Bonjour
Huit pages. C’est le document-clef : celui qui a constitué le dernier et retentissant « coup de théâtre » 1 d’une affaire qui n’en manque pas. Un document d’ores et déjà scruté, décrypté, analysé au sein de la galaxie des juristes spécialisés. Une décision qui, pour certains, est le symptôme « d’une guerre des juges judiciaires et administratifs ». « Derrière cette divergence entre juges judiciaires et administratifs émerge un conflit entre normes supranationales, entre la Cour européenne et les Nations unies et leurs différents comités » résume Le Monde. (Jean-Baptiste Jacquin et François Béguin).
Pour résumer, d’un côté le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative française suivie (non sans divergences internes) par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). De l’autre le Comité international des droits des personnes handicapées (CIPDH) des Nations unies.
Et puis, aujourd’hui, la Cour d’appel de Paris saisie par les parents, un frère et une sœur de Vincent Lambert. Et la décision que l’on sait – qui conduit à l’arrêt du processus enclenché le même jour au CHU de Reims et qui conuduisait à la mort du malade. Sur quoi se fonde-t-elle ? Comment celle-ci est-elle rédigée ?
« REPUBLIQUE FRANCAISE ? délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 1 – Chambre 3 ARRET DU 20 MAI 2019 (n°239, 8 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08858 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B72GT Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS CEDEX 17 – RG n° 19/54111 »
« L’affaire a été débattue le 20 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente Mme Sophie GRALL, Conseillère. Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU »
La Cour d’appel souligne que la France a ratifié la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées – CIDPH – et son protocole facultatif, lequel dispose en son article 4 :
“ Après réception d’une communication et avant de prendre une décision sur le fond, le Comité peut à tout moment soumettre à l’urgente attention de l’Etat Partie intéressé une demande tendant à ce qu’il prenne les mesures conservatoires nécessaires pour éviter qu’un dommage irréparable ne soit causé aux victimes de la violation présumée. Le comité ne préjuge pas de sa décision sur la recevabilité ou le fond de la communication du simple fait qu’il exerce la faculté que lui donne le paragraphe 1 du présent article”.
Et la Cour reprend le fil des événements :
« Le 24 avril 2019, M.
Pierre Lambert, Mme Viviane Lambert, M. David Philippon et Mme Anne Lambert
épouse Tuarze ont saisi le CIDPH afin de, dénonçant les manquements de l’Etat
français à l’obligation de soins pesant sur lui au regard des obligations
prévues à la Convention, obtenir qu’il se munisse d’un dispositif de nature à
empêcher de faire mourir une personne handicapée et incapable de faire part de
sa volonté par elle-même, lorsque la seule justification médicale tient à son
handicap cérébral sans comorbidités.
« Le 3 mai 2019, le CIDPH a, faisant application de l’article 4 du Protocole facultatif et 64 de son règlement intérieur, demandé à l’Etat partie de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’alimentation et l’hydratation entérales de M. Vincent Lambert ne soient pas suspendues pendant le traitement de son dossier par le Comité. »
Puis, le 17 mai 2019, le CIDPH a rappelé à l’Etat de prendre les mesures nécessaires à ce que l’alimentation et l’hydratation entérales de M. Lambert ne soient pas suspendue pendant le traitement de son dossier. Or l’Etat français a reconnu que le Comité des droits des personnes handicapées a compétence pour recevoir et examiner les communications présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction, qui prétendent être victimes d’une violation par cet Etat des dispositions de la Convention.
« Il en résulte qu’en l’espèce, en se dispensant d’exécuter les mesures provisoires demandées par le Comité, l’Etat français a pris une décision insusceptible de se rattacher à ses prérogatives puisqu’elle porte atteinte à l’exercice d’un droit dont la privation a des conséquences irréversibles en ce qu’elle attrait au droit à la vie, consacré par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui constitue un attribut inaliénable de la personne humaine et forme la valeur suprême dans l’échelle des droits de l’homme, et donc dans celle des libertés individuelles.
« En l’état de cette violation d’une liberté individuelle, le juge des référés a le pouvoir de contraindre l’Etat français à exécuter les mesures provisoires préconisées par le Comité le 3 mai 2019. La décision entreprise sera dès lors infirmée. Le préjudice résultant nécessairement de l’existence d’une voie de fait sera réparé par l’allocation d’un euro symbolique. »
Où l’on voit un juge des référés contraindre l’Etat français à prendre une mesure préconisée par un comité de l’ONU. Et ce alors même que le gouvernement avait, d’emblée, déclaré par la voix de la ministre des Solidarités et de la Santé, que cette mesure n’était en rien contraignante.
A demain
@jynau
1 « Dans l’affaire Vincent Lambert, la bonne réponse n’existe pas. Le dernier rebondissement de ce dossier médico-légal sans précédent impose un constat: la justice ne parviendra pas à parler d’une seule voix et la médecine restera dans l’impasse. » Slate.fr 22 mai 2019
Et heu…. vous comprenez ce qu’écrit ce juge ? Sans parler des fautes de français…