Bonjour
Le vivant est, en réalité, toujours un peu plus complexe qu’imaginé. La preuve nous en est aujourd’hui apportée par une équipe de chercheurs français travaillant (notamment) au sein d’une équipe de l’Inserm basée à Montpellier. Une preuve publiée dans The FASEB Journal : « Blood contains circulating cell‐free respiratory competent mitochondria » 1. Où l’on apprend qu’il existe, dans le sang humain circulant, des « mitochondries complètes et fonctionnelles ». « Ces organites responsables de la respiration des cellules n’étaient jusqu’à présent retrouvés hors de ces dernières que dans des cas très particuliers, résume l’Inserm. Ces résultats apportent des connaissances inédites en physiologie et ouvrent la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques. »
« Mitochondries » : Organites intracellulaires dont la fonction principale est de fournir aux cellules l’énergie dont elles ont besoin pour assurer leur survie et les fonctions qu’elles sont censées accomplir. Les cellules tirent leur énergie de molécules organiques (sucres, protéines, lipides) qu’elles puisent dans leur environnement. Ces molécules organiques une fois oxydées en présence d’oxygène fournissent des électrons à un ensemble de complexes protéiques formant la chaîne de transport des électrons encore appelée chaîne respiratoire. La chaîne respiratoire est localisée dans la membrane interne mitochondriale. Une deuxième fonction primordiale de la mitochondrie est sa participation active à la mort des cellules (apoptose ou mort cellulaire programmée). La mitochondrie a donc une double vie: elle assure la survie des cellules en leur fournissant de l’énergie sous forme d’ATP et, dans certaines circonstances, participe à leur destruction. C’est ‘le Dr Jekyll and Mr. Hyde’ de la cellule. (Pr Jean-Claude Martinou, Département de biologie moléculaire, Université de Genève).
On sait aussi que ces mêmes mitochondries, composées d’un ADN qui leur est propre, peuvent parfois être observées hors des cellules sous forme de fragments encapsulés dans des microvésicules. Dans certaines conditions très spécifiques les plaquettes sanguines sont également capables de libérer des mitochondries intactes dans l’espace extracellulaire
Les chercheurs de Montpellier gardaient en mémoire des observations antérieures montrant que le plasma sanguin d’une personne en bonne santé contenait jusqu’à 50 000 fois plus d’ADN « mitochondrial » que d’ADN « nucléaire ». Aussi ont-ils posé l’hypothèse que, pour être ainsi détectable et quantifiable dans le sang, l’ADN mitochondrial devait y être protégé par une structure suffisamment stable. Afin d’identifier cette dernière, une centaine d’échantillons de plasma sanguin ont été analysés.
Sept années de travaux
Et ce sont ces analyses qui ont révélé la présence dans la circulation sanguine de structures hautement stables contenant des génomes mitochondriaux entiers. Après examen de leur taille, de leur densité ainsi que de l’intégrité de l’ADN mitochondrial qu’elles contenaient, ces structures observées en microscopie électronique (jusqu’à 3,7 millions par ml de plasma sanguin) se sont révélées être des mitochondries intactes et fonctionnelles, résume l’Inserm.
« Lorsque l’on considère le nombre élevé de mitochondries extracellulaires que nous avons trouvées dans le sang, on peut se demander pourquoi cela n’a pas été découvert auparavant » remarque Alain R. Thierry, directeur de l’équipe de chercheurs. C’est aussi une question à laquelle il ne répond pas. « Les mitochondries extracellulaires pourraient effectuer plusieurs tâches en tant que messagers pour l’ensemble de l’organisme » précise-t-il toutefois.
Ces mitochondries voyageuses pourraient ainsi être impliquées dans de nombreux processus physiologiques et/ou pathologiques nécessitant une communication entre les cellules. « Dr Jekyll et Mr. Hyde » au carré, en somme. Le vivant est peut-être un peu plus étrange que ne l’avait imaginé Robert Louis Stevenson.
A demain @jynau
1 Zahra Al Amir Dache , Amaëlle Otandault, Rita Tanos et al « Blood contains circulating cell‐free respiratory competent mitochondria » https://doi.org/10.1096/fj.201901917RRCes travaux ont bénéficié du soutien du SIRIC Montpellier Cancer (Inserm/CNRS/Université de Montpellier/Institut du Cancer de Montpellier/CHU de Montpellier/Université Paul Valéry) financé par l’Inserm, l’INCa et la DGOS.