule jusqu’à maintenant : Vincent Lambert, pour plusieurs raisons :
– Vincent Lambert n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté,
– il n’avait pas rédigé de directives anticipées même s’il en avait parlé avec son épouse,
– il n’est pas en fie de vie,
– il est la victime d’un conflit familial.
Vincent Lambert est un homme dont l’histoire a été réduite à une affaire qui porte son nom. Il faudra se souvenir de lui, se souvenir du courage admirable de sa femme présente à son chevet tous les jours pendant des années, penser aussi à leur fille qui n’avait que deux mois en 2008 quand son père a eu un accident de voiture, et qu’il faut protéger des disputes des adultes.
La loi du 2 février 2016 a créé de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie : pour tous ceux aussi qui ne voudraient jamais se retrouver dans la situation de Vincent Lambert dont le corps inerte sert d’étendard à la croisade de ses parents et des mouvements intégristes.
Depuis son vote, la loi du 2 février 2016 est menacée par ceux qui pensent que cette loi ne va pas assez loin et demandent la légalisation de l’euthanasie, et à l’opposé, par ceux qui pensent que cette loi va trop loin en permettant la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès.
Pourtant, il n’y a aucune ambiguïté et aucune hypocrisie : une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD) n’est pas une euthanasie.
La Haute Autorité de Santé (HAS) a mis les points sur les « i » en publiant un tableau facile à lire et à comprendre sur les différences entre la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD) et l’euthanasie :
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2018-03/difference_entre_sedation_et_euthanasie_web.pdf
La Haute Autorité de Santé – présidée par Agnès Buzyn avant qu’elle devienne ministre de la Santé – a élaboré un guide du parcours de soins Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ?, qui constitue ses recommandations de bonnes pratiques pour la mise œuvre d’une SPCMD :
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2832000/fr/comment-mettre-en-oeuvre-une-sedation-profonde-et-continue-maintenue-jusqu-au-deces
La HAS a également réalisé un dossier de presse Fin de vie : en parler, la préparer et l’accompagner :
https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2834548/fr/fin-de-vie-en-parler-la-preparer-et-l-accompagner?xtmc=&xtcr=5
Après des années de procédures, d’expertises médicales, qui ont toutes abouti aux mêmes conclusions sur l’état végétatif irréversible du patient, le Dr Vincent Sanchez, médecin-chef du service Soins palliatifs et de l’unité Cérébrolésés du CHU de Reims, a prévenu par courrier la famille : « Je vous informe que l’arrêt des traitements et la sédation profonde et continue évoquée lors de la procédure collégiale seront initiés au cours de la semaine du 20 mai ».
Les parents de Vincent Lambert et les mouvements qui les soutiennent ont donc une dizaine de jours pour réagir. Ayant épuisé tous les recours juridiques possibles – puisque l’avis du Comité international des droits des personnes handicapées (CIDPH) de l’ONU est consultatif mais pas suspensif – les réactions des parents de Vincent Lambert et des associations qui les soutiennent risquent d’être vives.
La fausse « attaque » de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière passera pour une aimable plaisanterie à côté des manifestations qui pourraient avoir lieu sous les fenêtres du service de soins palliatifs. Il ne manquerait plus que la police disperse par la force des manifestants en prière et noient le CHU de Reims sous un nuage de gaz lacrymogène pour que le tableau soit complet et fasse la une des JT.
En reprenant l’expression largement employée lors de la fausse « attaque » de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière – « On n’ose pas imaginer ce qu’il se serait passé si les manifestants avaient pu s’introduire dans le bâtiment… » –, il faut au contraire imaginer tous les scénarios, du plus probable au pire :
– réunions de prière au pied du bâtiment réunissant des centaines de personnes ;
– tentative d’intrusion dans le service pour enlever le patient ;
– menaces verbales ou physiques contre le personnel hospitalier.
Dans cette douloureuse affaire, il faut tout imaginer : le CHU de Reims doit s’attendre à des troubles et se préparer à y faire face :
– Garantir la sécurité du personnel médical et soignant du service de soins palliatifs, mais aussi de tous les professionnels de santé qui seraient menacés.
– Créer de suite une nouvelle ligne téléphonique pour le secrétariat du service des Soins palliatifs : l’actuel numéro de téléphone, visible sur le site internet du CHU, risque d’être saturé d’appels malveillants, menaçants. Il faut que le service des soins palliatifs puisse continuer à fonctionner, qu’il reste joignable par les médecins extérieurs, les proches des autres patients hospitalisés en soins palliatifs. Il est possible aussi de transformer en boîte vocale l’actuelle ligne téléphonique du secrétariat du service, avec un message renvoyant vers un numéro vert.
– Activer le numéro vert (prévu en cas de situation de crise, de plan blanc) avec un message d’attente indiquant que tout appel malveillant, menaçant, sera systématiquement signalé à la police pour identifier son auteur et le poursuivre en justice.
– Réunir une équipe de professionnels de santé, de cadres de santé, de cadres de direction, qui répondront 24 h/24 aux personnes appelant ce numéro vert.
– Préparer les réponses aux questions légitimes qui seront sans doute posées, du genre : « le patient va-t-il mourir de faim ? », « Va-t-il mourir de soif », « Va-t-il souffrir ? ». Le mouvement des soins palliatifs, notamment la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), apporte depuis longtemps des réponses à toutes ces questions. Les professionnels de santé des unités de soins palliatifs (USP) ou des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) savent répondre à ces questions. Leurs réponses ne reposent pas sur des postures idéologiques mais sur leurs connaissances médicales et la pratique quotidienne des soins palliatifs.
– Remettre aux médias un dossier de presse pour expliquer ce qu’est la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD) à ne pas confondre avec l’euthanasie. Joindre le guide du parcours de soins Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? élaboré par la Haute Autorité de Santé.
– En l’absence de modération, demander aux journaux de fermer aux commentaires les articles qui relatent l’affaire sur leurs sites internet pour éviter un tombereau d’insultes et de menaces.
Toutes ces mesures de précaution doivent-elles reposer seulement sur le CHU de Reims ? Le ministère de la Santé doit prendre ses responsabilités et assurer sa mission d’information dans les jours à venir.
Les médias peuvent participer à l’information, non pas en donnant la parole aux groupes de pression qui instrumentalisent l’affaire, mais aux professionnels de santé des soins palliatifs.
Marc PEREZ
H.doc Documents hospitaliers Droits et information du patient
http://www.hdoc.fr
Rien d’étonnant dans les réactions tant de Me Buzyn que de Mr Leonetti. (initiés?)
Ont ils encore en mémoire le serment d Hippocrate qu ils ont pourtant surement preté au 20 eme siecle??.En tout etat de cause ces deux là (pourtant issus de partis politiques differents) vont avec cette tragedie, donner un joli coup de main au lobby euthanasique (TOURAINE,FALORNI,ROMERO) qui pourra faire passer leur loi comme une lettre à la poste.
France patrie de DROITS DE L HOMME…(bien portant).
Tant d’obscurantisme dans votre commentaire. C’est affligeant.
Vivement que la France adopte le modèle de la Hollande en matière d’euthanasie.