L’étrange histoire du Thermedol®, ou la démonstration que l’effet placebo est contagieux

Bonjour

C’est démontré : non seulement l’effet placebo existe mais il est aussi socialement transmissible. De quoi faire enrager certains tenants éconduits de l’homéopathie. La démonstration est apportée dans « Nature Human Behaviour » : « Socially transmitted placebo effects » par des chercheurs du département de psychologie d’étude du cerveau de l’université Dartmouth (HanoverNew Hampshire). Elle est traduite dans Le Quotidien du Médecin : «Quand la conviction du médecin augmente l’efficacité du traitement » (Damien Coulomb)

Les chercheurs de Dartmouth expliquent avoir recruté 194 étudiants en médecine, inscrits à des cours d’introduction à la psychologie et aux neurosciences, et les avaoir réparti de façon aléatoire pour tenir les rôles de médecins ou de patients. Les « médecins » appliquaient soit une crème présentée comme antalgique et dénommée Thermedol® soit une crème « contrôle » – la peau des « patients » avait était chauffée jusqu’à une température de 48 °C (afin de provoquer l’apparition de légères douleurs transitoires).

Au moment de l’application de la crème, les patients devaient noter la douleur ressentie sur une échelle allant de 1 à 100 (critère de jugement subjectif). En outre une évaluation plus objective de la douleur était fournie à partir de la mesure de la conductivité cutanée. Etude, bien évidemment, conduite en double aveugle. On aura compris que le Thermedol® était, comme la crème contrôle, un placebo.

Knock ou le Triomphe de la médecine

Ajoutons que  « médecins » faisaient l’objet d’un pré-conditionnement visant à les convaincre de la supériorité du Thermedol® sur le contrôle : ils subissaient le même traitement que les « patients » mais les expérimentateurs trichaient sur la température : la peau était chauffée localement à 43 °C avant l’application du Thermedol et à 48 °C après application du contrôle, et à 43 °C. Nullement informés  les « médecins » ressentaient donc objectivement une douleur moindre lors de l’application du Thermedol®.

« Lors de l’application par les ‘’médecins’’, les chercheurs ont constaté une ‘’transmission sociale’’ de l’effet placebo induit chez les soignants résume Le Quotidien du Médecin. La conductivité cutanée, et donc la douleur ressentie par les  ‘’patients’’, connaissait en effet un pic après application du Thermedol®. alors qu’elle restait plate après le contrôle. Par ailleurs, la douleur ressentie était significativement augmentée de 7,35 points en moyenne. Comment les médecins ont-ils transmis leur conviction de la supériorité d’une crème sur l’autre ? La réponse à cette question a été fournie par l’analyse des images fournies par les caméras fixées sur la tête des patients. Les algorithmes d’analyse ont enregistré des différences importantes dans l’expression faciale et la communication non verbale des médecins lors des applications respectives du Thermedol et de la crème contrôle. Les médecins se montraient moins distants et plus empathiques lors de l’application de la crème dont ils étaient persuadés de l’efficacité. »

Que conclure ? Que cette expérimentation « montre l’importance de l’interaction entre patients et médecins » lors de la prise en charge, concluent ses auteurs. Voilà qui confortera celles et ceux qui pouvaient (encore) en douter. Les auteurs estiment aussi que ces « mécanismes psychosociaux » qui concernent soignants et soignés devraient être mieux étudiés, voire intégrés dans l’évaluation des médicaments et des protocoles de prise en charge. Est-il trop tôt pour imaginer, un siècle après Knock ou le Triomphe de la médecine, que ces mécanismes (et leur maîtrise) pourraient commencer à être enseignés sur les bancs de nos facultés ? Avant d’être utilisés. Si tel était le cas, les éthiciens pousseraient-ils des cris d’orfraie ?

A demain @jynau


3 réflexions sur “L’étrange histoire du Thermedol®, ou la démonstration que l’effet placebo est contagieux

  1. Bonjour, 🙂

    Voici une belle histoire, qui appelle cependant quelques précisions …

    < De quoi faire enrager certains tenants éconduits de l’homéopathie … aux enragés, ça s'appelle … L'Hydrophobie . Chance, ça se soigne ! Mercis.

    < montre l’importance de l’interaction entre patients et médecins … ça ne s'appelle pas, suggestion, comme en toute relation, surtout si elle est thérapeutique des fois ??? À bonnes motivations, riens avoir, avec les rites de démolissions de certains … Encore mercis, … et … là ça suffit !

    (vidéo 1mn26): https://mobile.twitter.com/solange_menival/status/1187998958691467265

    Avec respectueuses salutations .

  2. Tromper les patients pour leur bien… les éthicistes vont s’étrangler non ?

    Prescrire un placebo sans dire au patient une c’est un placebo et, consentement éclairé oblige , s’assurer que le patient comprend bien que c’est un placebo est-ce même légal ?

    MAis un placebo est-il un placebo si on sait qu’il marche ?

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