Faire une croix, dès demain, sur les «cadeaux» de Big Pharma aux médecins généralistes ?

Bonjour

A trop lire Prescrire, on croyait le sujet définitivement bouté hors de la réalité. A tort. « Les médecins généralistes français qui reçoivent des cadeaux des laboratoires pharmaceutiques ont tendance à faire ‘’des prescriptions plus chères et de moindre qualité’’, montre une étude originale à fort potentiel polémique et politique. Elle est publiée mercredi 6 novembre dans le British Medical Journal 1 et résumée sur le fil de l’AFP.

Corollaire : les généralistes  « qui ne reçoivent aucun avantage de la part de l’industrie pharmaceutique sont associés en moyenne à de meilleurs indicateurs établis par l’Assurance-maladie quant à l’efficacité de leurs prescriptions, et celles-ci coûtent globalement moins cher ». Attention toutefois : ces résultats ne démontrent pas de lien de cause à effet. Ils mais « renforcent l’hypothèse selon laquelle l’industrie pharmaceutique peut influencer les prescriptions des médecins généralistes et offrent un aperçu sur l’étendue de cette influence », soulignent l’université, le CHU de Rennes et l’Ecole des hautes études en santé publique dans un communiqué.

Des auteurs qui ne redoutent pas d’ajouter :  « Cette influence, parfois inconsciente chez les médecins, peut conduire à choisir un traitement qui n’est pas optimal, au détriment de la santé du patient et du coût pour la collectivité. »

Ce travail repose sur le croisement de deux bases de données. La première est le portail Transparence Santé, sur lequel doivent être déclarés (à partir d’un montant unitaire de 10 euros) tous les « liens d’intérêt » des professionnels de santé – équipements, repas, frais de transport ou d’hôtel offerts par des entreprises du secteur (laboratoires pharmaceutiques, fabricants de dispositifs médicaux, etc.). Une base qui établirait que « près de 90 % des médecins généralistes ont déjà reçu au moins un cadeau depuis 2013 ».

« Un aperçu sur une étendue« 

La seconde base est le système national des données de santé (SNDS), qui recense consultations, actes médicaux, prescriptions de médicaments et hospitalisations remboursés en conservant l’anonymat des assurés. Les auteurs ont ainsi analysé les prescriptions d’un peu plus de 41 000 médecins généralistes travaillant exclusivement dans le secteur libéral libéral. Puis ils les ont classés en six groupes, en fonction du montant des avantages perçus au cours de l’année 2016.

Résultat ? D’un côté les compromis, plus ou moins conscients de l’impact des cadeaux sur leurs ordonnances. De l’autre côté ceux qui refusent les avantages et qui sont (« en moyenne ») associés à  « des prescriptions moins coûteuses » ; « plus de prescriptions de médicaments génériques par rapport aux mêmes médicaments non génériques » (pour trois types de médicaments : antibiotiques, antihypertenseurs, statines) ; « moins de prescriptions de vasodilatateurs et de benzodiazépines pour des durées longues », dont l’usage est déconseillé par l’Assurance-maladie ; « moins de prescriptions de sartans » par rapport à une autre famille de médicaments, recommandés pour leur efficacité similaire avec un moindre coût.

RAS en revanche pour les prescription d’aspirine, de génériques d’antidépresseurs ou de génériques d’inhibiteurs de la pompe à protons ». Plus étrange encore, au vu de l’absence de relation de causalité : les auteurs montrent que plus le montant total des avantages perçus est élevé, plus le surcoût moyen par prescription augmente – de même que le déficit de prescription des versions génériques pour les antibiotiques, les antihypertenseurs et les statines.

Pour les auteurs ces résultats « observationnels » renforcent l’hypothèse « selon laquelle l’industrie pharmaceutique peut influencer les prescriptions des médecins généralistes ». Et ils « offrent un aperçu sur l’étendue de cette influence ». Mais que dit de la réalité statistique, économique et politique un « aperçu sur une étendue » ?

A demain @jynau

1 Association between gifts from pharmaceutical companies to French general practitioners and their drug prescribing patterns in 2016: retrospective study using the French Transparency in Healthcare and National Health Data System databases. Bruno Goupil, Frédéric Balusson, Florian Naudet, Maxime Esvan, Benjamin Bastian, Anthony Chapron, Pierre Frouard doi: 10.1136/bmj.l6015 | BMJ 2019;367:l6015

2 réflexions sur “Faire une croix, dès demain, sur les «cadeaux» de Big Pharma aux médecins généralistes ?

  1. Effectivement ces « petits » cadeaux influencent les prescriptions mais que dire alors des millions d’euros distribués aux médecins qui lancent « l’appel des 50 » recommandant la vaccination contre certains papillomavirus, des milliers d’euros reçus par les 6 membres du comité français des vaccinations qui sont à l’origine des 11 vaccins obligatoires, des milliers d’euros reçus par les membres du comité ayant édicté les recommandations sur les hypocholestérolémiants, et des milliers d’euros reçus par les initiateurs de l’appel des 120 pour le déremboursement de l’homéopathie… Quel crédit apporter à toutes ces recommandations ? Big Pharma est vraiment à maneuvre de bout en bout… Pauvres médecins jouets des multinationales pharmaceutiques

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