Bonjour
C’est une publication qui, au choix, rassurera ou sonnera comme une alerte : « Brief Report: Incidence of HIV in a Nationwide Cohort Receiving Pre-exposure Prophylaxis for HIV Prevention » (J Acquir Immune Defic Syndr. 2019 Dec 15;82(5):427-430.). Une information heureusement reprise par Le Quotidien du Médecin (Charlène Catalifaud).
Les auteurs américains rapportent six cas d’infection par leVIH chez des personnes sous prohylaxie pré-exposition (PrEP). Des données issue d’une « étude de cohorte rétrospective en vie réelle » menée sous l’égide de la Veterans Health Administration. Soit 825 personnes ayant démarré une PreP (emtricitabine/fumarate de ténofovir disoproxil, Truvada® et génériques) entre juillet 2012 et avril 2016 avec prise quotidienne – âge moyen 41 ans – durée médiane d’utilisation de la PreP : 8 mois.
Infectées malgré une prise correcte du traitement.
Quatre des personnes infectées ont fait état d’interruptions de traitement prophylactique allant de 4 à 162 jours. Elles ont été infectées au cours des périodes où elles n’étaient plus sous PrEP. Les deux autres personnes ont été infectées malgré une prise correcte du traitement. Et l’analyse génomique du VIH a montré que celui-ci était porteur d’une mutation appelée M184V au niveau de la transcriptase inverse, mutation associée à une résistance à l’emtricitabine, un des antirétroviraux de la PreP.
Rappelons qu’en France plus de 20 000 personnes ont depuis 2016 déjà eu recours à la PrEP (derniers chiffres communiqués par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) 1.
« Les résultats actualisés montrent que la diffusion de la PrEP en France se poursuit et s’intensifie. Ainsi, le nombre de personnes de 15 ans et plus ayant initié un traitement par Truvada® ou générique pour une PrEP depuis 2016 atteint 20 478 au 30 juin 2019, soit le double du chiffre atteint fin juin 2018. La grande majorité (80 à 85%) des utilisateurs renouvellent leur traitement d’un semestre à l’autre, suggérant un bon niveau de maintien de la PrEP après son initiation.
« Les utilisateurs de la PrEP sont principalement des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), âgés de 37 ans en moyenne, résidant en Ile-de-France ou dans une grande métropole. L’utilisation de la PrEP reste rare dans les DOM-TOM où, par ailleurs, les nouveaux diagnostics de séropositivité sont les plus nombreux. Conformément aux conditions de prescription actuelles (sic) l’initiation de la PrEP est très majoritairement effectuée à l’hôpital (dans 90% des cas). Il en est de même pour son renouvellement (85% des cas). »
Autoriser les médecins généralistes à pouvoir prescrire ?
« Les chiffres illustrent la réelle appropriation de cette stratégie de prévention en France, en particulier parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), souligne l’ANSM. Toutefois, les efforts doivent être poursuivis afin d’assurer la plus grande accessibilité à la PrEP pour toutes les populations concernées en France. » C’est ainsi que le Conseil national de l’Ordre des médecins demande désormais (dans son dernier bulletin et par la voix du Dr Patrick Bouet, son président) que les généralistes puissent être, au plus vite, des «primo-prescripteurs ». Un décret en ce sens est annoncé pour le premier semestre 2020
S’inquiéter de la publication américaine et de la possible sélection de souches résistantes ? Rappeler l’essentiel, au risque de ne pas être entendu ? L’essentiel : l’utilisation du Truvada® dans la PrEP ne se comprend, raisonnablement, que « dans une stratégie de prévention diversifiée de la transmission du VIH par voie sexuelle comprenant également la promotion de l’usage du préservatif, le recours au dépistage régulier du VIH et des autres IST, la connaissance du statut virologique VIH du/des partenaires, le recours au « Treatment as Prevention (TasP) » chez le partenaire séropositif et le recours à la prophylaxie post-exposition ».
Comment mener au mieux, ici, une politique efficace de réduction des risques ? Se rassurer à tout prix ou donner l’alerte ?
A demain @jynau
1 L’accès au Truvada® dans la PrEP a été possible en France dès janvier 2016 dans le cadre d’une RTU, et depuis le 1er mars 2017, le Truvada® bénéficie d’une extension d’AMM dans la PrEP.
Ce n’est pas inattendu, les résistances pour l’instant ç’est très rare.
Attention : étude retrospective avec les caveat qui vont avec.
Néanmoins:
Est-on au début d’une ascension de cas de souches résistantes passant les trous de la raquette, ou sur un plateau d’incidence ? On saura plus tard.
Des spécialistes de santé publique (préférentiellement sans conflit d’interêt pourront-ils dire le rapport bénéfice risque :
– nouvelles contaminations évitées (objet principal et unique de la PrEP)
– diffusione de souches résistantes
– accroissement et diffusione des autres IST notamment la silencieuse et simulatrice syphilis qui attaque vaisseaux et système nerveux ?
– effets secondaires ?
– (horresco referens) rapport coût bénéfice ?