Bonjour
Précaution : ces sont des chiffres bruts qui pourront émouvoir. Nous sommes ici en marge des convictions/passions véganes et antispécistes : les résultats de l’enquête statistique du ministère français de la recherche sur les animaux utilisés par la recherche en 2017 1. Un travail repris par « Recherche animale ». Pourquoi de tels chiffres sont-ils rendus publics ? Parce qu’une directive européenne (2010/63/UE) impose aux Etats membres de collecter et publier chaque année des informations statistiques sur l’utilisation d’animaux (vertébrés et céphalopodes) dans des procédures expérimentales.
« L’enquête nationale française, conduite et publiée par le département des pratiques de recherche réglementées de la direction générale de la recherche et de l’innovation, repose sur les données collectées annuellement auprès des établissements utilisateurs d’animaux à des fins scientifiques en conformité avec l’article R. 214-121 du code rural et en respectant les indications de la Commission européenne. Le document vise à communiquer au public une analyse des données collectées au titre de l’année 2017. »
Le nombre total d’animaux utilisés a été de 1,9 millions. Les rongeurs, poissons et lapin représentent 93% du total. Les animaux de ferme environ 5%, les chiens et chats moins de 0,3% et les primates (macaques essentiellement) moins de 0,2%. Aucun grand singe n’est utilisé 2. Les animaux sont principalement utilisés pour la recherche fondamentale (38%), la recherche appliquée (25%) et la mise au point ou le contrôle des médicaments humains ou vétérinaires (30%).
Soixante-dix-huit pour cent des animaux sont utilisés dans des procédures « légères ou modérées », 5% dans des « procédures sans réveil » et 17% dans des « procédures sévères » ; comprendre par exemple certaines interventions chirurgicales ou modèles de cancers ou de maladies infectieuses.
« Les animaux sont essentiellement nés dans l’Union européenne 92%). Les animaux nés dans l’UE mais hors élevage agréé sont issus soit d’établissements utilisateurs, soit d’établissements fournisseurs occasionnels (pour les animaux d’intérêt agronomique par exemple), soit de la faune sauvage (activités de recherche sur le terrain, par exemple le test d’un vaccin contre la brucellose chez le bouquetin), en conformité avec les article 9 et 10 de la directive 2010/63/UE. Les animaux nés hors UE représentent 5,4% des utilisations, comme par exemple des lignées de souris transgéniques en provenance de grands éleveurs américains. »
Laboratoires versus abattoirs
L’objet d’étude le plus fréquent est la recherche fondamentale (38%). Viennent ensuite la mise au point, la production ou les essais de qualité et d’innocuité de médicaments ou d’aliments ( 30%), puis les recherches appliquées (25%)
Les deux tiers des chats (581 sur 867) sont utilisés « pour la validation de médicaments ou vaccins vétérinaires ». Aucun chat n’a été soumis à une procédure « de type sévère ». Et soixante-et-un pour cent des poissons et 30% des rongeurs sont génétiquement modifiés.
« Les macaques Cynomolgus sont les primates non humains les plus utilisés (87,5%). Les autres primates représentent 12,5%. Aucun grand singe (chimpanzé, bonobo, orang-outang…) n’est inclus dans des procédures expérimentales. Tous les primates impliqués dans des procédures expérimentales sont nés en captivité (animaux d’élevage). Ils sont majoritairement de deuxième génération ou de génération ultérieure (F2 ou plus, 34,3%). Suivent les primates de première génération (F1, 23,6%) et ceux qui proviennent d’élevages autonomes (3,5%). Ces chiffres n’intègrent pas les primates réutilisés, dont l’origine et donc la génération ne sont pas renseignées. »
« Dans des conditions strictement encadrées (art. R. 214-113 du code rural), un animal précédemment impliqué dans une procédure expérimentale de classe légère ou modérée peut être ré-impliqué dans une nouvelle procédure. Le tableau présente les espèces classées par pourcentage décroissant de réutilisation. Cette réutilisation réglementaire permet de réduire le nombre d’individus engagés dans des procédures expérimentales. La catégorie la plus fréquemment réutilisée est celle des reptiles (principalement le lézard vivipare, 99,5%). Viennent ensuite les chevaux et autres équidés (64,2%), chats (63,6%), chèvres (62,8%) et moutons (51,2%). Les primates sont fréquemment réutilisés : babouins (65,6%), singes rhésus (63,3%), marmousets (41,5%) et macaques (38,9%). Les animaux des espèces les plus couramment impliquées en recherche (souris, poissons, rats…) sont rarement réutilisés, ce qui est à rapprocher de leur durée de vie plus courte. »
Le site « Recherche animale » rappelle, à titre de comparaison, qu’en marge des laboratoires ce sont, chaque année en France, « plus d’un milliard d’animaux qui sont tués dans les abattoirs ».
A demain
@jynau
1 Les données statistiques des années précédentes sont disponibles sur le site du ministère français de la recherche
2 Sur ce thème, « Pour expérimenter, est-il plus humain de faire se reproduire des singes en captivité ? » Slate.fr, 2 novembre 2018
Merci pour le lien vers les données factuelles. Effectivement, ça fait beaucoup et on est loin des excès antispéciste.
Au delà de ces chiffres, j’aimerais particulièrement savoir si on est capable d’évaluer intelligemment, avec des métriques, l’apport de la souffrance de ces animaux à la recherche. Je n’arrive toujours pas à me faire opinion sur la moralité de ces pratiques.
Toutefois, je suis très curieux du fait qu’on utilise aucun grand singe. Il me semble, au contraire, que si on veut étudier les phénomènes psychiatriques, par exemple, les grands singes me semblent plus adapter que les lapins…
Toutes les espèces de grand singes (Hominidés hors humain) sont menacées Liste rouge UICN
2 (Bonobo et Chimpanzé) sont en danger (EN) = risque très élevé d’extinction à l’état sauvage= au moins « Réduction des effectifs ≥ 50 % »
Gorilles et Orang-outans sont tous en danger critique d’extinction (CR)= « risque extrêmement élevé d’extinction à l’état sauvage ».
Autre raison avancée par Jean-Yves Nau: Le NIH a arrêté l’expérimentation sur Chimpanzé parce qu’un chimpanzé survivait devenait à la charge du NIH dans une réserve. Et qu’un chimpanzé vit 50ans, à comparer aux 2ans d’un rat de labo…
Pour moi, les risques d’extinction à l’état sauvage et la possibilité de très occasionnellement faire de la recherche avec des grands singes sont deux problèmes, en soi, distincts. Alors, bien sûr, ce n’est pas parce que ces deux problèmes me paraissent distincts qu’il faut se permettre de faire n’importe quoi non plus…
« Le NIH a arrêté l’expérimentation sur Chimpanzé parce qu’un chimpanzé survivait devenait à la charge du NIH dans une réserve. Et qu’un chimpanzé vit 50ans, à comparer aux 2ans d’un rat de labo… »
Oui. Effectivement, c’est un problème. Même s’il me paraît que si on veut étudier l’effet de certains médicaments que certains patients sont censés prendre à vie, on pourrait quand même faire une ou deux exceptions pour tester les médicaments les plus problématiques sur des grands singes le long de leur existence. Ca coute un peu cher, OK, mais rien comparé aux potentielles incertitudes et risques induits sur des patients.