Bonjour
Son nom peine à imprimer : le Dr Frédéric Péchier. Aussi les médias parlent-ils de « l’anesthésiste bisontin ». L’affaire est simplement inimaginable. Aussi cherche-t-on des points d’ancrage. Et, quand ils se souviennent, les médias évoquent « l’affaire Mériel » (CHU de Poitiers, 1984, un mort).
La cour d’appel de Besançon a, le 12 juin, maintenu le Dr Frédéric Péchier, soupçonné de vingt-quatre empoisonnements dont neuf mortels, en liberté sous contrôle judiciaire. L’information a été donnée par les avocats de la défense et ceux des parties civiles. À l’issue de quatre heures de débats et d’une heure de délibéré les magistrats bisontin ont (à nouveau) laissé le médecin anesthésiste libre – comme il l’est depuis sa première mise en examen, prononcée en mars 2017, pour sept premiers cas d’empoisonnement.
Me Jean-Yves Le Borgne, l’un des avocats du médecin : « La chambre de l’instruction a purement et simplement confirmé la décision qui avait été prise au mois de mai par le juge des libertés et de la détention. C’était ce que nous sollicitions, c’était ce que nous espérions, c’était dans notre esprit ce que l’équité mais aussi le droit et la procédure pénale française commandaient. Nous vous le disons avec force, le Dr Péchier est présumé innocent (…), c’est un dossier en l’état sans preuves, il y a encore beaucoup d’actes d’investigation à accomplir ».
La démesure de l’ego
C’est peu dire que les parties civiles ont mal compris la décision des magistrats bisontins. Les chaînes télévisées ont amplement relayé leurs réactions. A ce stade l’affaire est d’un peu banale complexité, comme en témoigne un remarquable dossier du Parisien (Louise Colcombet) : « Anesthésiste de Besançon : révélations sur le mobile présumé du docteur Péchier En plus d’un ‘’ego démesuré’’, les enquêteurs soupçonnent le docteur Péchier d’avoir empoisonné des patients pour se venger de ses confrères. Le mobile est selon eux pluriel. Narcissisme confinant à la mégalomanie ou volonté de régler ses comptes par patients interposés ? (…) ».
Où l’on en revient à cette fascination que peut exercer le « fait divers ». Un sujet traité dans Libération ( Frédérique Roussel) : « Ecrire un fait divers est un défi lancé au réel » – un remarquable entretien avec Frédérique Toudoire-Surlapierre (« Le fait divers et ses fictions » Minuit, 192 pp., 18 €).
« Le fait divers n’existe que par les médias. Si un crime a lieu mais qu’il n’est pas signalé dans le journal, ce n’est pas un fait divers. Donc sa première expression est médiatique ; elle se caractérise souvent par la concision, la surprise, elle est un surgissement de l’extraordinaire dans une vie ordinaire. En revanche, le fait divers littéraire est tout autre puisque l’écrivain développe l’intrigue, il donne aussi des éléments de biographie des protagonistes, il rend compte de la complexité, voire de l’ambivalence des faits. C’est le cas de Truman Capote avec De sang-froid, Philippe Jaenada avec La Serpe, Lola Lafon avec Mercy, Mary, Patty, Emmanuel Carrère avec L’Adversaire à sa façon. »
Quel écrivain, s’emparera, demain, de l’affaire de l’anesthésiste bisontin ?
A demain @jynau
Dommage que Maître Eolas ait laissé tomber son blog, il pourrait commenter sur l’affaire.
Je ne suis pas clerc (ni mêmla médecine e grand), mais je pige un peu le principe de cette remise en liberté (relative: le contrôle judiciaire c’est pas les vacances à St Trop’ non plus) .
En gros, l’idée d’envoyer un type en préventive ou non dépends de la question:
« la personne pourra t elle recommencer son crime/ délit en restant en liberté ou se soustraire à la justice? ».
C’est pour ça qu’un voleur de mobylette SDF(2) a plus de risque d’avoir droit à de la préventive(1) qu’un anesthésiste soupçonné d' »anesthésier définitivement » ses patients. Car le premier peut facilement recommencer, le second non. Je caricature, mais c’est l’idée. Si le docteur P€chi€r me propose une anesthésie gratis, je vais spontanément refuser. Et je doute qu’un hôpital l’embauche, même si c’était possible, tant que l’affaire ne sera pas résolue.
Autre point, vu que les prisons sont remplies jusqu’à la gueule, si le présumé innocent présente peu de risque de se sauver, on préfère utiliser des moyens alternatifs à la prison (et moins chers).
(1) même si c’est limite pour un simple vol : il faut au moins encourir une peine de trois ans de prison si j’ai bien lu
(2) donc à priori, pas de « garanties » qu’il reste gentiment chez lui à disposition de la justice. A comparer avec un médecin qui aurait tout à perdre si du jour au lendemain il partait exercer en Amérique Latine. (Quoi que… le SDF a moins de possibilité d’aller jusqu’en Amérique Latine que le médecin – travail d’avocat).
Maintenant, toute chose égale par ailleurs (j’adore cette formule absurde), est-ce qu’un anesthésiste qui tue par blessure d’ego est un fait impossible?
Des médecins à l’ego surgonflé, on en trouve un peu partout. On peut se demander si la hiérarchie des centres hospitaliers ne les favorise pas.
Des médecins capable de mépriser la vie pour des conditions bassement matérielles, il en existe au moins un de connu, le Dr Petiot.
Des narcissiques qui pètent un plomb et s’offre une rage narcissique leur faisant oublier toute considération humaines ou morales du moment que cela restaure leur ego, ça a été documenté. Un narcissique en rage, ça charge comme un taureau furieux, ça ne se préoccupe pas de ce qu’il y a sur le trajet.
Mais des psychiatres qui se plantent complètement de diagnostic, ça existe aussi. Le psychiatre est humain et la psychiatrie n’est pas une science exacte.
Bref, vivement qu’on ait un peu plus de preuves matérielles…
Malheureusement l’enflure égotique est une affection qui touche tout le monde et à ce que je vois pas plus les médecins que d’autres.
Tiens je sors d’une assemblée de copropriétaires (population selectionnée puisque propriétaires, certes) et bien des égos imposants , il y en a !