Bonjour
Depuis quelques heures les médias généralistes amplifient l’écho de la démission annoncée de 1200 chefs de service. La colère et la rébellion hospitalières ne cessent de prendre de l’ampleur. Et la ministre Agnès Buzyn, au four des retraites et au moulin des soignants semble comme dépassée par les événements politiques et sociaux dont elle est en charge.
Au-delà du spectaculaire il nous faudra bien compendre, décrypter, analyser ce qui se passe dans le chaudron des établissements hospitaliers français. Deux ouvrages pour nous aider. Le premier est, à sa façon, un petit chef d’œuvre de clarté et d’écriture 1. Nous y reviendrons. Son auteur (le chef de service de neurochirurgie du CHU de Tours) éclaire une piste jusqu’ici ignorée (ou très largement sous exploitée) : celle du langage comme symptôme, ce langage « managérial » qui en quatre décennies a envahi la sphère d’un hôpital devenu industrie. A son corps défendant.
« Tenter de soustraire au maximum le facteur humain, trop humain, du système hospitalier, c’est prendre le risque que ce système s’effondre » prévient le Pr Stéphane Velut. Qui nous démontre comme la perverse novlangue de George Orwell (1984) trône en reine dans ce système qu’elle va étouffer. Nous y reviendrons.
« Tout juste soixante ans se sont écoulés depuis la création des Centres hospitaliers universitaires. Ces structures sont le cœur d’un système à la réputation excellente. Mais ce cœur s’est emballé. Le corps soignant s’épuise et les patients s’inquiètent. Les crises se succèdent avec leurs ordonnances de vains remèdes. Le mal est profond. Il s’entend dans le nouveau langage qui s’est imposé au sein des pratiques hospitalières. Tel est l’éloquent symptôme qui révèle le dessein de faire de l’hôpital une nouvelle industrie, au mépris de son humaine justification. Un dessein indicible, qui rêve de rabattre le soin dans la technicité abstraite et gestionnaire de notre société. »
Avec la complicité des plus hautes instances de l’État
Le second ouvrage 2 sera de facture plus classique, qui attagne la montagne par un autre versant, également politique. Il est signé par Hugo Huon et le Collectif Inter Urgences. Le premier est infirmier à l’hôpital Lariboisière (Paris) et il préside le second. « Ce livre est notre combat, votre combat. Un combat qui a pour but d’éviter l’effondrement de notre système de santé, à l’heure où les patients sont en danger. Plutôt que de nous taire, nous, professionnels de santé, avons choisi de redoubler d’énergie pour sauver ce qui nous tient à cœur : l’accomplissement de notre mission de service public. »
« Réduction des coûts et des effectifs, services saturés, violences, burn-out du personnel soignant… Les urgences craquent et, depuis un an, un mouvement de grèves spectaculaire se propage. À sa tête, le Collectif Inter Urgences et son porte-parole, Hugo Huon, brisent l’omertà et se font l’écho des acteurs de terrain : les médecins, mais surtout les « sans voix », infirmiers et aides-soignants.
« Pour la première fois, ils livrent leurs témoignages, saisissants, courageux et, avant tout, humains. Face à la mise à mort de l’hôpital public avec la complicité des plus hautes instances de l’État, ce livre appelle à une mobilisation citoyenne… avant qu’il ne soit trop tard »
Cet ouvrage sera en librairie librairie le 12 février 2020. En soutien à la mission de service public défendue par le mouvement, une partie des droits de ce livre sera reversée au Collectif. Nous y reviendrons.
A demain @jynau
1 « L’hôpital une nouvelle industrie. Le langage comme symptôme ». Stéphane Velut. Editions Gallimard. Collection Tract. 3,90 euros
2 « URGENCES Hôpital en danger Infirmiers, médecins, aides-soignants » Hugo Huon et le Collectif Inter Urgences Editions Albin Michel. En librairie le 12 février 2020
La machine kafkaïenne dite de l’hôpital public a produit une monstruosité. Sa dénomination de public a été dévoyée. Il ne peut plus être au service du public qui ne va pas bien. Parce qu’il a été phagocyté, sous l’aiguillon des forces politiques grandes et petites, par l’administration publique.
On peut pleurer tant qu’on veut, la politique qui cherche à s’en emparer, faute de projet autre, a réussi à tuer son hôpital public.
Dieu merci, la nature a horreur du vide, un nouveau cycle médical ne peut que survenir. Puissent les soignants ne pas oublier ce qu’on a fait d’eux !