Bonjour
Le temps se couvre, la pression monte. Lire « Janvier sec: la coupe est pleine » (Denis Saverot). C’est le dernier éditorial de l’historique Revue du vin de France. Un petit pamphlet va-t-en guerre qui en dit incroyablement long sur la paradoxale désagrégation de la communication dont nous souffrons. Une forme de régression avec, en toile de fond une suicidaire guerre des tranchées. Extraits choisis (liens conservés) :
« Le dernier épisode du “Janvier sec” est affligeant. Voilà que l’Anpaa, le Fonds Actions Addictions et une cohorte d’associations hygiénistes financées à 100 % par de l’argent public préconisent une abstinence totale pendant un mois. Pas un verre de vin, pas d’alcool. De l’eau ! Seul Emmanuel Macron a fait capoter cette cabale, interdisant au ministère de la Santé de soutenir cette camarilla prohibitionniste. Le destin du vin français tient-il désormais à un homme ?
« Combien de temps va-t-on continuer à financer ces censeurs ? Quand va-t-on comprendre que l’Anpaa et ses coreligionnaires sont davantage préoccupés par le décuplement de leurs prébendes que par une quelconque efficacité : plus ils affolent la population, plus ils se distribuent des postes, des salaires, des titres, des subventions (des centaines de millions d’euros publics par an) et plus le nombre de personnes frappées par le fléau de l’alcoolisme reste stable dans le pays.
« Pourquoi ? Parce que les instances de la Santé publique agissent comme des ligues de vertu : elles pensent à la française que l’interdit sauvera la population. Il faut faire peur et on fait peur par la mort et par le cancer. Cette approche égalitariste réussit un exploit : être aussi tyrannique qu’inefficace. Ce discours d’interdit très généraliste et qui s’applique sans nuance à tous les âges, à toutes les façons de boire et à tous les types d’alcools, n’est plus audible par la population. Dieu merci, beaucoup de buveurs de vin sont en parfaite santé et feront pour certains des centenaires. »
Supprimer l’Anpaa, l’OFDT, le Fonds Actions Addictions etc.
Mais cet éditorial va plus loin que l’anathème dénonciateur. Il cite les confidences du Pr Jean Saric, « chirurgien du foie réputé » pour qui le temps est venu « d’ouvrir des consultations du bien boire dans les hôpitaux plutôt que de multiplier les consultations d’addictologie qui ne traitent qu’une petite frange de la population, des gens dépendants pour des raisons génétiques, psychologiques, professionnelles, des gens pas heureux en famille ni au travail ». Traduction : « Ce n’est pas parce qu’une minorité d’individus cabossés par la vie ont des problèmes avec l’alcool qu’il devient nécessaire de mettre la France au régime sec pendant un mois ».
Plus fort encore, l’éditorialiste va, étrangement, plus loin dans le champ politique : « Si Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy ou François Hollande étaient encore à l’Élysée, nous aurions certainement eu droit à un “Janvier sec” soutenu par le gouvernement., écrit-il. Il faut réagir, cesser de financer ces associations parasites qui préconisent la ruine de notre secteur viticole, le reniement de notre culture. Le réalisme actuel s’y prête : le gouvernement commence (enfin) à supprimer les comités Théodule, cette centaine d’organismes inutiles financés par nos impôts. Il est grand temps d’ajouter l’Anpaa, l’OFDT, le Fonds Actions Addictions et quelques autres à la liste. »
Et l’éditorialiste en vient à se dire qu’il vit un cauchemar. « Dans les stades du Japon, un public enthousiaste a suivi la dernière coupe du monde de rugby un verre de bière, de saké ou de vin à la main. Chez nous, c’est interdit au nom de la loi Évin, sauf si l’on est installé dans une loge VIP ! ». Et d’en appeler, grand classique, à ceux qui n’en peuvent mais : Rabelais, Alexandre Dumas et Baudelaire.
Pour notre part nous persistons à croire que des échanges sont possibles entre ces deux mondes. Postuler que l’on peut respecter, connaître, continuer à glorifier le monde du vin dans les gazettes et dans les livres 1 sans jamais oublier que nombre de nos contemporains souffrent de rapports complexes, pathologiques, avec les alcools. Croire, sans naïveté aucune, que l’on pourra ici construire des solutions pragmatiques efficaces – aux antipodes de la suicidaire prohibition comme de l’enfer de la jungle libérale. Une politique de réduction des risques.
Et rappeler, sans se lasser, qu’il faut aider au mieux celles et ceux que l’éditorialiste désigne comme des « individus cabossés par la vie qui ont des problèmes avec l’alcool ». Rappeler, aussi et enfin, que la pire des solutions est celle qui nous menace aujourd’hui : la guerre grande ouverte entre les auto-qualifiés « bon vivants » et ceux qui entendent bien, par-dessus tout, le rester.
Qui, ici, saura encore faire preuve de diplomatie ? Emmanuel Macron qui, jadis candidat, portait haut les couleurs de la prévention ?
A demain @jynau
1 Pour amateurs éclairés ou qui souhaitent le devenir : « La vie mystérieuse du vin » de Bruno Quenioux, Editions du Cherche-midi