Bonjour
Jeudi 6 juin. Toujours les cérémonies du D-Day et, en écho venu de l’Est, l’épilogue « d’une affaire sans précédent dans l’Allemagne de l’après-seconde guerre mondiale ». La justice allemande a reconnu coupable un infirmier accusé de quatre-vingt cinq meurtres. « L’un des pires tueurs en série de l’histoire récente » résume l’AFP.
Niels Högel, ancien infirmier, 42 ans. Reconnu coupable d’avoir tué ses victimes âgées de 34 à 96 ans par injection médicamenteuse dans les hôpitaux où il a travaillé entre 2000 et 2005. Injections d’ajmaline, sotalol, lidocaïne, amiodarone ou chlorure de calcium. « Ses crimes dépassent l’entendement et toutes les limites connues », a déclaré le président du tribunal d’Oldenbourg. Peine de détention à perpétuité assortie d’une période de sûreté « qui rendra très difficile toute perspective de libération même au-delà de quinze ans de prison » (sic).
« Il y a tellement de victimes que l’esprit humain capitule devant le nombre des crimes, a ajouté le magistrat allemand. Ce que vous avez commis est incompréhensible, c’est tout simplement trop. » Est-ce dire que moins eût été compréhensible ? La police le suspecte d’avoir tué en réalité jusqu’à deux cents personnes, dans des affaires qui ne pourront toutefois plus être éclaircies, notamment car les corps d’un grand nombre de corps de victimes potentielles ont été incinérés.
Cet ancien infirmier (par ailleurs fils d’infirmier) avait déjà été condamné à la sentence la plus lourde en 2015 pour plusieurs meurtres. « Je veux sincèrement m’excuser auprès de chacun pour tout le mal que je vous ai fait pendant toutes ces années », vient-il de déclarer à l’adresse des proches de quelques unes de ses victimes. Il a dit désormais être « jour et nuit » poursuivi par la « honte » et « les remords ».
Pourquoi ? « Par désir maladif de briller, dépendant aux analgésiques, il provoquait des arrêts cardiaques chez ses patients choisis arbitrairement et tentait de les réanimer, le plus souvent sans succès, érsume l’AFP. Après avoir admis globalement les faits, Niels Högel a reconnu au cas par cas être l’auteur de quarante-trois meurtres, et nié cinq autres. Pour les cinquante-deux restants, il ne se souvient plus avoir ou non ‘’manipulé’’ – le terme qu’il emploie pour décrire ses meurtres. ‘’Après le cinquantième, j’ai arrêté de compter’’, avait-il un jour déclaré. »
« Niels Högel souffre d’un trouble narcissique sévère 1 a déclaré durant l’audience le Dr Max Steller, psychiatre. Il est toujours fondamentalement prêt à mentir si cela lui permet de se mettre en valeur ». L’ampleur de l’affaire, dont la justice a tardé à s’occuper, a soulevé surtout la question de la responsabilité des établissements hospitaliers allemands, qui n’ont pas réagi malgré la surmortalité constatée lorsqu’il était de service. Désir maladif de briller, dépendance aux analgésiques.
A demain @jynau
1 « Quel Narcisse êtes-vous ? Hanouna et Macron, certes, mais les personnalités qui ne vivent qu’à travers le regard d’autrui sont de plus en plus nombreuses » Slate.fr 13 mai 2019
Narcissique titrez-vous ?
Certes, c’est possible. Mais surtout pervers. Les gens qui trouvent leur jouissance uniquement quand ils font souffrir les autres, c’est une réalité clinique. Dans une perspective où nous sommes tous bons, sauf quand la société nous a fait dérouiller, personne n’ose plus parler ouvertement de la perversité, mode de fonctionnement inguérissable.
Que les métiers de la santé soient un aimant pour les pervers, narcissiques ou non, est une évidence.
´Les gens qui trouvent leur jouissance uniquement quand ils font souffrir les autres, c’est une réalité clinique.´
Parler de « narcissisme » ou de « perversite » me semble complètement inapproprié. Quelque part, c’est tenter de faire rentrer tous les comportements humains dans un prisme psychodynamique qui n’a pas fait ses preuves du point de vue de la démarche rationnelle.
Ce cas est beaucoup plus proche du concept du pompier pyromane. Paradoxalement, il n’y a pas la volonté de faire souffrir chez un pompier pyromane. Et un « narcissiste » n’est pas nécessairement une personne qui a besoin de l’attention d’autrui pour se valoriser. Un vrai « narcissiste » se suffit à lui même.
Ce type d’interpretation psychologique obscurcit la réalité de ce type d’acte en nous rassurant nous-mêmes que nous ne sommes pas des « narcissistes » ou des « pervers ». Et à force de ne vouloir voir que ce qu’on veut voir chez autrui, on passe à côté des signes réels qui nous permettraient de detecter ces abus ou crimes.
Nous sommes collectivement coupables de ce type de situations.