Bonjour
S’autoriser à tout dire sur les sujets les plus graves – et ne pas être capable de reconnaître ses erreurs. Serait-ce le propre des hommes et des femmes de pouvoir ? Aujourd’hui le cas de Ségolène Royal est, de ce point de vue, tristement édifiant.
Invitée de BFM-TV vendredi 4 octobre, l’ancienne ministre de l’environnement a présenté les pesticides comme une cause majeure du cancer du sein : « Aujourd’hui, plus d’une femme sur dix est touchée par le cancer du sein, est-ce que vous vous rendez compte de ça ? C’est dû à quoi, cela ? C’est dû aux pesticides. »
Tollé immédiat dans les cénacles spécialisés. Le sujet est d’importance. Près de 60 000 nouveaux cas par an. Plus de onze mille décès prématurés dans le même temps. De nombreux facteurs de risques ont été identifiés parmi lesquels des antécédents familiaux et, corollaire, des prédispositions génétiques. L’alcool, le tabac et le surpoids font aussi partie des facteurs de risques parfaitement établis. Avec, en pointillé, les perturbateurs endocriniens. Pour ce qui est des « pesticides » aucune mis en évidence scientifique de possibles effets sur l’apparition du cancer du sein dans la population générale. Rien ne permet certes d’être définitif mais rien ne permet d’affirmer comme le fait l’ancienne ministre socialiste
Précaution et confusion
C’est ce qu’a aussitôt relevé le jeune président de la Ligue nationale contre le cancer, Axel Kahn, qui s’est étonné de ces déclarations sur Twitter.
Hasard ou fatalité, Ségolène Royal (aujourd’hui ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique) était de nouveau interrogée sur le sujet sur France Inter lundi 7 octobre. Allait-elle faire son mea-culpa radiophonique? « Est-ce que vous êtes allée trop vite en disant cela ? Est-ce que vous voulez rectifier ? », lui a demandé la journaliste, Léa Salamé.
« C’était un peu résumé », a répondu l’intéressée, nullement gênée. Avant de dénoncer l’existence d’une « loi du silence pendant des années sur les effets de la dégradation environnementale et notamment sur tous les produits chimiques qu’il y a dans l’air, dans les sols, dans l’alimentation ».
Selon Ségolène Royal, « dans l’aléa et dans le principe de précaution, si on attend que tout soit démontré, il n’y a plus de principe de précaution ». Une formulation qui témoigne à merveille d’une méconnaissance, voulue ou non, du concept du principe de précaution. On attend, sur ce sujet, les commentaires des journalistes militants écologistes.
Il y a un an, le cas Jadot
Ségolène Royale n’est pas la seule à commettre de telles fautes jamais reconnues. Il y a un an Yannick Jadot, sur RTL, faisait de même, accusant les pesticides d’être responsables du phénomène, toujours inexpliqué, des « bébés sans bras »:
« Je suis absolument scandalisé par cette affaire, comme tous vos auditeurs, en tant que père de famille, on a tous été très touché, de voir ces enfants sans bras, sans main. On a des associations qui fonctionnent avec quasiment aucun moyen, et à qui on enlève les moyens, des associations qui font le registre des malformations. (…) On veut casser le thermomètre. »
« Ce que l’on veut ne pas voir, c’est que il est très probable que ces malformations soient liées aux pesticides. Toutes les familles qui ont été touchées par ces malformations vivent à côté des champs de maïs et des champs de tournesols. On n’a jamais voulu savoir en France, on veut pas faire les études épidémiologiques autour des incinérateurs, autour des centrales nucléaires, on veut pas le faire sur les pesticides parce qu’on ne veut pas savoir. »
M. Jadot n’avait aucune preuve quant à l’origine de ces malformations. Mais M. Jadot a des convictions politiques. Comme Mme Royal. Des convictions qui ajoutent ici gravement à la confusion générale et ajoute au discrédit du scientifique. C’est, aussi, une forme de populisme.
A demain @jynau
Excellent commentaire, pertinent et utile. Mais les journalistes qui réalisent de tels interviews connaissent (on le suppose) un peu le sujet et on peut s étonner de leur manque de réaction…
On peut, il est vrai, s’étonner de cette absence de réactivité qui n’existe pas sur d’autres sujets plus politiciens. Serait-ce le symptôme d’une relative absence de culture médicale et scientifique chez les journalistes « politiques » ?
Après avoir négligé les risques bien réels des pesticides, ceux-ci comme toujours après un déni sont systématiquement diabolisés sans aucune preuve. Il faut actuellement s’en tenir aux données factuelles :
– Le Chlordécone est responsable d’une épidémie de cancer de la prostate aux Antilles . Il a fallu de nombreuses années avant que les institutions de santé publique entreprennent une étude Karuprostate qui a fait la preuve qu’une exposition à ce pesticide était responsable de l’épidémie antillaise.
– L’exposition au DDT des petites filles et des fœtus féminins est impliquée dans la survenue du cancer du sein à 50 ans , le risque relatif des exposées par rapport aux non exposées étant de 3,7(IC :1,5-9) . ( Barbara A. Cohn Exposure DDT in Utero and Breast cancer J Clin Endo and Matabolism )
Il faut se souvenir que c’est Rachel Carlson qui la première a dénoncé les méfaits du DDT dans son ouvrage Silent Spring en 1961, avant que des publications ultérieures montrent que ce perturbateur endocrinien était un facteur de risque de ce cancer.
Donc il faut dans ce domaine faire preuve de prudence en évitant les affirmations intempestives dans un sens ou dans l’autre .
Quant aux affirmations de Jadot sur le rôle des pesticides dans la survenue des dysmélies, elles sont actuellement totalement infondées .