Bonjour
2 janvier 2020. S’il fallait une démonstration elle serait fournie par la une du Parisien : « Et si on se passait d’alcool ? ». Avec, une nouvelle fois, « l’alcool » symbolisé par une verre de vin (rouge). Et s’il en fallait une autre, plus politique, on la trouverait sur le site de France Inter : « Mois sans alcool : l’opération « Janvier sec » n’a finalement pas été coulée en France » (Simon de Faucompret).
Où l’on retrouve l’ensemble des données exposées ces dernières semaines sur ce blog ainsi que sur Slate.fr. A commencer par le peu glorieux silence de l’agence Santé Publique France porteuse d’un beau projet avorté. « Ça faisait six mois que les équipes du ministère et de Santé publique France travaillaient dessus », a ainsi précisé l’addictologue Michel Reynaud au micro de franceinfo fin 2019. Rappeler aussi que tout avait semblé se nouer lors d’une rencontre dans un étoilé d’Epernay entre Emmanuel Macron et certains représentants du monde viticole : « Vous pouvez faire savoir qu’il n’y aura pas de Janvier sec, nous a-t-il dit [le Président] » , assurait le coprésident du Comité Champagne, Maxime Toubart, au site spécialisé Vitisphère. Un président étrangement muet, depuis, sur le sujet. Sans parler du pesant silence de la ministre des Solidarités et de la Santé qui, en toute logique, devrait porter haut et fort ce projet sans précédent en France.
Puis vinrent les « Bons Vivants » : portées par le talentueux Philippe Claudel 42 personnalités dont Pierre Arditi, Cyril Lignac et Katherine Pancol ont signé une tribune dans e Figaro, pour dénoncer la « toquade anglo-saxonne et puritaine du Dry January ». Un défi (faussement) assimilé à la prohibition – au point de pousser les élus locaux d’Épernay l’effervescente à l’interdire purement et simplement dans leur conseil municipal du 16 décembre.
2 janvier 2020. On ouvre le pragmatique Parisien (Florence Méréo) et l’on comprend que l’on est loin de la prohibition.
« Pierre veut savoir quelle place il occupe dans son quotidien. Isilda espère montrer à ses fils qu’on peut faire la fête sans lui. Le point commun entre ce trentenaire et cette quinquagénaire? Tous deux vont participer au défi de Janvier sans alcool. Un mois où on lève le pied plutôt que le coude, pour régénérer son corps et interroger sa relation au verre à pied et à la chope. »
« En Angleterre, le Dry January fédère quatre millions de personnes, tandis qu’un Belge sur cinq paie sa Tournée minérale (au mois de février). En France pourtant, il fait sacrément débat entre ceux qui le conspuent, voyant en lui une toquade puritaine, et ceux qui brandissent les arguments de santé publique sur les dégâts sanitaires et sociaux que l’alcool provoque. Le gouvernement a, lui, enterré l’opération de sensibilisation officielle que les autorités de santé construisaient. Et vous, relèverez-vous le défi ? »
Aucune « injonction »
Pr Mickaël Naassila, directeur du groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances à l’Inserm : « Fixer une abstinence pendant un temps donné permet de mettre la barre haut pour arriver ensuite à une réduction ». Aucune « injonction ».
Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions : il propose, dans Le Parisien, une approche progressive, notamment aux personnes qui consomment beaucoup d’alcool : « La première semaine est un round d’observation. Notez chaque jour, sur votre téléphone ou un carnet, ce que vous avez bu, le nombre de verres et les circonstances (au travail, en famille, en soirée ou tout seul…). Les trois semaines qui suivent seront consacrées à la réalisation de l’objectif que vous vous êtes fixé. Si vous rencontrez des difficultés, il faut les inscrire pour ensuite les analyser et les contourner ».
Conscient que l’un des freins majeurs est la « pression sociale », le médecin conseille d’avoir dans sa poche trois phrases clés en main à dégainer : « Ouh là, je me suis mis une sacrée mine hier soir, aujourd’hui, je fais pause. Ou : Je suis sous antibiotiques. Ou encore : « Non, c’est bon, je suis bien comme ça ». « Cette dernière marche du tonnerre … ».
Qui sait ? Peut-être faudra-t-il, demain, remercier Emmanuel Macron d’avoir tenté de torpiller notre premier « Janvier désalcoolisé ».
A demain @jynau