« Centre du don des corps à la science » : qui sont les responsables d’une telle indécence ?

Bonjour

Ainsi donc la presse généraliste peut encore, en France, avoir une fonction essentielle, démocratique. Non pas se substituer au procureur, non pas se draper dans la toge écarlate de l’investigation mais bien œuvrer, artisan patient, au service du bien public.  L’Express (Anne Jouan) vient ainsi de révéler que les dépouilles confiées au Centre du don des corps (CDC) de l’université Paris-Descartes étaient, rue des Saint-Pères, conservées dans des conditions indignes et dans des locaux insalubres.

L’Express évoque des photos datant de fin 2016, issues d’un rapport rédigé par le directeur du CDC et remis alors au président de l’université Paris-Descartes. Elles montrent « des cadavres par dizaines, au milieu d’un fatras indescriptible », des corps « démembrés », une tête qui « gît sur le sol ». Ce même rapport fait état « d’installations vétustes, inadaptées, ne respectant pas les obligations légales », de « chambres froides non hermétiques, avec des pannes à répétition » ou encore de « prolifération des souris, des mouches, avec ponte ». L’hebdomadaire assure que ce qu’il qualifie de « charnier » a existé « pendant plusieurs dizaines d’années », avec une « aggravation à partir de 2013 ». L’hebdomadaire relève par ailleurs que « les corps servent également à des entreprises privées auxquelles ils sont vendus, entiers ou démembrés », et que les professeurs de médecine, y compris ceux de l’université Paris-Descartes dont dépend ce centre, doivent eux aussi payer pour pouvoir disséquer.

Ainsi en violation de toutes les règles de l’éthique, les « pièces anatomiques », membres ou organes, sont monnayées à des industriels, laboratoires ou entreprises privées, par exemple pour faire des crash tests de voiture, selon Axel Kahn, ancien président de Paris-Descartes.

Un corps entier pouvait ainsi être vendu 900 euros, un membre 400 eurosUne tarification votée en 2011 par le conseil d’administration de l’université. Frédéric Dardel, interrogé par L’Express, défend cette vente de dépouilles votée sous sa présidence : «Les corps représentent un coût marginal, il est normal que ceux qui les utilisent payent». « Oui, il y avait du trafic, a confié à L’Express le Pr Guy Vallancien, directeur du CDC de 2014 à 2018. Les préparateurs revendaient des pièces le samedi matin à des chirurgiens, qui les emportaient.»

Selon L’Express, le Pr Richard Douard, président du CDC de 2014 en 2017, aurait alerté Frédéric Dardel, président de Paris Descartes et aujourd’hui conseiller de la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal, un document de 27 pages avec photographies à l’appui, et ce fin 2016.

Nouvelles exigences sociétales en matière de respect de la dignité et de transparence

Or dès le lendemain de cette publication le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a décidé d’y diligenter une inspection et d’en ordonner la fermeture administrative provisoire- et ce  « pour que l’inspection s’opère dans les conditions nécessaires à sa bonne tenue ». « Ces mesures permettront d’établir la réalité des faits ainsi que la marche à suivre afin d’envisager une réouverture du site dans les meilleures conditions » ajoute le ministère.

 L’Université Paris Descartes vient par ailleurs de s’exprimer  en des termes qui valent d’être lus. Extraits (nous soulignons):

« A la suite de la parution de l’enquête sur le Centre du Don des Corps dans le magazine l’Express du 27 novembre 2019, l’Université Paris Descartes tient à présenter ses excuses aux familles sur cette situation. L’Université souhaite apporter des précisions et réaffirme son engagement plein et entier au respect de la dignité des donneurs et de leurs familles. (…)

« Situé sur le Campus Saint-Germain, il est au cœur des plateformes universitaires accueillant des étudiants en médecine, des professionnels de santé et des chercheurs. Après plusieurs décennies d’activité, certaines installations du centre sont devenues vétustes. Dans le même temps, les pratiques se sont transformées et les exigences sociétales en matière de respect de la dignité et de transparence ont renforcé nos devoirs éthiques (sic). Cela a nécessité de revoir en profondeur les procédures et les installations du site (…)

« Le don du corps est gratuit (re-sic) ; le fonctionnement du centre génère des coûts (préparation, sérologie, conservation, mise à disposition et obsèques) qui sont demandés aux professionnels utilisa-teurs du centre. »

Afin de répondre à toutes les questions des familles des donneurs, l’université met en place une ligne téléphonique dédiée : 01 42 86 20 48. On imagine, malheureusement, la nature des questions. Et, surtout, redouter le possible impact d’une telle révélation sur l’avenir d’une pratique essentielle au progrès de la médecine et de la chirurgie. Une pratique qui réclame le respect absolu des corps et de la mémoire de ceux qui les offrent aux vivants. Comment a-t-on pu, au cœur battant de Paris, oublier tout cela ?

A demain @jynau

2 réflexions sur “« Centre du don des corps à la science » : qui sont les responsables d’une telle indécence ?

  1. Espérons aussi que le conseil de l’ordre des médecins s’en émeuve.

    Cela fait honte.

    On attend plus des médecins. Un médecin magtraitant (même de cadavres) c’est à une toute autre échelle (mais dans le même principe) le prêtre criminel pédophile. On s’attend à ce que cette profession et ce « sacerdoce » fassent mîeux que la moyenne.

  2. Effroi, sidération et dilution des responsabilités.
    Je me souviens d’une phrase « Un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne », la tendance sociétale est « à fermer sa gueule ». Réagissons et agissons vite par respect de l’humain…

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