Bonjour
C’était un communiqué ministériel parfait, un texte d’été destiné à la presse. Puis, dans la même heure et pour les mêmes journalistes, un second communiqué qui vient ruiner le premier. Résumé.
I Le message d’Agnès Buzyn. La ministre des Solidarités et de la Santé, publiquement, se félicite d’un texte qu’elle vient de faire signer par sa « cheffe de service des politiques d’appui au pilotage et de soutien » (V. Deffrasnes) : Arrêté fixant la liste des bénéficiaires et les montants alloués par le fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives au titre de 2019. Soit le déblocage de 120 millions d’euros (gérés par l’Assurance Maladie) destinés « à la lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives » 1.
Et la liste des bénéficiaires et des montants alloués : plus de 46 millions investis dans « l’aide à l’arrêt du tabac » ; 32 millions pour soutenir « des projets en régions » ; près de 18 millions pour les « projets nationaux de la société civile » ; plus de 13 millions « investis dans la recherche » et 11 millions pour « la mise en place de nouvelles campagnes de marketing social ». Quelques mots de jargon : « dans la continuité de la dynamique instaurée en 2018, le fonds de lutte contre les addictions permet de lancer, grâce à un comité d’orientation réunissant tous les acteurs impliqués, de nouvelles actions au plus près des populations et de leurs besoins, répondant aux priorités des plans nationaux de prévention et de mobilisation contre les addictions ».
Sans oublier le rappel de l’essentiel : les conduites addictives demeurent un problème majeur de société et de santé publique. Chaque année en France le tabac tue (prématurément) 75 000 personnes, l’alcool 41 000 personnes et les drogues illicites 1 600. Aujourd’hui 11,5 millions de Français fument quotidiennement, 10,6 millions ont une consommation d’alcool au-delà des nouveaux repères de consommation à moindre risque. Et 25% des usagers de cannabis (substance illicite) présentent un risque élevé d’usage problématique – soit plus d’un million de personnes.
II Le communiqué de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) 2. Un communiqué qui met en lie un papier de L’Equipe : « Loi sport : les députés LREM mettent la pression » (sic). Traduire, pour l’ANPAA : des députés macroniens appellent à une « nation sportive et alcoolisée » :
« Il y a quelques jours, 72 députés LREM ont déposé une proposition de loi dont l’article 18 : « vise à assouplir, de manière encadrée, l’application de la loi Evin dans les stades en étendant l’octroi d’autorisations temporaires de vente d’alcool aux sociétés sportives ». Sous le prétexte du soutien au sport, ces députés se font le relais fidèle du lobby alcoolier qui, année après année, rogne progressivement la plus grande loi de santé publique dont la France se soit dotée. Après avoir élargi les possibilités de communication publicitaire lors de la précédente mandature, le lobby parlementaire de l’alcool repart à l’assaut en faisant sauter un des derniers verrous de la loi Evin qui interdit le sponsoring du sport par les cigarettiers et les alcooliers. »
En jeu le sponsoring de la Coupe du monde de rugby et des Jeux Olympiques à venir. A la manœuvre le député (LREM, Cher) François-Cormier-Bouligeon. Ancien socialiste devenu proche d’Emmanuel Macron il était le co-auteur d’un rapport intéressant remis il y a quelques mois au Premier ministre : « Faire de la France une vraie nation sportive ». Hormis le sponsoring offert sur un plateau aux géants alcooliers c’est une proposition de loi qui est loin d’être sans intérêt 3.
Agnès Buzyn rappellera-t-elle à ces députés de son camp que la consommation d’alcool est incompatible avec le sport ? Tient-elle pour une fatalité le fait que deux de celles qui l’ont précédée à ce maroquin (Roselyne Bachelot puis Marisol Touraine) ont dû accepter de rogner la loi Evin sous la pression du lobby alcoolier ? En sera-t-il de même avec elle ?
A demain @jynau
1 Ce « fonds de lutte contre les addictions », créé par la loi de financement de la sécurité sociale du 28 décembre 2018 succède au « fonds de lutte contre le tabac ». Il vise à « renforcer et à poursuivre des programmes dédiés à la lutte contre le tabac et à déployer des actions de santé publique portant également sur les autres addictions, notamment l’alcool et le cannabis ».
2 L’ANPAA se présente ainsi : « acteur majeur du secteur français de l’addictologie avec plus de 90 établissements et équipes de prévention, de soins et d’accompagnement dans 72 départements et à l’Ile de la Réunion. Son domaine d’action « couvre l’ensemble des produits, activités et conduites addictives : usage, usage détourné et mésusage d’alcool, tabac, drogues illicites et médicaments psychotropes, pratiques de jeu excessif et autres addictions sans produit ».
3 L’article 3 « vise à changer le mode d’éducation des activités physiques et sportives en partant du niveau de chaque élève, puis en lui donnant les moyens de progresser, en basant la notation sur cette progression ».L’article 6 « exige la transparence des comptes des fédérations sportives ».L’article 10 « permet l’ouverture systématique des installations sportives des établissements scolaires pour les activités sportives hors cadre scolaire ».L’article 14 « permet l’allègement des contraintes administratives afin que la mise à disposition d’installations sportives ou la mise à disposition par l’employeur d’activités physiques et sportives ne soient pas considérées par l’URSSAF comme des avantages en nature ».
Si on peut plus se pochtronner la cheutron quand son équipe elle a gagnée et vomir dans la rue en braillant à 3h du mat’, y a plus de sport alors!
« Le pinard, ça devrait être obligatoire! » (Coluche).