Bonjour
Il nous l’avait dit, il le fait. En charge des intérêts de six médecins Me Fabrice Di Vizio réclame aujourd’hui des indemnités à l’État français, au titre du préjudice subi après avoir été sanctionnés par l’Ordre pour avoir « fait de la publicité ».
Bref rappel. Dès juin 2018, le Conseil d’Etat avait prévenu dans une étude que l’interdiction de la publicité était « susceptible d’être affectée par l’évolution de la jurisprudence européenne ». Un an auparavant la Cour de justice de Luxembourg avait en effet acté que les traités fondateurs de l’UE « s’opposent à une législation nationale (…) qui interdit de manière générale et absolue toute publicité » pour les spécialistes de l’art thérapeutique dentaire.
Puis, début 2019, l’Autorité française de la concurrence avait à son tour pointé « la nécessité de modifier à brève échéance » le code de la santé publique et rapportait que le gouvernement « travaill(ait) à leur refonte dans un délai de 6 à 12 mois ». Puis vint la décision du 6 novembre dernier où le Conseil d’État entend « contraindre » le gouvernement à procéder à l’abrogation de cette règle « devenue illégale ».
Et ce qui devait arriver arrive. Aujourd’hui un ophtalmologue, un chirurgien plastique, un stomatologue, un radiologue et deux généralistes demandent (au total) 2,5 millions d’euros (dont près d’un million pour le premier) au titre du préjudice subi. On leur reprochait d’avoir fait la promotion du laser médical. « Ces sommes sont établies à partir des bilans comptables des praticiens, a expliqué Me Fabrice Di Vizio au Quotidien du Médecin (Stéphane Long). Cela tient compte du manque à gagner, des charges de leur cabinet durant la période d’inactivité et des dépenses liées à la reconstruction de leur carrière après la sanction. » Entre 2013 et 2019, ces médecins avaient été suspendus d’exercice – et ce pour des périodes allant de un à six mois mois ferme . « Ces sanctions sont allées jusqu’à ruiner la carrière de certains professionnels », assure l’avocat.
Evaluer le montant exact des préjudices
Ce dernier vient de déposer une requête préalable pour indemnisation auprès du Premier ministre. « La faute de l’État est établie, il faut maintenant évaluer le montant du préjudice », estime-t-il. Le gouvernement a désormais deux mois pour répondre. Faute de victoire Me Di Vizio saisira le tribunal administratif ainsi que le juge des référés afin d’obtenir des mesures provisoires. « C’est simple, nous a expliqué l’avocat. Toutes les condamnations pour publicité ont été prononcées illégalement. Les juridictions ne pouvaient pas condamner sur la foi d’un texte contraire au droit communautaire et le ministre aurait dû abroger plus tôt . Ça ouvre droit à réparation du préjudice subi par les soignants ainsi condamnés. »
Pourquoi le ministre en charge de ce dossier n’a-t-elle pas agi plus vite ? Et que prépare Agnès Buzyn ? L’affaire ne fait que commencer. Une dizaine d’autres praticiens, sanctionnés pour ne pas avoir respecté l’interdiction de publicité, auraient initialement entamé des démarches auprès de l’avocat pour obtenir réparation. « Ils ont renoncé au dernier moment par crainte des représailles de leur Ordre », assure-t-il au Quotidien.
Ce dernier précise que l’Ordre national des médecins a transmis en début d’année à Agnès Buzyn un texte permettant d’amender le code de déontologie médicale « afin d’assouplir les règles de communication des médecins, sans pour autant autoriser la publicité ». Silence ministériel qui ajoute à l’imbroglio : les chambres disciplinaires pourraient continuer à sanctionner les praticiens osant la publicité en dépit de la décision du Conseil d’État.
Où l’on voit, une nouvelle fois, que la pratique de la médecine dans les espaces marchands évolue à une vitesse toujours un peu plus élevée que ne l’avaient imaginé ceux en charge de l’encadrer.
A demain @jynau