Bonjour
25 novembre 2019. C’est une révélation, de taille, du Monde (Faustine Vincent). Parmi les treize mesures judiciaires retenuesdans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales, que Le Monde a pu consulter, pas moins de quatre font mention de l’ « emprise » 1. « Une avancée de taille qui traduit la prise de conscience de l’importance des violences psychologiques dans ces dossiers et la nécessité d’adapter les réponses judiciaires » observe le dernier quotidien vespéral de la capitale.
Où l’on revient sur le signalement des faits de violences conjugales et la question, hauteemnt délicate, de la levée du secret médical. Le Monde :
« Tous les professionnels de santé le constatent : les victimes ont la plus grande difficulté à révéler ce qu’elles subissent. Cela se traduit sur le plan judiciaire : sur les quelque 220 000 femmes se disant victimes de violences conjugales, moins d’une sur cinq porte plainte, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes.
Or l’emprise, qui constitue le socle des violences psychologiques, est ‘’l’une des raisons majeures de cette non-révélation’’, souligne le groupe de travail sur la justice mis en place dans le cadre du Grenelle. Elle ne laisse pas de preuves matérielles, mais détruit les capacités psychiques des victimes, engluées dans une relation dont elles ne parviennent pas à sortir, et les empêche d’évaluer la dangerosité de leur situation. »
D’où la mesure qui prévoit que le médecin (ou tout autre professionnel de santé) puisse alerter le procureur de la République, « sans l’accord de la victime », lorsqu’il « estime qu’[elle]se trouve sous l’emprise de l’auteur » des violences. Cette dérogation au secret médical s’ajouterait à celles qui existent déjà pour les mineurs et les personnes vulnérables. Des discussions sont encore en cours avec le Conseil national de l’Ordre des médecins pour savoir si la dénonciation des faits sera une obligation ou seulement une possibilité – auquel cas les professionnels de santé ne risqueraient pas de poursuite disciplinaire. On attend ici avec le plus vif intérêt la position de l’institution ordinale.
Autre « mesure phare » prenant en considération le concept d’emprise : la création, dans le code pénal, de l’incrimination de suicide forcé comme circonstance aggravante au délit de harcèlement moral au sein du couple. Ainsi,« lorsque le harcèlement du conjoint ou du partenaire a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider », les peines seront de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. La proposition d’une peine plus lourde – vingt ans de prison – n’a pas été retenue dans la mesure où il s’agissait alors d’une infraction criminelle. « Or, précise Le Monde, en cas de suicide, l’intention homicidaire aurait été impossible à prouver, selon les services du ministère de la justice ».
Nembutal® : 590 euros la dose sur Internet
Faciliter la pratique du suicide ? Bientôt quarante ans après le sulfureux « Suicide, mode d’emploi » c’est précisément, aujourd’hui, l’objet de la dérangeante exclusivité du Parisien (Iris Peron) : « Trafic de Nembutal : la mort sur commande. Une série de perquisitions, menées mi-octobre en France, lève le voile sur un commerce illégal de ce médicament utilisé par les défenseurs de l’euthanasie. ». Où l’on découvre la mésaventure de Suzy Zahn, 81 ans, ancienne astrophysicienne, membre de l’association pro-euthanasie Ultime liberté. Elle a été interpellée à son domicile d’Antony (Hauts-de-Seine), pour avoir acheté 590 euros sur Internet, six mois plus tôt du Nembutal®, (pentobarbital), médicament interdit en France, hors usage vétérinaire, depuis 1996.
« C’est en ingérant le contenu d’une de ces fioles que Chantal Sébire, Française atteinte d’une tumeur incurable, devenue symbole de la lutte pour le droit à l’euthanasie, a mis fin à ses jours en 2008. Le Nembutal est aussi utilisé dans le couloir de la mort aux Etats-Unis, ainsi qu’en Suisse et en Belgique où l’aide au suicide est autorisée, rappele Le Parisien. Mi-octobre une centaine de personnes, en grande majorité des retraités, ont été visées par une opération de perquisitions de grande envergure sur tout le territoire. Plus de trois cents officiers de police judiciaire ont été mobilisés simultanément pour mettre la main sur ce produit prohibé. »
Les enquêteurs de l’Oclaesp (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique) cherchaient à retrouver la trace des destinataires de ces fioles commandées sur Internet. Selon les informations du Parisien, tout est parti d’une dénonciation des Etats-Unis, après le démantèlement d’une plate-forme américaine d’expédition où ont été retrouvés des colis à destination de l’Hexagone. Et toujours selon Le Parisien une enquête préliminaire, ouverte en juillet par le pôle santé publique du parquet de Paris, avait permis d’identifier et de localiser 125 destinataires directs. En tout, 134 flacons ont été saisis chez des particuliers.
Pourquoi tant d’énergie demande Le Parisien ? « L’idée, ici, c’est de sauver des vies ». Et de faire respecter la loi.
A demain @jynau
1 Sur ce thème : « ‘’L’emprise est le socle des violences psychologiques, dont le but est de soumettre l’autre’’. La psychiatre Marie-France Hirigoyen explique comment l’emprise détruit les capacités psychiques des victimes de violences psychologiques. ». Le Monde du 20 novembre. Propos recueillis par Solène Cordier et Faustine Vincent