Incohérence sur la GPA : contre le Conseil d’Etat, le gouvernement ouvre la voie à sa légalisation

Bonjour

Interdire mais, tacitement, autoriser. On peut voir là une incohérence majeure, éthique et politique. Elle est révélée ce 10 septembre 2019 sur les ondes de France Info. Le gouvernement français va pleinement reconnaître la filiation des enfants nés d’une « grossesse pour autrui » (GPA) mise en œuvre à l’étranger. La mesure entrera en vigueur dans les prochaines semaines par le biais d’une simple circulaire.  Les enfants nés à l’étranger au terme d’une grossesse « portée » par une femme deviendront ainsi les enfants du couple qui a rémunéré cette femme à cette fin (« parents d’intention »).

Aujourd’hui, seul l’homme qui a donné son sperme pour une insémination artificielle de la porteuse peut être reconnu comme étant le père. La femme qui n’a pas porté l’enfant n’est pas considérée comme la mère. Pour autant cette femme peut adopter l’enfant. Il en est de même pour l’un des deux hommes dans un couple homosexuel. Après des années de refus la France va donc accepter donc de transcrire automatiquement la filiation des enfants nés de GPA dans l’état-civil. Au nom de « l’intérêt de l’enfant ». Pour autant la pratique de la GPA continuera à être interdite en France 1. Comment comprendre ?

Voici, sur la GPA, la position résumée du Conseil d’Etat (nous soulignons) :

« Cette pratique fait l’objet d’une interdiction d’ordre public (aucune convention ne peut y déroger) et est pénalement réprimée. La GPA suppose la mise à disposition par une femme de son corps pendant 9 mois au profit de tiers, avec les risques inhérents à toute grossesse et accouchement, ainsi que la renonciation de cette dernière à son état de mère et la remise de l’enfant. L’ensemble constitue une contractualisation de la procréation incompatible avec les principes d’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes qui conduit le Conseil d’État à en exclure le principe. Dans l’hypothèse où elle seraitrémunérée, cette pratique se heurterait en outre au principe de non-patrimonialisation du corps humain.

Si ces principes n’ont pas bénéficié par eux-mêmes d’une consécration constitutionnelle, ils traduisent, selon le Conseil d’État, une vision de la dignité qui est inhérente au modèle bioéthique français. L’étude fait l’analyse de la jurisprudence récente à propos de la situation des enfants nés à l’étranger de GPA (transcription à l’état civil du lien de filiation avec le père biologique et adoption ouverte à sa conjointe ou son conjoint). Le Conseil d’État ne recommande pas d’évolution estimant que le droit actuel maintient un équilibre entre la prise en compte de l’intérêt de l’enfant et le maintien de l’interdiction de la GPA. »

Ainsi donc le gouvernement s’oppose ici au Conseil d’Etat. Sa décision intervient après plusieurs années de combats judiciaires engagés par plusieurs couples et une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme.  « Le gouvernement prend ainsi les devants, alors que plusieurs députés de droite et de la majorité ont déposé des amendements en ce sens, dans le cadre de l’examen du projet de loi de bioéthique qui inclut la PMA » croit savoir France Info.  

« Il ne s’agit pas d’autoriser ‘’par la bande’’ la GPA en France » affirme la sociologue militante Irène Théry sur France Inter. Et de rappeler qu’il s’agissait ici d’une promesse du candidat Macron et que le président était opposé à la GPA. Mme Théry feint-elle d’ignorer qu’au nom de la lutte contre les discriminations une GPA tacitement autorisée à l’étranger (via cette pleine reconnaissance de la filiation) devra bientôt être autorisée sur le territoire national ?

Il y a quelques jours Marlène Schiappasecrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations déclarait sur RTL que le gouvernement avait « toujours été extrêmement clair sur le fait que l’on est opposé à la GPA ». Et puis elle ajoutait : « Il n’est pas du tout question d’ouvrir ou de débattre de la GPA pendant ce quinquennat ».  Marlène Schiappa a-t-elle connaissance de la position du Conseil d’Etat ?

A demain @jynau

1 La GPA est interdite sur le territoire français et réprimée par des dispositions du code pénal à travers les infractions d’entremise en vue de l’abandon d’enfant, d’entremise en vue de la gestation pour autrui, de provocation à l’abandon d’enfant ou encore d’atteintes à l’état civil d’un enfant. Les peines encourues vont de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, selon la nature de l’infraction.

Lorsque les faits sont commis à l’étranger, ce qui est le cas dans la très grande majorité des situations, des poursuites ne peuvent être engagées contre un ressortissant français que si les faits sont également punis dans la législation de ce pays. Or, même parmi les pays qui interdisent la GPA, rares sont ceux qui l’assortissent de sanctions pénales en dehors de l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. Ainsi, le recours à la gestation pour autrui à l’étranger, et notamment aux États‐Unis, en Inde, en Ukraine, en Russie, au Royaume‐Uni, ou même au Portugal, qui l’autorise depuis 2016 pour les couples hétérosexuels mariés sans rémunération de la mère porteuse, n’est pas punissable en droit français, en l’absence de réciprocité de la répression de cette pratique dans le droit national du pays étranger (extrait de l’étude de 2018 du Conseil d’Etat consacrée à la révision de la loi de bioéthique).

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