Bonjour
Aucun hasard mais des signes convergents, en marge de l’affaire Vincent Lambert et du regain d’intérêt pour les « directives anticipées ». A commencer par cette interrogation officiellement soulevée au Québec : élargir ou pas le suicide médicalement assisté aux personnes devenues « inaptes » à le demander. Ou cette question ouvertement posée au Benelux : interdire ou pas les traitement au-delà de la barrière des 85 ans ? Et aujourd’hui le quotidien catholique français La Croix (Pierre Bienvault) qui s’interroge : « Faut-il soigner les patients très âgés comme les autres ? » Où l’on pressent que la réponse est (presque) inscrite dans la forme donne à la question.
Un débat d’actualité, nous dit La Croix : « Face à l’arrivée de traitements au prix parfois astronomique, notamment dans le domaine du cancer, certains médecins se demandent s’ils vont pouvoir continuer à soigner tout le monde de la même manière. ‘’Pour l’instant, il n’existe pas de consignes pour éviter de traiter des patients très âgés uniquement pour des raisons de coût. Mais j’ai le sentiment que le débat devient de plus en plus âpre dans les hôpitaux’’, souligne le Dr Véronique Lefebvre des Noettes, gériatre et psychiatre à l’hôpital Émile-Roux de Limeil-Brévannes (Val-de-Marne).
Mais La Croix donne aussi à voir la complexité du sujet. Comme en donnant la parole à Jean-Pierre Droz, professeur émérite d’oncologie à l’université de Lyon : « Il y a une vingtaine d’années, on traitait peu le cancer à partir d’un certain âge. Pas mal de gens, y compris des médecins, estimaient que cela ne valait pas la peine d’infliger des traitements parfois lourds à ces patients. Mais, aujourd’hui, on a conscience qu’une personne de 80 ans, en bon état général, peut très bien espérer vivre dix ou quinze ans de plus si on soigne son cancer. » Pour le Pr Droz, l’âge en soi ne peut en aucun cas être un critère pour décider d’un traitement.
Tarifer à l’activité
Au cœur du débat : «la « qualité de vie ». Dr Véronique Lefebvre des Noettes : « Il faut toujours se demander si tel traitement va améliorer ou détériorer la qualité des dernières années de vie qui restent à la personne. » Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est la qualité au regard du coût pour la collectivité. Toujours dans La Croix la Pr Anne-Laure Boch neurochirurgienne à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière récuse l’idée que des impératifs économiques conduiraient à ne plus soigner les patients âgés. « C’est presque l’inverse aujourd’hui avec la tarification à l’activité. Avec ce système de financement, les hôpitaux sont au contraire poussés à faire le plus d’actes possible, y compris chez des gens âgés ».
De ce point de vue le cas de l’insuffisance rénale est riche d’enseignement. Yvanie Caillé, fondatrice de l’association de patients Renaloo : « La dialyse est une activité très rentable car très bien remboursée. En France, plus d’un patient sur 10 qui démarre la dialyse a plus de 85 ans. Pour certains d’entre eux, qui vont décéder en quelques semaines ou quelques mois, on peut se demander si ce choix est toujours dans leur intérêt, d’autant qu’il existe des traitements palliatifs conservateurs qui leur permettraient de vivre aussi longtemps mais dans de meilleures conditions ».
Soigner sans surmédicaliser. Soigner sans abandonner à la fatalité. « Qualité de vie » de la personne âgée, revendication montante d’un droit à mourir dans la dignité, augmentation croissante de la proportion des personnes vieillissantes, chacun pressent qu’il s’agit ici d’un sujet politique et médical majeur. Un sujet qui n’est jamais abordé dans sa globalité par l’exécutif français 1. Au risque de voir apparaître, demain, la même funeste question que celle aujourd’hui soulevée au Québec.
A demain
@jynau
1 Sur ce thème, on peut se reporter au Comité national d’éthique et à son avis de mai 2018 sur les enjeux éthiques du vieillissement.