Bonjour
Lundi 9 septembre 2019. Mandé de Londres, où se tient la première Conférence des villes engagées pour mettre fin au sida Fast Track Cities 2019. Annonce d’une baisse de 16 % des nouveaux diagnostics d‘infection à VIH à Paris entre 2015 et 2018, principalement chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH).
« En 2018, 906 Parisien·ne·s ont appris leur séropositivité, contre 1078 en 2015, soit un recul de 16%. Cette baisse est particulièrement marquée chez les hommes ayant des rapports sexuels entre hommes (HSH, -22%), qui représentent 45% des nouveaux cas en 2018, et parmi eux chez les HSH nés en France (-28%) » (Vers Paris sans sida, Ville de Paris, Agence régionale de santé d’Île-de-France). Ces résultats, ajoute-t-on, sont portés au bénéfice de l’augmentation du dépistage et du déploiement de la PrEP à Paris.
La PrEP (Prophylaxie Pré-Exposition ou Pre-Exposure Prohylaxis) est une stratégie de réduction du risque de contracter une infection par VIH. Elle se fonde sur l’utilisation de médicaments antirétroviraux à prendre au cours d’une période d’exposition à un risque potentiel (mais connu) de contamination. Officiellement, cette stratégie médicale doit être accompagnée « d’un suivi renforcé et individualisé en santé sexuelle ». Cette même PrEP constitue aussi un bouleversement majeur dans la lutte contre l’épidémie de VIH/sida: utiliser un arsenal médicamenteux jusqu’ici uniquement curatif à des fins exclusivement préventives. Et avoir recours à cet arsenal alors même qu’une autre arme préventive, mécanique, (le préservatif masculin) a amplement fait la démonstration de son efficacité contre l’infection par le VIH mais aussi contre l’en semble des infections sexuellement transmissibles. En France la PrEP est intégralement prise en charge par la sécurité sociale.
Pour l’association AIDES, aucun doute : « Ces résultats spectaculaires confirment l’efficacité de la stratégie promue depuis des années par AIDES, dont les actions de dépistage, de prévention et de promotion de la PrEP ciblent spécifiquement les populations les plus vulnérables au VIH ».
Au même titre que ses actions de dépistage, AIDES met tout en œuvre pour faire connaître la PrEP auprès des « publics cibles ». En 2018, AIDES a ainsi accompagné à Paris près de 2 500 personnes sous Prep. Elle est également, depuis mai 2017, co-investigatrice de l’étude ANRS « Prévenir » pour laquelle, les militants-es recrutent et assurent l’accompagnement des participants, HSH séronégatifs à haut risque d’infection à VIH. Les dernières données de cette étude ont permis de confirmer l’excellente efficacité de la Prep quotidienne ou à la demande, au moment des rapports sexuels, pour se protéger de l’infection par le VIH. Si les HSH utilisent de plus en plus la Prep, d’autres populations concernées, notamment les femmes migrantes, restent quant à elles largement exclues.
Diminution du recours au préservatif et drogues psychoactives
Tous les spécialistes ne partagent pas cet enthousiasme quant à la PrEP. Aini les auteurs de « Retour des infections sexuellement transmissibles : vers une épidémie de l’ampleur du sida ? » (The Conversation, 7 août 2019) : Eric Caumes, professeur de maladies infectieuses et tropicales à l’UPMC et chef du service des maladies infectieuses à la Pitié Salpêtrière, Sorbonne Université ; Caroline Petit, biologiste, chargée de recherche au CNRS, École normale supérieure (ENS) ; Jacques Leibowitch, Maître de conférences émérite en médecine, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines – Université Paris-Saclay ; Myriam Kirstetter, spécialiste en médecine interne à la Pitié Salpêtrière, et Hervé Latapie, activiste gay. Ils écrivent notamment :
« Ces dernières années, le développement de la PrEP n’a pas arrangé la situation des Infections Sexuellement Transmissibles (IST) dans la population des HSH. Disponible en France depuis 2016, ce protocole consiste pour les personnes séronégatives, donc non porteuses du virus, à prendre en prévention le traitement contre le VIH. Les 12 000 à 15 000 personnes qui ont recours à la PrEP prennent des médicaments en continu (un comprimé tous les jours) ou “à la demande” (un comprimé avant un rapport, puis un comprimé durant au moins 2 jours après une prise de risque sexuel).
« Des études récentes, en France comme en Australie, confirment malheureusement que cette prévention médicamenteuse – efficace uniquement contre le VIH tant que la personne prend le traitement – entraîne une diminution du port du préservatif et une augmentation des prises de risque. Ce qui se traduit sans surprise, par une augmentation des autres IST. Même s’il faudrait mieux les prévenir, traiter les IST doit rester une priorité de santé publique. La prévention et l’encouragement au dépistage ont en effet leurs limites, comme le montre le cas du VIH : chaque année, plus de 6000 nouvelles contaminations ont encore lieu en France.
« Autre problème : il est difficile de dépister les IST en cas de prises de risques trop fréquentes et répétées. Enfin, le retour des pratiques à risque chez les HSH s’accompagne souvent de l’usage de drogues psychoactives. Cette vague de toxicomanie qui grossit depuis 2010 augmente les transmissions d’IST (et y ajoute le risque de maladies transmises par voie sanguine, hépatites notamment). »
Où l’on voit, une nouvelle fois que la lutte contre les IST ne saurait, sans danger pour les individus comme pour la collectivité, être fragmentée.
A demain @jynau