Bonjour
Le pire n’est jamais certain. Un médecin vient de remporter une édifiante bataille juridique qui l’opposait à la fille d’une patiente. Elle était l’auteure d’une « lettre ouverte » (sic) sur Facebook l’accusant d’avoir laissé sa mère mourir dans la souffrance. Publié sur le réseau social le 4 juin 2018, le texte (partagé trente-mille fois) visait directement le médecin (qui n’était pas le médecin traitant) en remettant en cause sa prise en charge de la patiente (à l’époque en fin de vie et depuis décédée.)
Le médecin avait aussitôt porté plainte pour « injures et propos diffamatoires ». L’audience s’était tenue tenue le 14 mai devant le tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier (Doubs). Âgée de 90 ans et souffrant d’une gangrène à une jambe (à la suite d’une ischémie), la résidente refusait l’amputation et demandait (en mai 2018) à mourir à domicile – c’est-à-dire à l’EHPAD dont le médecin était le coordonnateur.
Ce dernier accepte alors ce choix et met en place de la morphine en patchs (puis en gouttes) pour soulager les douleurs de la patiente. Au bout de plusieurs semaines, ses proches demandent la mise en place d’un pousse-seringue avec morphine à la demande. Le médecin coordonnateur n’est alors pas en mesure d’accorder une réponse favorable à cette requête, déclenchant la colère de la famille et la publication de cette lettre ouverte.
« Ce n’est pas une euthanasie que l’on vous demande, juste un confort de fin de vie, qui lui permettra de mourir en douceur », y écrit la fille de la résidente, avant d’indiquer : « J’avais commencé à percevoir que vous étiez un salaud. » Plus loin dans sa publication, on peut également lire : « Vous aviez cette arrogance des gens bien nés, vous savez le charme discret de la bourgeoisie, on traite les petits par le mépris. J’ai essayé de parler avec vous de la prise en compte de la douleur de ma mère, et vous m’avez parlé de démocratie, que vous seriez le dernier rempart, pour un peu il aurait fallu vous passer sur le corps pour qu’elle ait enfin son pousse-seringue ! »
D’autres paragraphes du texte, rapportés notamment par Le Quotidien du Médecin (Marie Foult) sont plus virulents encore. À la suite de ce texte, le médecin porte plainte, soutenu par la CSMF régionale et par l’Ordre départemental, qui s’était constitué partie civile.
Vindicte populaire
« Notre confrère a été victime d’un e-lynchage massif à la suite de cette publication, il a reçu des menaces de mort ! », assurait alors le président de la CSMF Bourgogne – Franche-Comté qui remettait en cause la version des faits exposés par la famille dans sa lettre ouverte.
« Un pousse-seringue a bien été demandé, mais il n’y en avait pas de disponible dans l’établissement. Pour que cela soit possible, le médecin coordonnateur a donc demandé une hospitalisation à domicile (HAD) pour la fin de vie, sauf qu’il a fallu attendre la validation du médecin traitant, ce qui a pris plusieurs jours. Or, la lettre a été publiée entre-temps ! Mais l’HAD a bien eu lieu et la résidente est décédée dans ce cadre ».
Pour le syndicaliste, ce genre d’utilisation des réseaux sociaux est « plus que délétère » pour la profession. « C’est la porte ouverte à toutes les exigences personnelles des patients : dès que le médecin ne voudra pas répondre « oui », les citoyens vont se tourner vers les réseaux sociaux ou les notations sur Internet. C’est un danger pour les professionnels de santé ».
Le tribunal a rendu sa décision le jeudi 4 juillet. L’auteure de la lettre ouverte sur Facebook a été condamnée à 2000 euros d’amende avec sursis. Elle devra aussi rembourser les frais de procédure au médecin – de 2000 euros également. Il se verra verser un euro symbolique a indiqué son avocat au Quotidien du Médecin (Marie Foult)
« Ce lynchage médiatique doit cesser ! Il faut que les gens comprennent que s’ils écrivent ce genre de choses sur les réseaux sociaux, ils pourront être condamnés. Les médecins sont suffisamment en stress avec leur boulot, si en plus on est dans la vindicte populaire, c’est non » a déclaré le président du conseil départemental de l’Ordre des médecins. Le praticien visé a décidé de ne pas commenter publiquement cette décision. Il n’avait pour sa part demandé que l’euro symbolique.
A demain @jynau