Bonjour
La justice française peut ne pas plier sous le joug des puissants assureurs. Une histoire exemplaire vient nous le démontrer. « L’assureur Aviva refuse de verser la garantie prévue à la famille d’un homme décédé en 2018, au motif que ce dernier n’avait pas déclaré qu’il était porteur du gène responsable, à terme, de la maladie de Huntington » rapportait, en septembre, Mediapart (Louise Fessard).
Et l’on vient d’apprendre que le Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre vient de condamner l’assureur à verser environ 300.000 euros dus au titre de la garantie, et 3.000 euros de dommages et intérêts – décision rendue le 25 octobre et que l’AFP a pu consulter.
L’histoire est simple autant qu’édifiante. Le défunt avait souscrit un « contrat de garantie décès » en 2016. Il se savait alors, depuis 2003, porteur du gène responsable de la maladie de Huntington. Une information obtenue via un test génétique qu’il avait fait pratiquer dans la perspective de devenir père et alors que, dans sa famille, des cas avaient été recensés.
En 2016, il n’avait aucun des symptômes de cette affection neurologique dégénérative. Un médecin qui le suivait avait ainsi pu rédiger, en 2017, un certificat médical le déclarant « indemne de tout signe neurologique ». Après son décès en 2018, l’assureur Aviva avait appris « incidemment » (sic) que le défunt était porteur du gène anormal. Il avait alors refusé la garantie, estimant qu’il aurait dû le mentionner dans le formulaire médical et qu’il avait donc fait une « fausse déclaration intentionnelle ».
Le principe de non-discrimination génétique
Sa veuve, qui élève trois jeunes enfants, avait assigné l’assureur en justice. Après une audience tenue le 23 septembre, le TGI de Nanterre lui a donné raison. « L’assureur ne peut opposer au candidat à une assurance le résultat de tests génétiques prédictifs ayant pour objet la recherche d’une maladie qui n’est pas encore déclarée ni, par voie de conséquence, lui reprocher de ne pas dévoiler, au moment de son adhésion, une telle prédisposition dès lors que la maladie ne s’est pas encore manifestée » fait valoir la justice française.
Pour Me Elodie Lachambre, avocate de la famille, il s’agit d’une « interprétation large » du principe de non-discrimination génétique, inscrit dans le code de la santé publique 1. « Le tribunal a répondu à tous les arguments en défense, que ce soit en interdisant à l’assureur de tenir compte d’une information issue d’un test génétique, quelle que soit la manière dont il en a eu connaissance, mais aussi en confirmant que, quelles que soient les prédispositions génétiques de l’assuré, elles ne remettent pas en cause le caractère aléatoire du contrat », explique-t-elle
Interrogé par l’AFP, l’assureur Aviva (3 millions de clients en France, 4 500 collaborateurs) a indiqué « prendre acte » de cette décision et ne pas souhaiter faire de commentaire. On aurait pourtant aimé connaître sa perception du principe de non-discrimination génétique.
A demain @jynau
1 Article L1141-1 : « Les entreprises et organismes qui proposent une garantie des risques d’invalidité ou de décès ne doivent pas tenir compte des résultats de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne demandant à bénéficier de cette garantie, même si ceux-ci leur sont transmis par la personne concernée ou avec son accord. En outre, ils ne peuvent poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats, ni demander à une personne de se soumettre à des tests génétiques avant que ne soit conclu le contrat et pendant toute la durée de celui-ci. »